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Culture & Médias

Altermondes : un autre monde est possible

La revue fête ses cinq ans

Rédigé par Propos recueillis par Hanan Ben Rhouma | Mercredi 25 Août 2010 à 00:00

           

Avec Altermondes, c’est « priorité à la solidarité, à la citoyenneté, aux droits humains et au développement durable ». Son objectif : « faire entendre la voix de celles et ceux qui, au Nord comme au Sud, œuvrent à la construction d’un monde juste et durable ». La revue trimestrielle de la solidarité internationale, éditée par l’association Altermondes Informations, dont fait partie Oxfam France et le Centre de Recherche et d’Information pour le Développement (CRID)*, fête cette année son cinquième anniversaire. Sa longévité, elle la doit en partie à ses quelque 2 000 fidèles abonnés. Une occasion pour Saphirnews de faire un bilan et d’en savoir davantage sur les futurs projets des responsables d’Altermondes.



Altermondes : un autre monde est possible

De quels constats êtes-vous partis pour créer Altermondes ?

David Eloy, rédacteur en chef : L’idée d’Altermondes est née au tout début des années 2000 d’une poignée d’associations françaises. C’était l’idée d’une revue commune au monde des ONG de solidarité internationale pour mieux porter leur parole auprès de l’opinion publique.

Elles faisaient en effet collectivement le constat que les médias « classiques » ne considéraient les questions internationales que sous l’angle des grands enjeux géopolitiques et, lorsqu’ils s’intéressaient aux pays dits du Sud, c’était pour leur porter un regard trop souvent misérabiliste, tronqué, caricatural, négligeant totalement le dynamisme des sociétés civiles qui, en Afrique, en Asie, en Amérique ou sur le pourtour méditerranéen, se mobilisent chaque jour pour construire un monde juste, durable et solidaire.

C’est le fondement du projet éditorial d’Altermondes : donner la parole à celles et à ceux qui ne l’ont pas, à tous ces invisibles qui, à leur échelle, dans toute leur diversité, rendent le monde chaque jour un peu meilleur.

Une utopie ? Certes, mais l’époque était propice pour un tel projet puisque nous étions en pleine vogue de l’altermondialisme (qui a donné son nom à la revue), avec le succès grandissant des forums sociaux mondiaux qui, de Porto Alegre (Brésil) à Bombay (Inde), en passant par Bamako (Mali) et Karachi (Pakistan), clamaient qu’un autre monde est possible.

Quel bilan tirez-vous à l'issue du cinquième anniversaire de la revue ? Combien comptez-vous aujourd'hui d'abonnés et à combien d'exemplaires tirez-vous chaque numéro ?

D. E. : Dès le départ, nous avons inscrit notre projet dans la durée. Il ne s’agissait pas pour nous de faire un coup, d’être en kiosque à des centaines de milliers d’exemplaires… pour disparaître six mois plus tard !

Nous avons donc pris notre temps pour convaincre, pour nous construire une légitimité et une notoriété. Et cinq ans plus tard, on peut dire que le pari est remporté. Certes, nous ne comptons encore qu’un peu plus de 2 000 abonnés (pour un tirage de 4 000 exemplaires), une goutte d’eau dans l’océan, mais ce qui compte, c’est que la revue n’a cessé de progresser ces dernières années, que la tendance est plutôt bonne, ce qui, en période de crise de la presse, est déjà en soi une réussite.

Nos abonnés nous sont fidèles et nous parvenons à nouer des partenariats de plus en plus riches avec des organisations de solidarité internationale, des syndicats, des collectivités locales, des médias qui reconnaissent notre savoir-faire et la pertinence de notre regard « décalé » sur le monde.

A l'heure où la presse écrite est en crise, comment faites-vous pour maintenir le cap ?

D. E. : Parce que justement nous n’avons jamais eu les yeux plus gros que le ventre, que nous prenons le temps de nous développer et que nous avons su imposer notre marque dans le paysage de la presse : une revue professionnelle qui donne la parole, dans toute leur diversité, aux acteurs des sociétés civiles du Nord et du Sud.

C’est suffisamment rare pour attirer un lectorat exigeant et engagé – sans pour autant se cantonner aux militants de la première heure. Notre plus grande force est notre lectorat, fidèle, que nous élargissons pas à pas, mais aussi notre capacité à nouer des partenariats éditoriaux avec l’ensemble des composantes de la société civile française, avec lesquelles nous partageons des valeur d’ouverture au monde, de respect de l’autre et de tolérance.

Comptez-vous mettre en place une version d'Altermondes en ligne afin de permettre, entre autres, la consultation des numéros passés ?

