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Société

Avec Renovo, la jeunesse musulmane à l'assaut des grandes écoles

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mercredi 5 Décembre 2012 à 00:00

           

Passer par la case grandes écoles a un avantage indéniable pour les futurs diplômés, avec souvent un emploi hautement qualifié à la clé. Mais dans l’Hexagone, tous les jeunes n’ont pas les mêmes chances d’y accéder, à l’image des jeunes de banlieues issus de classes populaires. C’est à ces jeunes talents pleins d'ambitions que l’association Renovo, qui vise tout particulièrement la communauté musulmane, propose son aide.



Avec Renovo, la jeunesse musulmane à l'assaut des grandes écoles
Coup dur pour HEC. Dans le dernier classement des grandes écoles de commerce européennes du Financial Times dévoilé lundi 3 décembre, la prestigieuse école de commerce française perd la première place qu’elle trustait depuis plusieurs années, pour se retrouver en deuxième position derrière l'Instituto de Empresa de Madrid. Mais HEC reflète toujours l’excellence française, tout comme l'Institut européen d'administration des affaires (Insead) et l’ESSEC, même si elles reculent dans le classement.

Cette excellence reste très difficile d’accès pour les jeunes dès lors qu’ils sont issus des banlieues et des classes populaires. Beaucoup ne s’y projettent même pas alors même que certains ont tout le potentiel pour réussir dans ces filières. L’association Renovo aide ces derniers à intégrer les grandes écoles.

Ascenseur social en panne ?

« En France, l'inéquité du système éducatif est dramatique », déplorait Bernard Hugonnier, directeur adjoint à la direction de l'éducation de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), lors de la présentation, en septembre 2011, de l’étude « Regards sur l’éducation 2011 ».

« Sur 34 pays de l'OCDE, la France se classe à l'avant-dernière place. Le déterminisme social est extraordinairement fort en France, notre système éducatif ne s'améliore pas et ceux qui en pâtissent le plus, ce sont les pauvres », critiquait-il.

Les enfants des classes populaires ont ainsi moins de chances de poursuivre des études supérieures. Le système scolaire français ne leur en donne pas les moyens. Les enfants de banlieues issus de l’immigration sont particulièrement touchés par cette inégalité. On les oriente en masse vers les filières professionnelles, où ils y représentent 35 % des effectifs selon le rapport « Intégrer dans une économie de sous-emploi » du Haut conseil à l’intégration (HCI), publié en juin dernier. Constat y est fait que leur taux de chômage est supérieur à celui de leurs parents.

« De nombreux enfants d’immigrés se trouvent marginalisés sur le marché du travail et sont surreprésentés dans la catégorie des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation surtout en Espagne, en Belgique, en Autriche et en France », constate également l’OCDE dans la synthèse de son dernier rapport « Trouver ses marques : les indicateurs de l’OCDE sur l’intégration des immigrés 2012 ».

Renovo : l’excellence en ligne de mire

Pour faire face à cette inégalité, les initiatives se multiplient. Le but : permettre aux jeunes des quartiers populaires d’intégrer des filières généralistes au lycée et de suivre des longues études. Visant clairement la communauté musulmane, l’association Renovo propose aux jeunes qui en ont les capacités de viser l’excellence en intégrant les grandes écoles.

Depuis deux ans, elle accompagne de très bons élèves pour leur donner tous les moyens d’intégrer une grande école. Triés sur le volet, les jeunes, qui passent par une présélection, doivent avoir des bases solides pour espérer profiter de ce suivi. « Nous proposons un volet "Enseignement et tutorat" qui a lieu tous les dimanches de 10h à 18h et durant les vacances scolaires à mi-temps », explique Tewfiq Berboucha, le président de l’association.

« Cet été, il a eu lieu le mois d’août et les élèves sont partis en séjour à la Silicon Valley. Ils ont pu visiter la Nasa et Google et bénéficier de 25h de cours d’anglais dans un cadre islamique avec la Muslim community association », précise le jeune ingénieur, qui a débuté en mettant sur pied un programme de soutien scolaire à la mosquée de Créteil et en participant à celui de la mosquée d’Orly, en Ile-de-France.

