Points de vue

Pour un Ramadan sans regrets

Rédigé par Nacira Arab | Mardi 7 Juin 2016 à 16:49



Voilà une année qui s’est écoulée depuis le Ramadan dernier. C’est lorsque le Ramadan suivant arrive que nous nous rendons compte à quel point le temps passe vite. Et à la fin de chaque Ramadan, on est toujours envahi par la tristesse et des regrets parce qu’on se dit qu’on n’a pas assez profité, qu’on n’a pas été à la hauteur, qu’on a laissé filé des occasions…

A la fin de chaque Ramadan, nous prenons aussi toujours de bonnes résolutions que nous nous promettons de tenir : une clôture de Coran tous les mois, se réveiller avant la prière de l’aube, jeûner les lundis et jeudis… Mais voilà, cela dure quelques jours, quelques semaines, pour les plus endurants un mois ou deux et, rebelote, les préoccupations de la vie quotidienne nous submergent de nouveau. Les mauvaises habitudes retrouvent leur place habituelle et nous retombons dans la routine.

Qu’attend-on ?

Pourtant, une année s’est écoulée. Une année qui me rapproche de ma fin inéluctable. Qu’est-ce que j’en ai fait ? Ai-je été meilleure que l’an passé, ou toutes les années se ressemblent-elles ? Ai-je progressé depuis le dernier Ramadan ? Mes pratiques religieuses ont-elles opéré un changement intérieur, suis-je devenue meilleure ? Suis-je devenue un être de la vie dernière ou suis-je encore un être de la vie ici bas ?…

« Qu’attend l’un de vous ? », nous interpelle le Prophète, paix et salut sur lui, « si ce n’est une richesse qui dévie, ou une pauvreté distrayante ou une maladie handicapante, ou une vieillesse anéantissant ou une mort qui surprend ou alors l’Antéchrist, le pire absent qu’on attend ou l’Heure. Et l’Heure est pire et encore plus amère. » (Rapporté par Al Hakim, Bayhaqi, Ibn Hibban)

Qu’est-ce que j’attends ? Vais-je laisser le temps me filer entre les doigts ? Ou profiter à faire des bonnes œuvres tant que je suis en bonne santé, tant que j’ai un capital à dépenser, avant que la maladie, la vieillesse, ou la mort ne m’accaparent ?

Le temps d'une vie est insuffisant pour adorer Dieu comme il se doit. C’est pourquoi Dieu, de par Sa générosité, nous fait don de moments exceptionnels qui accélèrent notre mouvement vers Lui. Le Prophète, paix et salut sur lui, dit : « Il y a dans les jours de votre vie des souffles bénéfiques de la part de votre Seigneur. Soyez soucieux de vous y exposer. » Dans les jours, semaines et mois de notre vie, Dieu nous accorde des rendez-vous privilégiés en Sa compagnie à ne pas manquer. Des occasions pour nous purifier, nous élever, exaucer nos demandes, comme le vendredi, le tiers de la nuit, les dix premiers jours de Dhul-Hijja et plein d’autres.

Le mois du Ramadan a le mérite d'englober tout cela, il contient une multiplicité d’opportunités pour nous élever, nous purifier, gagner la proximité divine. C’est l’occasion à ne pas rater, l’occasion de nous rattraper.

Une chance pour s’élever de nouveau

Abou Mass’oud Al Ghifâri rapporte : « J’ai entendu le Messager de Dieu dire un jour, alors que le Ramadan était en cours : ‘Si les gens savaient ce qu’est réellement Ramadan, ma communauté aurait souhaité que toute l'année soit Ramadan’. » (Rapporté par Bayhaqi)

Pour profiter pleinement de ce mois béni, et recueillir les grâces divines qui coulent à flots durant ce mois de jeûne, il incombe de se préparer à l’accueillir. Tout comme nous nous préparons à accueillir un invité : nous rangeons notre appartement, portons de beaux vêtements…

Si on observe l’exemple de nos prédécesseurs, on constatera qu’ils se préparaient à accueillir le mois de Ramadan bien avant son arrivée. Ils passaient six mois à invoquer Dieu afin qu’Il les laisse vivants jusqu’au Ramadan à venir et passaient l’autre moitié de l’année afin qu’Il accepte leur Ramadan.

Abou Hourayra, que Dieu l’agrée, rapporte : « Deux hommes de Baliye de la tribu de Quda’a s’étaient convertis auprès du Prophète, paix et salut sur lui. L’un d’eux était tombé en martyr et l’autre vécut un an de plus. Talha Ibn’Ubayd Allah dit alors : "J’ai vu le dernier des deux entrer au Paradis avant le martyr". Je m’étonnais de ce rêve. Au matin, je rapportais cela au Prophète qui dit : "Après lui, n’a-t-il pas jeûné le mois de Ramadan et prié 6 000 rak’a ou tant et tant de rak’a comme prières surérogatoires d’une année ?" » (Rapporté par l’imam Ahmad et Ibn Hibban)

Dieu a ainsi permis au compagnon d'entrer au paradis avant son frère martyr parce qu’il avait jeûné un mois de plus et qu’il avait prié davantage. Il a su profiter de ce mois pour s’élever spirituellement. Ramadan se présente donc comme une opportunité pour ceux et celles qui recherchent la piété et croient en la promesse divine, comme elle est citée dans Son livre : « Ô vous qui avez cru ! Nous vous avons prescrit le jeûne comme Nous l’avons prescrit aux communautés qui vous ont précédés, ainsi, atteindriez-vous la piété ! » (Coran, s. 2, v. 183)

Combien de musulmans sont morts depuis le dernier Ramadan jusqu’à aujourd’hui ? Si Dieu nous permet d’atteindre Ramadan de nouveau, ne devrions-nous pas nous estimer chanceux et reconnaissants d’avoir la chance de nous rattraper et d’œuvrer plus et mieux que les années précédentes ?

