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Points de vue

Militants et croyants : les deux faces d’un engagement

Rédigé par Fouad Bahri et David Eloy | Dimanche 14 Octobre 2007 à 14:34

           

Ils ont entre 25 et 66 ans. Hommes ou femmes, ils sont étudiants, libraires ou retraités. Leurs points communs ? Ils n’hésitent pas à s’engager dans la citoyenneté, au nom de leur foi. Citoyens et croyants, ils revendiquent leur double appartenance. Saphirnews et Altermondes les ont rencontrés pour en savoir plus sur leurs motivations.



Militants et croyants : les deux faces d’un engagement
Louis Siefriedt est un jeune retraité de 66ans. Mais Louis n'est pas de cette race d'homme qui chôme. Ancien professeur dans l'enseignement technique, ancien président de la délégation du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement, créé en 1961 et l'une des plus importantes ONG de développement française) du diocèse du Havre, et adhérent au Parti socialiste, Louis s'est toujours adonné pleinement à toutes formes d'engagements, à la fois spirituel et social. « Mon action au sein du CCFD consiste à sensibiliser les gens aux solidarités internationales, dans les collèges et lycées catholiques. Actuellement, nous préparons la Semaine de la solidarité internationale, du 17 au 24 novembre. » Son engagement, Jehan Lazrak-Toub, 24 ans, le vit, elle, différemment. « Je ne suis pas engagée dans une association précise. Je ne cherche pas forcément d'ailleurs à « aider des gens » mais à m'impliquer dans la société. J'ai manifesté pour la Palestine, contre la guerre en Irak ou au Liban... Après, j'ai voulu me concentrer sur le local et je donne des cours de français aux migrants ». Un engagement ancré localement qui correspond aussi à celui d'Abdelkader Benzerara, 37 ans, libraire et animateur du Centre Malcolm X de Fontenay sous Bois.

Les motivations sont claires

C'est lorsqu'on les interroge sur les raisons de leur engagement que les rapprochements s'opèrent. Militant aux convictions bien chevillées au corps, Louis affirme : « Je crois en un Dieu qui existe et qui veut le bien de tous. Jésus-Christ est venu et a toujours été du côté des pauvres. » Comme un écho, Jehan poursuit : « On n'est pas sur Terre pour rien. En tant que musulmane, je cherche à me rapprocher de Dieu et la meilleure façon d'adorer Dieu, c'est de dénoncer les injustices, d'être au plus près des hommes qui en ont le plus besoin, des plus pauvres, quelle que soit leur religion ». Une conviction que partage Abdelkader : « Tous les prophètes, dans les différentes révélations, de Jésus Christ à Mohammed, tous ont eu un engagement social. Ils cherchaient le bien de l'humanité… Ensuite les hommes ont interprété les textes. Il faut faire la distinction entre les religions et leur interprétation ».
Qu'ils soient chrétiens ou musulmans, la foi est perçue comme le moteur de l'engagement. « En voyant ce que le Christ a fait, cela me pousse à agir en faveur des autres. La fraternité franciscaine m'aide à vivre cette foi, explique Louis. Mes engagements dynamisent ma foi et ma foi me porte à m'engager. La contemplation ne suffit pas. La foi doit se traduire dans les actes, et prendre un engagement, c'est le tenir. » Ce que Jehan résume ainsi : « On n'est pas musulman seulement au moment de la prière. Quand on voit autour de soi quelque chose qui ne va pas, notre foi nous incite à bouger, à nous engager ».
Simple et modeste, Louis vit son engagement au quotidien. Il veut incarner autant que possible ses convictions, pour lui-même et son entourage. « J'essaye de vivre modestement en montrant à mes proches que mon style de vie est une réflexion sur l'Evangile. Je m'efforce de suivre le modèle de Saint-François d'Assises. Cela ne veut pas dire que je suis un saint. » Il rejoint en cela les préoccupations d'Abdelkader : « Nous devons témoigner de notre foi, c'est-à-dire être excellent dans ce que l'on fait, agir de la meilleure manière possible, sans se vanter ni dire que l'islam est la meilleure religion. Seul Dieu sait la valeur de nos intentions ».

Tout homme croit en quelque chose

Engagement religieux ou engagement citoyen, tous trois refusent d'entrer dans de subtils – voire inutiles ? – distinguos. L'important est d'agir pour autrui, qu'on soit croyant ou athée. « Tout homme, quant il agit, croit en quelque chose. L'athée croit en l'homme. Moi, je crois en Dieu. Mais je ne mets jamais en cause l'engagement des autres. Pour moi, c'est ma foi qui me propulse, c'est tout », avance Louis. Mais ce choix personnel n'est pas toujours bien compris par tous et le respect pas toujours mutuel. « J'ai participé à une réunion dans le cadre d’un mouvement unitaire contre la loi sur la laïcité, entre associations musulmanes, laïques et féministes, se souvient Jehan. Nous étions décidés à agir ensemble. Et bien, même dans ce mouvement, des gens se sont sentis autorisés à demander à des musulmans ce qu’ils pensaient de l'avortement, de l'homosexualité, etc. C'est malheureux que l'on soit toujours mis dans la situation de se justifier, d'être obligé d'expliquer que nous ne sommes pas là pour convertir les autres et de répéter que, oui, les musulmans s'impliquent sur le terrain, pour le bien de tout le monde ». Une forme d'islamophobie qui s'est installée dans la société et que regrettent profondément Jehan et Abdelkader. « Personne n'a jamais demandé à l'Abbé Pierre de justifier de sa foi dans son engagement », relève ce dernier. Quoique, pourrait répondre Louis : « Quant j'étais militant syndical, vivre sa foi dans un milieu politique, n'était pas chose facile. Si je disais « la Bible dit », c'était mal vu…même si la plupart du temps, j'ai ressenti du respect vis à vis de mes convictions. »
Etre militant et croyant, deux faces d'un engagement qui, dans notre société laïque, ne sont pas toujours évidente à concilier mais qui ne doivent pas faire oublier, comme le rappelle Abdelkader, que ce qui compte c'est d'apprendre, ensemble à créer du lien social, notamment avec les populations des banlieues, en tenant compte de la mémoire de chacun et en créant les nécessaires passerelles avec le Sud.

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- Ce sujet sera présenté et discuté le mardi 16 octobre 2007 au studio 106 de Radio France dans le cadre du programme [Médiam'Rad]url:http://www.mediamrad.org/lang/meeting.php?renc_id=23&typrenc_id=1&lang=fr de l'Institut Panos. Ce programme travaille sur le renforcement du pluralisme des opinions et sur le rapprochement entre média des diversités et media grand public.

- Découvrir la revue [Altermondes ]url:http://altermondes.org/
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