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Points de vue

50 % des musulmans vivent dans des pays laïcs

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Mercredi 18 Janvier 2012 à 00:00

           


Ce 13 janvier a débuté, à l’université du Maine, au Mans, un colloque sur le thème « Laïcités en sociétés majoritairement musulmanes et musulmans en contextes laïcs : débats, expériences et confrontations (XIXe-XXe siècle) ». Si, pour des raisons manifestement idéologiques, la question des musulmans en contexte laïc non musulman revient souvent, celle, au contraire, de la laïcité ou de la sécularisation des sociétés musulmanes est rarement évoquée.

L’expérience originale de la Turquie semble en effet faire écran à une réalité plus riche et plus complexe. Une réalité qui s’observe à des degrés divers d’une extrémité à l’autre du monde musulman.

Certes, les théologiens ont distingué, de plus en plus nettement au fil des siècles, dîn et dawla, religion et Etat, spirituel et temporel. Néanmoins, cette distinction était absente du premier Etat islamique. Ceux qui succéderont au Prophète, et notamment les quatre premiers califes (al-Khulafâ’ ar-râshidûn) maintiendront cette conception, exerçant un pouvoir essentiellement temporel, mais en vertu de leur qualité de « Commandeur des croyants » Amîr al-mu’minîn.

Plus généralement, l’islam tel qu’il a longtemps été vécu n’était pas restreint à la seule sphère du spirituel : présent tant dans les activités spirituelles que dans les activités sociales, il est intégré dans le langage, façonne les normes sociales comme la vision du monde et de la place qu’on y occupe.

C’est essentiellement l’irruption de la modernité, vers le milieu du XIXe siècle, qui amènera à distinguer les deux sphères. Il s’agira soit de laïcité, imposée par un pouvoir autoritaire, soit de sécularisation, qui s’affirme à mesure que progresse la société de consommation, et que reculent en conséquence les usages et les structures traditionnels.

La Turquie et la Tunisie : deux modèles historiques

Imposée, la laïcité a pu être le fait d’expériences politiques exogènes — dans le cadre colonial, ainsi le dévoilement des femmes au nom de la « modernité » dans l’Algérie française de 1958 — ou endogènes, comme les réformes de Kemal Atatürk ou de son émule tunisien, Habib Bourguiba.

Les expériences de la Turquie et de la Tunisie sont d’ailleurs les plus importantes en la matière, ne serait-ce que parce qu’elles ont établi un modèle durable de société. Les réformes ont néanmoins été imposées par la force, par des leaders qui jouissaient d’un fort charisme. Celles qui furent imposées par un Reza Shah (m. 1944) ou par son fils Mohammad Reza Shah (m. 1980) disparaîtront avec le régime qui les a instaurées : en 1979, la Révolution islamique mettra en place un Etat théocratique. L’exemple iranien, pour marquant qu’il soit, est assez exceptionnel dans le monde musulman, sunnite à 95 %, et donc sans clergé.

Exception faite de la Turquie, les deux sphères ne sont jamais absolument séparées : dans la Tunisie « laïque », les lois régissant l’héritage sont celles du Coran.

Les différences s’observent alors au niveau des Codes de loi, qui sont plus ou moins séculiers. Seuls 21 % des musulmans vivent dans des Etats où tant le Code pénal que le Code de statut personnel sont islamiques (Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Iran, Libye, Oman, Pakistan, Yémen, Soudan).

Seuls 19 pays sur 29 à majorité musulmane ont l’islam pour religion officielle (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Djibouti, Somalie, Koweït, Bahreïn, Irak, Malaisie). Néanmoins, leur Constitution comme leur droit pénal sont inspirés par le droit français, italien ou britannique (celui de l’ancienne puissance coloniale).

Enfin, 50 % des musulmans vivent dans des pays qui, de fait sinon de droit, sont laïcs.






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