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Points de vue

Attentats de Paris : voir au-delà de la violence

Rédigé par William Barylo et Abbās Zāhëdī | Samedi 21 Novembre 2015 à 09:00

           


La violence que le monde subit, alors même que nous sommes en 2015, est un triste témoignage. La mascarade des égos négligeant les racines du problème ne nous aidera pas à construire une société harmonieuse. Il devient urgent de s’interroger comment, à l’ère des réseaux sociaux, nos sociétés ont tendance à s’hyperfragmenter et à s’engouffrer dans les tranchées de la haine.

Le processus est invariablement le même, presque tel un rituel : les attentats marquent l’occasion de renforcer les mesures de surveillance et d’accorder plus de pouvoirs aux forces de l’ordre. Les médias et certaines figures politiques en profitent pour semer la division dans une société qui pleure encore ses morts et panse à peine ses plaies. Dans la course aux votes, les inégalités sociales sont négligées et les frustrations grandissantes font gronder une colère sourde.

En conséquence, nombreux répondent aux appels des Cassandres modernes du racisme, du nationalisme, de l’extrémisme religieux et pléthore d’idées servant à légitimiser la violence sur des groupes ciblés. Les égos ne voient pas de telles crises comme une tragédie ni un problème, mais comme un large gâteau duquel chacun veut obtenir la plus grande part. Le cycle recommence et, avant même que l’on s’en rende compte, voilà que nous avons accepté l’invitation de la haine.

Nous avons lu avec horreur les témoignages des survivants, nos cœurs souffrent pour les familles des victimes et chacun est affecté par le traumatisme de ces évènements à travers le monde. Nous avons de la peine pour les citoyens vivant dans la crainte d’emprunter le chemin du travail ou de l’école. Nous avons de la peine pour nos amis musulmans qui devront affronter les conséquences d’actes qu’ils n’ont jamais soutenus. Asta Diakité est morte sous les balles des criminels, vendredi soir. Pourtant, la société continuera à voir le hijab comme un raccourci vers le terrorisme. Des innocents se verront refuser un emploi « juste au cas où ils seraient des extrémistes ». Des innocents se verront arrêter et incarcérer dans la violence « juste au cas où ils nous attaqueraient demain ». Des mosquées seront brûlées « juste au cas où… ».

Cela fait plus de vingt ans que la France investit dans la sécurité nationale au détriment des libertés et des droits humains. Vingt ans que le gouvernement applique les mêmes méthodes, à chaque fois avec plus de force, pour des résultats mitigés, face à une menace de plus en plus imprévisible, voulant contrôler les foules plutôt que de travailler avec et pour les citoyens.

Les milliards investis dans la vente d’armes et les opérations militaires auraient mieux servi s’ils avaient été employés pour construire une société harmonieuse. C’est ce que nous mettons en avant dans nos thèses. C’est ce que nous présentons aux élus, aux forces de l’ordre et aux services publics lors de nos interventions. Une France orwellienne ne fera que s’autodétruire.

Nous devons soutenir les initiatives locales qui mettent l’accent sur l’éducation, l’alphabétisme culturel, la diversité spirituelle et intellectuelle, construisant un XXIe siècle où il n’y a pas de place pour l’ignorance et les divisions. Une société qui soutient les démunis, ceux dont la vie est brisée, les laissés-pour-compte, les désespérés. Nous avons attendu trop longtemps que les gouvernements résolvent chaque problème. Or nous croyons que notre plus grand espoir réside dans ceux qui court-circuitent cette mascarade d’égos avec courage et compassion. Si nous voulons reconstruire sur ces ruines laissées par l’égoïsme, nous devons sortir de notre zone de confort et solidariser avec nos frères et sœurs en humanité.

Le monde est une collection de sociétés et de communautés en besoin de soins. Il est plus que jamais temps de faire notre possible à notre humble échelle pour construire une réalité harmonieuse. Certains créent des entreprises, fondent des associations, organisent des conférences, mais chacun, d’où qu’il vient et à la mesure de ses moyens, peut commencer ici et maintenant. Même s’il ne s’agit que d’un échange d’idées ou de sourires autour d’un café. Chaque mot compte, chaque action est importante.

Lorsque la violence provient de petits groupes, que ce soit des extrémistes tuant au nom d’une religion qu’ils ne comprennent pas, au nom de leur pays, ou des élites enfermées dans leurs luxueux bureaux, nous devons résister à la peur et à la haine. Nous ne sommes pas opposés les uns aux autres. Nous nous construirons l’un avec l’autre. Ils peuvent être aveugles, mais nous sommes éveillés. Nous sommes humains. Nous sommes plus forts.

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William Barylo est doctorant en sociologie à l’EHESS, à Paris. Il est le réalisateur d'un documentaire Musulmans polonais et d'une fiction sur la dépression A Strange Perfume Of Jasmine. Abbās Zāhëdī est artiste, entrepreneur et fondateur du collectif Barbedoun





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