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Points de vue

Terrorisme mondialisé : comprendre les racines du mal

Rédigé par Nassurdine Haidari | Mercredi 14 Janvier 2015 à 11:00

           


Terrorisme mondialisé : comprendre les racines du mal
Le 11 janvier, les Français se sont massivement levés contre le fanatisme et le terrorisme. Dans toutes les provinces de France, des hommes et des femmes ont voulu réaffirmer les valeurs de la République en défendant un pilier de notre société : la liberté d’expression. Cette liberté qui confère à chacun d’entre nous la liberté de dire, de faire et d’être soi. Des musulmans, des juifs, des athées, des agnostiques, des chrétiens, des blancs, des Noirs, des Arabes ont transcendé leurs différences pour dire ensemble : nous sommes la France libre. Une belle image de cette France rassemblée. Un moment de grâce… des heures inoubliables qui entreront de fait dans les grandes dates de l’histoire de France.

Le 11 janvier 2015 restera gravé comme le jour où la France de la liberté, de l’égalité et de la fraternité à crier son nom en démontrant que le vivre ensemble et notre unité étaient une force face à tous les périls qui s’annoncent devant nous. Mais, comme tout moment de grâce, le jour d’après est peut-être le plus long et le plus compliqué à gérer. Car au-delà de l’émotion collective, nous avons l’obligation de comprendre. Oui ! Comprendre comme l’affirmait Spinoza, sans rire ni pleurer mais comprendre.

Un monstre qui a grandi sous la bienveillance de nos démocraties occidentales

Comprendre que les frères Kouachi et Amedy Coulibaly étaient des enfants de France, tous nés ici. Comprendre leur parcours chaotique de foyers en foyers pour les uns, et de prisons en prisons pour presque tous. Nous devons avoir la force de regarder ces enfants de France qui se sont construits dans la banalisation de la violence, qui ont emprunté les chemins de la délinquance, qui se sont radicalisés dans ces nébuleuses islamistes et, enfin, ont choisi de semer la mort dans leur pays.

Ces assassins sont également les enfants d’un monde de plus en plus globalisé où l’idéal républicain est concurrencé par une idéologie obscurantiste mortifère. Ce monstre hideux sorti des entrailles d’un Moyen-Orient qui s’écroule, est rongé de l’intérieur par des monarchies totalitaires qui, chaque jour, bafouent l’aspiration profonde des populations à vivre en toute liberté, et par des sanguinaires décérébrés appelés, à juste titre, terroristes qui, au nom d’une certaine conception très particulière de l’islam, répandent la désolation en décimant l’arbre de la vie et en commettant des crimes abominables.

Comprendre, c'est aussi dire combien nos politiques étrangères ont nourri le mal qui nous atteint, avec cette realpolitik qui s’arroge le droit de défendre l’indéfendable, cet art de ruser en permanence avec nos valeurs, et cette étrange politique étrangère qui consiste à donner des armes sans savoir comment elles seront utilisées, à faire des guerres sans penser aux conséquences et à sceller des alliances que nous regretterons le lendemain sans aucune vision à long terme. Ce mal, nous l'avons libéré jadis en Irak en nous passant de l’autorisation des Nations Unies pour chercher, par la guerre, des armes de destruction massive qui, force est de constater, n’existaient pas. Ce mal que nous entretenons furieusement ébranche toute entreprise de paix dans le conflit israélo-palestinien. Ce mal que nous avons libéré en Libye, devenu en peu de temps, l’un des foyers les plus violents de cet extrémisme mondialisé, contamine désormais une partie de l’Afrique subsaharienne.

Bref, un monstre a grandi sous la bienveillance de nos démocraties occidentales dont la politique pétrolière annihile bien souvent toutes les bonnes résolutions. Ce mal qui a décimé durant des décennies des populations toutes entières en Afghanistan, en Irak, en Algérie, en Libye, au Yémen, veut se répandre chez nous mais nous ne l’accepterons jamais.

Un mal qui se nourrit diversement

Certains diront qu’ils sont les enfants de l’islam, que l’islam est malade, qu’il a un cancer et que ce dernier est en train de métastaser. Il serait injuste d’attribuer à la religion musulmane - qui a porté le monde, diffusé un savoir universel, encensé la culture et les arts - tous les renoncements des populations musulmanes.

Les musulmans doivent prendre conscience que ce monstre se nourrit également de l’illettrisme des masses, de nos divisions doctrinales incessantes, de l’acceptation de la dégradation de la condition féminine dans le monde, de la propagation des traditions contraires à l’esprit libérateur de notre texte sacré, du racisme entre les différentes composantes de la société musulmane, de la nostalgie maladive à vouloir retrouver un âge d’or, de la frilosité contagieuse à vouloir revivifier un corpus juridique obsolète, qui ne correspond plus au monde dans lequel nous vivons et d’un littéralisme sourd devant cette soif grandissante d’amour et de spiritualité.

En France, ce monstre se nourrit de l’incapacité des organisations musulmanes de France à organiser le culte musulman, et de l’incapacité des autorités politiques de parler d’islam en toute sérénité. Et notre islam souffre de voir une jeunesse trop silencieuse en manque de reconnaissance, d’imams autoproclamés, de représentants auto-désignés incapables de parler correctement le français.

L’islam souffre d’une islamophobie organisée, de la dématérialisation du savoir religieux où certains individus deviennent imams ou émettent des fatwas en un seul clic sur Internet. En fait, l’islam souffre également de ces populations musulmanes résignées à regarder le monde sans vouloir le changer.

Devant les événements que nous venons de traverser, ayons le courage de poser enfin la question de la stratégie et de l’efficience de nos politiques étrangères et ayons nous, musulmans de France, le courage de réformer l'enseignement et la compréhension de l'islam en terre de France.

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Nassurdine Haidari est un ex-élu PS de Marseille et délégué du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).





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