En plus de modules d’enseignement, les élèves bénéficient d’un tutorat pédagogique. « Chaque élève a un tuteur en lien avec son projet professionnel pour l’encourager, l’orienter et s’identifier à lui. » Des journées d'immersion dans des entreprises, durant lesquelles des professionnels associés à l’association ouvrent le temps d’une demi-journée leurs locaux, sont aussi organisées. Les élèves peuvent ainsi peaufiner leurs choix d’orientation en vue d’intégrer les écoles les plus réputées.

Un éveil à la culture musulmane

Mais à Renovo, les valeurs morales prennent autant de dimension que le travail. Un tutorat « Valeurs morales » fait également partie du programme délivré aux jeunes sélectionnés. Pourquoi ? « Notre ambition est qu’ils deviennent des polytechniciens ou des centraliens avisés, au plus près de leur communauté », explique M. Berboucha.

Pas question qu’après avoir intégré de grandes écoles, ces jeunes oublient d’où ils viennent. « Ils doivent comprendre que l’argent n’est pas une fin en soi mais est un moyen d’aider les siens », commente-t-il. « D’ailleurs, tous les membres et enseignants composés d’étudiants de grandes écoles et de deux docteurs en chimie sont tous bénévoles », poursuit le président de Renovo.

Dans cette optique, l’association fait participer les élèves à des œuvres caritatives. « Nous faisons des maraudes auprès de ceux qui vivent dans la misère et l’insalubrité. » Une manière de faire comprendre aux jeunes de banlieue qu’ils ne sont pas les plus mal lotis, raconte M. Berboucha.

L’éveil culturel qui leur est dispensé permet également d’inculquer certaines valeurs à ces jeunes. « On insiste sur le fait qu’ils sont Français. Ils doivent connaître la culture française, c’est très important. Il y a aussi un éveil à la culture musulmane et non pas à leur culture de pays d’origine », indique le président de Renovo. « Il faut concilier identité française et musulmane. »

Avec un tel programme aussi instructif que moral, les élèves ont toutes les cartes pour intégrer les plus grandes écoles. Mais pas sans l’implication des parents, concède l’ingénieur. « C’est un triptyque avec les élèves, les parents et Renovo. Sans les parents, on arrive à rien. »

Un gala pour soutenir la jeunesse musulmane

Aujourd’hui, Renovo compte une quinzaine d’élèves. Les élèves, pris en charge dès les classes de 3e, n’ont pas encore atteint l’âge pour tenter les concours d’entrée aux grandes écoles, les plus âgés étant en terminale. Mais les premiers résultats sont plus qu’encourageants. « L’an dernier, les cinq élèves de 1ère Scientifique ont obtenu une moyenne de 18 à l‘oral du bac de français et une moyenne de 16 à l’écrit. Les élèves qui ont passé le brevet des collèges ont tous eu des mentions », fait savoir M. Berboucha. De plus, une élève qui a pu intégrer le prestigieux lycée Henry IV à Paris est première de sa classe, indique-t-il fièrement.

Dès le mois de février, un nouveau recrutement de dix élèves est prévu. Les jeunes peuvent déposer dès à présent leur dossier de candidature jusqu’au 6 janvier. Pour l’heure, le programme de l’association n’est proposé qu’à des jeunes de la région Ile-de-France. Les locaux actuels de Thiais, bientôt trop petit, devraient être remplacés par de nouveaux locaux à Porte de Gentilly, informe le président de Renovo, qui espère pouvoir développer son programme à l’échelle national. Sur le long terme, il espère également pouvoir compter sur 40 à 50 professeurs bénévoles, essentiellement étudiants dans les grandes écoles.

Mais pour continuer à se développer, la participation financière des parents, « en fonction de leurs revenus » allant de 200 à 600 € par an, ne suffit pas. Pour cela, Renovo organise son premier gala caritatif samedi 26 janvier 2013 à Paris, en présence de Tariq Ramadan. L’objectif est de récolter les fonds nécessaires pour une année complète, soit 70 000 €, note M. Berboucha.

L'entrée en coûtera, pour une personne, 250 € mais cette somme est « déductible des impôts », précise le président de Renovo. Pour le participant, ce sera surtout l’occasion de soutenir le fort potentiel d’élèves brillants. « Venez nombreux, la jeunesse musulmane a besoin de vous », clame l’association sur son site.






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