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Palestine : des artistes arabes vent debout contre les « signes » de normalisation de l’IMA avec Israël

Rédigé par Lina Farelli | Lundi 13 Décembre 2021 à 13:00

Un vent de contestation souffle fort sur l'Institut de monde arabe (IMA). L'établissement culturel, qui s'érige en « pont culturel entre la France et le monde arabe » depuis sa création, est accusée d'emprunter la voie de la normalisation avec Israël, et ce « au mépris des droits du peuple palestinien ».



L'Institut du monde arabe (IMA) est accusé par des centaines d'artistes et intellectuels arabes d'adopter doucement une « approche normalisatrice » avec Israël. © Flickr/Jean-Pierre Dalbéra
« La culture est le sel de la terre et nous ne permettrons pas qu’elle soit utilisée pour normaliser l’oppression. » Un collectif constitué de plus de 220 artistes et intellectuels arabes appelle l’Institut du monde arabe (IMA) à « revenir sur les prises de position de son festival Arabofolies (organisé en décembre 2021, ndlr) et de son exposition "Juifs d’Orient" qui donnent des signes explicites de normalisation » du « régime de colonialisme de peuplement et d’apartheid » d’Israël.

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Dans une lettre ouverte rendue publique lundi 6 décembre et relayée en France par le collectif Artists for Palestine, l’IMA a montré « les premiers signes de sa politique de normalisation » au début de l’année 2021 lorsque son président Jack Lang a déclaré saluer les dits « accords d’Abraham » conclus entre Israël et plusieurs pays arabes depuis 2020 « au mépris des droits du peuple palestinien », dénonce les artistes, qui s’insurgent aussi des récentes et « dangereuses déclarations » de Denis Charbit.

Une approche normalisatrice qui trahirait la « mission intellectuelle » de l’IMA

Ce professeur de sciences politiques à l'Université ouverte d'Israël, par ailleurs membre du comité scientifique de l’exposition « Juifs d’Orient », a « dévoilé » que l’IMA coopère « avec des institutions israéliennes impliquées dans l’appropriation de la culture arabo-palestinienne et de la culture juive-arabe » et a déclaré « son intention sans équivoque d’imposer Israël comme un fait accompli », déplore-t-on. « Cette exposition est certainement peut-être le premier fruit des "Accords d’Abraham", c'est-à-dire qu'on commence par la normalisation. (...) Et le ciel ne tombe pas sur la tête », a-t-il ainsi affirmé au site Akadem consacré au judaïsme.

Pour les signataires parmi lesquels figurent de grands noms comme le musicien libanais Marcel Khalife, l'écrivain lui aussi libanais Elias Khoury, et le réalisateur palestinien Elia Suleiman mais aussi l'ancienne directrice du Centre de langue et de civilisation arabes Nada Yafi, l’IMA « trahirait sa mission intellectuelle en adoptant cette approche normalisatrice – une des pires formes d’utilisation coercitive et immorale de l’art comme outil politique pour légitimer le colonialisme et l’oppression ».

Israël, en plus de se rendre « coupable du nettoyage ethnique de la majorité de la population palestinienne indigène », « s’est aussi approprié la composante juive de la culture arabe, en la présentant comme sioniste, puis israélienne, avant de l'arracher à ses véritables racines pour l’employer au service de son projet colonial dans la région » alors que « la culture des Juifs arabes fait partie intégrante de la culture arabe et la couper de ses racines est la négation d’une partie de la mémoire et de l’histoire arabes ».

L'IMA tente d'apaiser les esprits

L’IMA n’est pas resté insensible à cette contestation, qui se doublait récemment de celle du mouvement BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanctions) contre l’invitation faite fin novembre à la chanteuse israélo-marocaine Neta Elkayam à un concert dans le cadre de l’exposition Juifs d’Orient. La direction a ainsi adressé, dimanche 12 décembre, une réponse à la lettre ouverte en signifiant aux signataires que le soutien de l’établissement culturel parisien et de son président Jack Lang au peuple palestinien et à la paix est « sans faille ».

« Parce que cela est au cœur de sa mission, l’IMA s’attache constamment à mettre en lumière la vitalité de la scène artistique et culturelle palestinienne », fait-on savoir, en citant l’existence du Musée de la Palestine en exil depuis 2017 ou encore la parution prochaine d’un livre « dont le titre est un signe clair et fort d’engagement "Ce que la Palestine apporte au monde" ».

Le sujet en débat prochainement à l'IMA

L’IMA ne relève pas les déclarations de Denis Charbit mais indique que, si « des hypothèses et opinions peuvent s’exprimer », elles « ne relèvent pas de la responsabilité de l’IMA ». L’IMA ne relève pas les déclarations de Denis Charbit mais indique que, si « des hypothèses et opinions peuvent s’exprimer », elles « ne relèvent pas de la responsabilité de l’IMA ». Quant à l'invitation lancée Neta Elkayam, l’IMA assume en présentant la chanteuse comme « une remarquable ambassadrice de la langue arabe, autant que des cultures juive et arabe entremêlées dont elle est héritière ». « Il ne saurait essentialiser les artistes qu’il accueille en les réduisant à leur nationalité », appuie l’Institut.

« Les débats qui se sont fait jour ces dernières semaines autour de l’exposition "Juif d’Orient" et de ses actions culturelles, l’IMA en est conscient, sont extrêmement sensibles et touchent profondément chacun d’entre nous. Il se propose de les aborder en toute transparence » dans le cadre d’une table-ronde prévue le 13 janvier « sur le rôle de l’artiste et de la culture dans les luttes et mouvements politiques », conclut la réponse.

L'IMA cherche l'apaisement mais sa réponse n’a néanmoins pas convaincu à ce stade le collectif Artists for Palestine qui rappelle que, « si celui-ci est totalement solidaire de l’initiative de la lettre ouverte qu’il a diffusé, il n’en a pas été signataire puisqu’il s’agit d’une initiative de personnalités indépendantes et non de groupes organisés ». Surtout, il appelle l’IMA à « répondre sur le fond aux signataires », à savoir s'il se félicite ou non des accords dits d’Abraham. La controverse n’est pas prête de se refermer.


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