S’imprégner de la magnificence du moment

Notre entrée dans le mois de Ramadan doit ainsi être décisive. C’est cette entrée qui définira le parcours et la réussite de ce mois, d’où l’importance d’être prédisposé à l’accueillir pour profiter pleinement de ses bienfaits. Alors comment être à la hauteur de cet accueil ? Allons-nous l’accueillir avec joie ou subir ce mois de Ramadan, comme on subit la pluie et le beau temps ?

Être prédisposé à accueillir Ramadan et à recueillir ses bienfaits demande de travailler sans cesse son intention. Il ne s’agit pas ici de l’intention (niya) sans laquelle le jeûne n’est pas valide d’un point de vue jurisprudentiel. Mais l’intention avec laquelle nous allons vivre ce mois de Ramadan, celle qui accompagnera nos œuvres tout au long de ce mois, celle qui reflétera nos attentes, nos espérances, notre pauvreté devant le Créateur.

Ce Ramadan est comme la pluie. A qui profite la pluie ? A l’agriculteur qui possède des hectares de terrains ou celui qui a un jardin ? Voyons avec quel réceptacle, quelles intentions logées dans nos cœurs, nous allons accueillir ce mois-ci. « Quiconque effectue le jeûne du Ramadan avec foi et espoir de récompense, tous ses péchés passés seront absous, de même pour celui qui veille la nuit du destin avec les mêmes motivations », nous enseigne le Prophète, paix et salut sur lui. (Rapporté par Boukhari et Mouslim)

Journées portes ouvertes de la piété

Le mois de Ramadan sont les journées portes ouvertes de la piété, l’occasion de découvrir, et de réaliser les affluents de la foi. Cependant, tout le monde ne profite pas des bonnes affaires. Beaucoup découvrent la piété, la vivent par la pratique mais ne l’exploitent pas, ne l’acquièrent pas forcément. Combien jeûnent le mois de Ramadan, prient les prières de nuit (tarawih), lisent le Coran, font preuve de générosité…mais leurs actions ne purifient pas leur cœur, n’améliorent pas leur caractère. « Elles ont commencé leur jeûne avec de la nourriture licite, mais ont ensuite consommé de la nourriture illicite en médisant sur les autres. » (Rapporté par l'imam Ahmad)

On doit ainsi prêter attention à l’état d’esprit avec lequel nous jeûnons, si nous voulons réaliser le vrai jeûne. Et apprendre à se maitriser, ne pas juste réaliser le jeûne du corps mais aussi celui de l’esprit par l’abstention des péchés de l’ouïe, de la vue, de la parole et d’avoir pleinement conscience des péchés pour les éviter, si notre intention est de gagner la proximité et les faveurs divines.

Un cœur sain pour un nouveau départ

Le mois de jeûne est synonyme de nouveau départ. C’est pourquoi il est important, avant d’entamer ce mois, de nous débarrasser des parasites qui sont un obstacle à la piété. Parmi ces parasites, le plus connu est la rancune. Comment espérer le pardon de Dieu pendant ce mois de Ramadan si nous-mêmes ne croyons pas à cette vertu et ne sommes pas capables de pardonner ?

Revenir à Dieu, regretter ses péchés et ses manquements, chasser les mauvaises pensées, les mauvais préjugés, espérer du bien pour sa sœur, son frère, pardonner leurs erreurs, demander pardon à celles et ceux à qui on pense avoir porté atteinte par nos paroles ou nos actes… sont autant d’actions qui nous permettront de nous présenter le jour de Ramadan avec un cœur sain, le plus limpide possible. Un cœur, entaché de rancune, de noirceurs, aura des difficultés à recueillir les grâces divines en ce mois, et ne pourra pas pleinement profiter de Sa lumière.

Être intensément présent avec Dieu

Ce mois offre également des conditions favorables à l’invocation exaucée, ce dont nous avons grandement besoin. Invoquons Dieu afin qu’Il bénisse pour nous ce mois de Ramadan, nous compte parmi les sincères, Ses rapprochés. Exprimons nos besoins, nos faiblesses, notre pauvreté devant Lui afin qu’Il nous porte secours et nous aide à changer l’état de nos cœurs, à nous attacher à Son adoration, à réaliser les choses qu’Il aime et qui nous rapprochent de Lui. Car sans Son aide, nous sommes perdus.

Parmi les recommandations du Prophète, paix et salut sur lui : « Multipliez-y (pendant Ramadan) quatre choses : deux pour satisfaire votre Seigneur et deux dont vous ne saurez-vous passer. Les deux premières sont l'attestation qu'il n'y a d'autres divinités que Dieu et l'imploration de Son pardon. Les deux autres sont : la demande à Dieu pour vous accorder le Paradis et le refuge contre le Feu. » (Sahih d'Ibn Khouzayma)

Que Dieu accompagne chacun-e d’entre nous tout au long de ce mois, nous couvre de Sa miséricorde, nous accorde Son pardon, nous comble de Ses bienfaits à travers l’accomplissement des bonnes œuvres et soit satisfait de nous. Joyeux Ramadan à tous !

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Nacira Arab est membre de Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).

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