Points de vue

Les piliers prophétiques de la diplomatie islamique

Par Seyfeddine Ben Mansour

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Mardi 25 Décembre 2012 à 00:00



Le président français François Hollande a reçu le 18 novembre à l’Elysée la nouvelle Coalition de l’opposition syrienne. Il a déclaré à cette occasion que Paris allait prochainement accueillir un « ambassadeur » issu de cette instance seule « représentant légitime du peuple syrien ». Il s’agit là d’une première dans l’histoire de ces deux pays qui ont chacun une tradition diplomatique pluriséculaire.

En devenant la capitale du nouvel Etat islamique sous les Omeyyades (661-750), la Syrie enrichira la nouvelle diplomatie arabe des usages hérités de la grande tradition byzantine.

Néanmoins, celle qui fut instituée par le Prophète lui-même n’avait rien à envier aux formes les plus modernes de la diplomatie. C’est ce que montre notamment le traité de Hudaybiyya.

Une diplomatie suppose un Etat. Le Prophète en instituera un à Médine, qu’il dotera d’une Constitution, la Sahifa, document d’une extraordinaire modernité. Un Etat qui repose sur le principe de l’appartenance citoyenne, au-delà des liens tribaux et confessionnels, et qui institue l’égalité des citoyens devant la loi et la responsabilité individuelle (et non plus collective, à l’origine de vendettas sans fin). Dès lors, le chef de l’Etat allait pouvoir donner la pleine mesure de ses talents de diplomate.

En l’an 5 de l’Hégire, le Prophète et 1 400 de ses fidèles quittent Médine en direction de La Mecque dans le but d’y accomplir le petit pèlerinage (‘umra) : maîtres de la cité, les Qurayshites idolâtres leur en refusent l’accès, les interceptant à Hudaybiyya. Des affrontements ont lieu, sans résultat décisif. Cette guerre aurait pu être aussi meurtrière qu’inutile sans l’action diplomatique du Prophète qui débouchera sur le traité de paix de Hudaybiyya.

Le traité de Hudaybiyya : un modèle du genre

Signé entre le Prophète et le plénipotentiaire qurayshite Suhayl Ibn ‘Amru, il garantissait l’essentiel pour les musulmans, tout en permettant aux Qurayshites de ne pas perdre la face.

Ses 9 articles stipulent en substance que :
1) l’accord est intervenu entre les musulmans et les Qurayshites ;
2) le traité signé, tous les musulmans doivent rentrer à Médine ;
3) les musulmans auront le droit d’entrer à La Mecque pour accomplir le petit pèlerinage à partir de l’année suivante ;
4) Quraysh ne doit en aucune manière entraver cette action ;
5) le séjour des musulmans à La Mecque ne doit pas dépasser 3 jours ;
6) une trêve est instaurée pour une durée de 10 ans ;
7) le Prophète est tenu de remettre à Quraysh tout déserteur, même musulman, qui se réfugierait à Médine ;
8) les Qurayshites ne sont pas réciproquement engagés ;
9) les tribus de la péninsule sont libres de rejoindre l’un ou l’autre camp, sous réserve d’adhérer au traité.

Du point de vue de la forme, les usages diplomatiques ont été respectés : c’est un traité, signé par les deux parties, qui conservent chacune une copie. La formule inaugurale « Au nom de Dieu, voici ce qui a été convenu entre Muhammad Ibn ‘Abd Allah et Suhayl Ibn ‘Amru », qui niait sa qualité d’Envoyé de Dieu a été acceptée par le Prophète, malgré la réticence de ses fidèles.

Compromis formel somme toute mineur eu égard au bénéfice retiré : tout d’abord, après quinze années de guerre, la reconnaissance des musulmans par Quraysh constitue un acquis politique majeur pour le jeune Etat de Médine.
Ensuite, la trêve recherchée par le Prophète dans un but tactique allait offrir une décennie de paix qui sera entre autres employée à consolider l’Etat naissant.
Enfin, le contact instauré par les pèlerinages annuels, en permettant une meilleure connaissance de l’islam, sera à l’origine de nombreuses conversions, dont celles de Khalid Ibn al-Walid et ‘Amru Ibn al-‘As, qui dirigeront plus tard l’armée et la diplomatie musulmanes jusqu’aux confins du monde connu.