Société

Lille : l'interdiction des signes religieux pour les avocats en robe confirmée en cassation

Rédigé par | Jeudi 3 Mars 2022 à 09:25

La Cour de cassation a tranché : un barreau peut interdire le port des signes religieux pour les avocats en robe. Explications.



La Cour de cassation a confirmé, mercredi 2 mars, l'interdiction des signes religieux pour les avocats en robe. Cette décision fait suite au recours déposé par une élève-avocate et son maître de stage, avocat, qui s'opposaient au changement du règlement intérieur imposé en juin 2019 par le conseil de l'ordre du barreau de Lille. Celui-ci avait décidé, par 18 voix pour sur 21, de prohiber formellement le port de tout signe religieux par les avocats en exercice au tribunal après que l'élève avait exigé de prêter serment avec son foulard en fin d'année 2018.

« L’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique », est-il depuis signifié dans le règlement. Un point que les plaignants ont considéré comme une atteinte à la liberté religieuse et une discrimination.

Une mesure jugée non discriminatoire

La Cour de cassation affirme que le conseil de l’ordre d’un barreau est compétent pour réglementer le port et l’usage du costume de sa profession. « Le conseil de l’ordre avait donc le pouvoir de modifier son règlement intérieur afin d’interdire le port de tout signe distinctif avec la robe d’avocat », fait savoir la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, pour qui l’interdiction est « nécessaire et adéquate, d’une part, pour préserver l’indépendance de l’avocat, d’autre part, pour garantir le droit à un procès équitable ».

« Cette interdiction ne constitue pas une discrimination », ajoute la Cour de cassation, qui confirme ainsi la décision prise en ce sens par la cour d'appel de Douai en juillet 2020. Celle-ci avait rejeté le recours de la jeune femme, une élève-avocate en formation, « non encore titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ». Elle ne pouvait donc pas « se prévaloir d'une violation actuelle de ses droits et libertés reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

La cour d'appel avait aussi retenu que « la volonté d'un barreau d'imposer à ses membres, lorsqu'ils se présentent devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme contribue à assurer l'égalité des avocats et, à travers celle-ci, l'égalité des justiciables, élément constitutif du droit à un procès équitable ».

A chaque barreau ses règles

« Jusqu’à peu, il n’y avait pas de norme. L’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit simplement que les avocats "revêtent dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession". À la suite d’affaires médiatisées, il a été proposé de réglementer ce sujet », expliquait en mars 2021 pour Dalloz Christine Pauti, maître de conférences en droit public qui a dirigé une recherche sur la laïcité dans la justice.

« En 2017, le Conseil national des barreaux a finalement refusé de réglementer la matière. Chaque barreau et chaque école ont donc fixé leurs propres règles, au risque de provoquer une inégalité de traitement entre avocats. »

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur