Economie

Les entrepreneurs musulmans sous l'œil des Etats-Unis

Leur portrait dressé en Irlande

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 28 Janvier 2013 à 08:00

En Irlande, l'entrepreneuriat musulman se concentre sur la capitale : Dublin. Dans ce petit pays de presque 4,5 millions d'habitants, où 11 % de la population est issue de l'immigration, les entrepreneurs de confession musulmane investissent principalement le secteur agroalimentaire et les services. C'est un des enseignements du premier rapport d'envergure sur l'entrepreneuriat musulman en Irlande, réalisé par le Dublin Institute of Technology et financé par l'ambassade américaine en Irlande.



Le portrait des entrepreneurs musulmans dressé en Irlande dans un rapport réalisé par le Dublin Institute of Technology et financé par l'ambassade américaine en Irlande.
Les 26 et 27 avril 2010, le président Barack Obama accueillait le premier Sommet international des entrepreneurs musulmans à Washington. L’événement fait suite au discours du Caire, en juin 2009, et devait donner un « nouveau départ » aux relations des Etats-Unis avec le monde musulman, par l'intégration économique.

Depuis ce Sommet, des initiatives se succèdent de la part des ambassades américaines envers les minorités musulmanes des pays européens. En Irlande, l'ambassade a financé le Dublin Institute of Technology (DIT) pour recenser les caractéristiques principales du « muslim business » dans le pays. Publié en mai 2011, le rapport est la première tentative d'envergure pour mieux connaître cet entrepreneuriat et identifier ses besoins.

Un business jeune et concentré

L'Irlande est une terre récente d'immigration et l'essentiel de la population issue de l'immigration se concentre, sans surprise, sur la capitale, Dublin. D'ailleurs 53 % des 31 799 musulmans d'Irlande (chiffre de 2006) y vivent. Une population assez hétérogène, puisqu'elle regroupe plus de 40 nationalités différentes, à majorité sunnite, mais l'islam représente aujourd'hui la deuxième religion du pays.

Le CSO, l’Institut statistique national, décrit une population musulmane possédant « un bon niveau socio-économique » et composé, pour une partie, d'étudiants venus compléter leur cursus universitaire. Parmi les musulmans installés, 39 % sont des chefs d'entreprise, mais affichent souvent une expérience limitée du commerce.

Beaucoup se lancent pour s'affranchir des contraintes du salariat et ambitionne d'établir une entreprise prospère pour élever leur niveau social. A l'image d'Ahsan, propriétaire d'un snack halal dans une artère commerçante de Dublin, située à proximité du centre-ville. « J'ai ouvert mon premier restaurant il y a quatre ans avec quelques économies et de l'argent de ma famille au Pakistan, explique-t-il. J'ai aujourd'hui ouvert une deuxième enseigne, même si la crise a ralenti les affaires. Je souhaite pouvoir offrir à ma famille une affaire solide pour son avenir. »

Ces entrepreneurs, majoritairement des hommes, sont souvent seuls à la tête de l'entreprise et ils sont jeunes : les deux tiers ont entre 24 et 44 ans. Une image qui colle à celle leur entreprise, puisque 59 % d’entre elles sont en activité depuis moins de cinq ans. Comptant souvent moins de dix salariés (88 %), ces micro-entreprises investissent le secteur agroalimentaire ou la prestation de services. Elles ciblent souvent leur propre communauté : d'ailleurs, 90 % de ces compagnies sont tournées vers le marché intérieur irlandais.

Des lacunes sur l'environnement économique

En plus de sa concentration et de son manque d'ouverture sur le marché international, l'entrepreneuriat musulman, en Irlande, souffre d'un manque de connaissance de l'environnement économique et juridique de la part des chefs d'entreprise. Les deux tiers des interviewés avouent rencontrer des difficultés dans la relation au client ou encore avec l'établissement de leur business plan. Mais, plus encore, beaucoup ne semblent pas au fait des organismes destinés à accompagner les créateurs d'entreprise comme les fédérations d'entrepreneurs ou les chambres de commerce.

« L'accès à l'information est un enjeu crucial pour les immigrés », confie Umar Khan, d'origine pakistanaise et propriétaire d'un restaurant dans un quartier d'affaires de Dublin. « Il est toujours plus facile d'évoluer avec des contacts appropriés. Mais les entrepreneurs motivés peuvent accéder à ces informations et l'Irlande est, d'après moi, un pays où il fait bon entreprendre, malgré la crise qui a ralenti le business durant ces dernières années », indique-t-il.

L'inquiétude majeure, pour 67 % de ces entrepreneurs, reste la sécurisation de leur finance, une question cruciale pour toutes les entreprises. 82,5 % des chefs d'entreprise avouent avoir financé leurs affaires sur leurs fonds propres ou avec l'aide de leur famille. Concernant le secteur bancaire, 66 % des 16 % d'entrepreneurs qui ont essayé d'obtenir un crédit ont eu une réponse positive. Un taux « raisonnable » d'après le rapport, mais qui devrait baisser face à la crise que traverse actuellement le pays.

Enfin, le rapport du DIT pointe que 90 % des interviewés ont regretté l'absence d'offre de produits de finance islamique en Irlande pour financer leur entreprise. Cependant, la finance islamique fait doucement son entrée dans le pays, ces derniers mois, par l'entremise de la Malaisie. Une alternative qui, si elle vient à se développer à grande échelle, sera une aubaine pour les PME.