D. E. : A l’origine, nous avions prévu de créer une revue papier et un site d’information. Mais la raison s’est rappelée à nous. Nous n’avions pas les moyens humains et financiers nécessaires pour mener de front les deux chantiers. Nous avons donc fait le choix de lancer d’abord la revue papier, en nous disant que le site d’information viendrait ensuite.

Nous avons évidemment un site Internet sur lequel on retrouve les principales informations sur la revue et les articles des anciens numéros. C’est indispensable. A quand un site d’information ? Difficile à dire, mais je dois avouer que notre cinquième anniversaire a aussi été l’occasion de rouvrir la réflexion sur ce chantier.

Quelles évolutions dans les sujets que vous traitez (solidarité internationale, migrations, développement durable...) avez-vous pu percevoir au cours de votre développement ?

D. E. : Des évolutions qui renvoient à ce que vit la société française aujourd’hui. Je dirais donc la montée en puissance de la problématique environnementale – qui a trouvé un écho retentissant avec la Conférence de Copenhague sur le changement climatique. Nous consacrons de plus en plus régulièrement des articles et des dossiers aux liens entre social et écologie.

Et évidemment, l’autre sujet fort, ce sont les migrations. Difficile de faire autrement compte tenu du durcissement insupportable des politiques mises en œuvre tant en France que dans le reste de l’Europe.

Quel(s) fait(s) d'actualité a (ont) le plus marqué la rédaction d'Altermondes ces cinq dernières années ?

D. E. : Les révoltes urbaines de 2005. Certes, Altermondes est plutôt une revue qui se préoccupe d’international ; mais ce que ces révoltes ont révélé du mal-être de la société française nous a interpellés, en faisant écho à des situations de discriminations et d’apartheid que nous dénonçons ailleurs.

En 2007, nous avons donc décidé de consacrer un hors-série aux dynamiques de solidarité dans les quartiers de Seine-Saint-Denis. Nous avions identifié une dizaine de jeunes de quartiers dits « sensibles », à qui nous avons confié la plume. Plusieurs médias nous ont suivi dans l’aventure, dont Saphirnews.com. Ce fut une expérience extraordinaire car elle a permis de donner non seulement une autre image de la Seine-Saint-Denis mais aussi une vision de la solidarité internationale, de ses acteurs, de ses pratiques.

C’était aussi pour nous la mise en pratique dans les quartiers de ce que nous prônons ailleurs : donner la parole à celles et à ceux qui ne l’ont pas. Et depuis, nous continuons à collaborer avec ces jeunes et avec bien d’autres.

Vous vous positionnez contre la mondialisation néo-libérale tel qu'elle existe aujourd'hui. Vous positionnez-vous pour autant dans un courant politique en particulier ? Si oui, lequel et pourquoi ?

D. E. : Ce n’est pas parce qu’Altermondes porte une parole que l’on peut qualifier de « politique » que la revue est liée à un quelconque parti. Bien au contraire. Ce qui nous porte, c’est la dénonciation des injustices et surtout la mise en avant de solutions. Nous nous positionnons clairement contre toutes les logiques, tous les acteurs qui font aujourd’hui que la grande majorité de l’humanité voit ses droits bafoués, que ce soit le droit à l’alimentation, le droit à l’éducation, le droit à la santé, etc. La mondialisation néo-libérale en est aujourd’hui le symbole (mais pas le seul). C’est pourquoi nous ne manquons jamais de la dénoncer.

Quels dossiers préparez-vous pour les mois à venir ?

D. E. : Deux dossiers sont prévus pour la fin de l’année. Le premier, en septembre, portera sur les nouvelles formes d’engagement et de militantisme qui ont émergé ces dernières années. Mais plus qu’une photographie de nouvelles pratiques, nous les interrogerons pour voir en quoi elles permettent (ou pas) de faire progresser les luttes collectives.

Le dossier suivant, en décembre, sera consacré à la société civile sénégalaise, qui accueillera, en janvier 2011, la nouvelle édition du Forum social mondial.

Mais surtout, en septembre, nous publierons un numéro spécial sur les Objectifs du millénaire pour le développement – des engagements pris par la communauté internationale, en 2000, pour combattre la pauvreté et les inégalités dans le monde. Ce numéro, qui viendra soutenir les mobilisations citoyennes à la veille du sommet que consacrera l’ONU à cette question, les 20, 21 et 22 septembre, sera diffusé en kiosque et offert à tous les lecteurs de Libération. Un partenariat médiatique d’ampleur qui nous conforte dans le chemin que nous avons parcouru en cinq ans et nous ouvre de belles perspectives pour la suite.


* Le CRID rassemble 53 ONG françaises de solidarité internationale.

En savoir plus : site d'Altermondes
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