Monde

Les personnels de santé, « les héros du drame syrien »

Rédigé par Imane Youssfi | Mardi 27 Décembre 2016 à 09:00

Le drame humanitaire en Syrie est aussi médical. Raphaël Pitti et Ziad Alissa, médecins membres de l'Union des organisations de secours et des soins médicaux (UOSSM), sont revenus, mi-décembre, sur la crise qui secoue le pays au cours d'une conférence émouvante pour un public secoué alors par le siège d'Alep, aujourd'hui revenu totalement sous le giron de Bachar al-Assad.



Raphaël Pitti, formateur de médecins (à gauche), et Ziad Alissa, président de l'UOSSM (au centre), lors d'une conférence organisée le 13 décembre, deux jours avant le départ d'un convoi humanitaire vers Alep.
« What’s up for doc’ for Syria ? » Alors que le drame qui secouait Alep était dans tous les esprits, c'est au centre d'animation Curial dans le 19e arrondissement de Paris que l'Union des organisations de secours et des soins médicaux (UOSSM), qui agit depuis 2012 avec des médecins issus de la diaspora syrienne, a organisé une conférence le 13 décembre.

« Le personnel médical en Syrie sont de vrais héros. Ce sont des gens qui ont choisi, qui ont fait le choix de rester dans leur pays, j’ai envie de vous demander de les applaudir très, très fort », lance d'entrée Amar Chaker, secrétaire général de l'association, devant une cinquantaine de personnes ont fait le déplacement pour l'occasion. La soirée est focalisée sur les expériences de deux médecins Ziad Alissa, anesthésiste-réanimateur et président de l’UOSSM, et Raphaël Pitti, responsable de formation à la médecine de guerre, qui se sont tous deux rendus en Syrie dans le cadre de missions, devenues avec le temps extrêmement difficiles à mener.

« Les héros du drame syrien sont les personnels de santé »

« Nous avons commencé les formations à Alep en 2013. Depuis l’équipe de formation a fait 25 allers-retours. Il y avait des moments où nous pouvions passer facilement avec l'accord des pays limitrophes pour des missions humanitaires, des fois où on ne pouvait pas entrer et des fois où on passe de façon clandestine avec tous les risques » que cela comporte, raconte Ziad Alissa. Son confrère Raphaël Pitti confirme la dangerosité : « On prenait des risques tous les jours pour aller travailler dans un hôpital ». Ils insistent fortement sur le courage et l’estime qu’ils témoignent à leurs confrères : « Mes collègues syriens sont des hommes extrêmement courageux. Je pense que si un jour on refera l’histoire de la Syrie, on pourra dire que les héros du drame syrien ont été les personnels de santé ».

Les blessures en période de guerre sont particulières et compliqués à soigner ; certaines nécessitent des reconstructions. La question des blessés chimiques s’est elle aussi vite posée, avec des cas que les équipes médicales n’ont jamais connu. « Les médecins syriens sont confrontés à un afflux de victimes », expliquent-ils.

Ainsi, l’UOSSM a décidé de mettre en place des sessions de formation afin que les médecins puissent répondre à ces nouvelles demandes. « 50 % des victimes meurent sur le terrain à la première heure. Elles meurent d’asphyxie ou d’hémorragie. Si la personne qui est à côté n’a pas le bon geste, la victime va mourir parce qu’il faut intervenir dans les 5-10 premières minutes pour arrêter une hémorragie. Ce sont autant de gens que l’on aurait pu sauver, d’où la nécessité de former des secouristes ». Pour ce faire, les deux intervenants de la soirée racontent comment ils ont dû mettre en place des centres de soins primaires en Syrie pour former du personnel « à faire des accouchements, à prendre en charge des urgences pédiatriques et cardio-vasculaires ».

Des non-professionnels formés à la médecine

Parmi les formations, celle en gynécologie obstétrique les a particulièrement marquées. « Il y avait des endroits où des sage-femmes prenaient le rôle de médecins gynécologues, des infirmières qui prenaient le rôle des sage-femmes. Il y avait même une femme de service qui travaillait comme sage-femme », fait part Ziad Alissa. Il se souvient encore de cette femme veuve, deux enfants, payé 50 dollars par mois : « Cette femme de service est devenue infirmière parce qu’il manquait des infirmières, elle est ensuite devenue sage-femme parce qu’il manquait des sage-femmes. Elle était dans une formation alors qu’elle n’a absolument pas le niveau. » Les formateurs ont revu la notation à la baisse et lui ont laissé une seconde chance pour un examen de rattrapage qu’elle réussit : « Elle a pleuré car c’était le premier diplôme de sa vie », raconte encore ému Ziad Alissa.

Devant l’urgence médicale, les familles ont souvent peu de moyens et ne peuvent pas prendre la totalité des médicaments figurant sur l’ordonnance... lorsqu'ils sont disponibles. Raphaël Pitti souligne l’importance de la souffrance psychologique des soignants : « Ils sont confrontés à la souffrance, à la difficulté du travail, au fait qu’ils voient mourir énormément autour d’eux et que ça, ils le garde (pour eux). »

Avec une voie émue, une jeune femme du public, kinésithérapeute de profession, réagit pour proposer son aide pour appuyer des besoins de formation. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce que moi, je peux faire ? » Une question qui est très souvent posée ces derniers jours de la part de ceux qui ont été sensibilisés au drame syrien au travers de la tragédie d'Alep mais que leur supposée impuissance a convaincu qu'ils ne pouvaient rien y faire. Participer aux campagnes de dons lancées par des ONG sur le terrain, telle est la principale réponse qui leur adressent ces dernières afin qu'elles puissent continuer à agir. Un geste qui paraît modeste mais qui peut contribuer à soulager les souffrances des populations les plus exposées à la guerre et à ses conséquences.