Société

Le Conseil d’État rejette la requête contestant la présence des carrés musulmans dans les cimetières

Rédigé par Lionel Lemonier | Lundi 25 Juillet 2022 à 17:45

La plus haute juridiction administrative française a jugé irrecevable la requête d'un ancien élu savoyard contestant la possibilité offerte aux maires d’aménager des carrés confessionnels dans les cimetières français. Explications.



C’est par un refus sec et sans bavure que le Conseil d’État a signifié à Marcel Girardin qu’il ne prendrait pas en compte sa requête contestant la présence de carrés musulmans dans les cimetières de France. « Ni la qualité de citoyen invoquée par le requérant ni celle d’ancien adjoint au maire de sa commune de résidence, ni la circonstance qu’il se dise attaché à la neutralité des cimetières ne suffisent à lui donner intérêt à demander l’annulation des dispositions critiquées de la circulaire (contestée ndlr). Par suite, sa requête qui est irrecevable, doit être rejetée », a indiqué la juridiction administrative dans une décision rendue le 15 juillet à laquelle Saphirnews a eu accès.

L’aménagement de carrés musulmans dans les cimetières français n’est pas encore très répandu mais les demandes sont en constante croissance. Mohammed Moussaoui, le président de feu le Conseil français du culte musulman (CFCM), estime à quelque 600 le nombre de carrés musulmans aménagés dans les 40 000 cimetières que compte le pays. Un nombre nettement insuffisant comme l'a révélé de façon criante la crise de la Covid-19. L’absence de carrés musulmans entraîne, rappelait au Figaro le président de l'Union des mosquées de France (UMF), « l’expatriation de plus de 80 % des corps des musulmans décédés en France », ce qui « ne favorise pas l’intégration de ces populations ».

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Une circulaire encourageant les maires à aménager des carrés confessionnels contestée

Ancien attaché parlementaire à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, Marcel Girardin se présente sur son blog comme un pourfendeur de la corruption chez les élus et les fonctionnaires. Cet ancien conseiller municipal, sans étiquette, de Voglans, en Savoie, a saisi la justice pour contester deux chapitres d'une circulaire datant du 19 février 2008 traitant de la police des funérailles et des cimetières.

« Pour répondre favorablement aux familles souhaitant que leurs défunts reposent auprès de coreligionnaires, je vous demande d’encourager les maires à favoriser, en fonction des demandes, l'existence d'espaces regroupant les défunts de même confession, en prenant soin de respecter le principe de neutralité des parties communes du cimetière ainsi que le principe de liberté de croyance individuelle », y signifiait alors Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur de l’époque, à l’adresse des préfets. Pour l’ex-élu, ce texte, qui n'est pourtant pas contraignante, relève d’une « vision religieuse ségrégationniste et discriminatoire (et) porte atteinte aux principes essentiels de neutralité laïque et d’égalité devant la loi que prône la République française ».

La balle dans le camp des maires

Exemple type d’« accommodement raisonnable » d’un principe de neutralité et de laïcité pour un service public, les carrés confessionnels sont interdits par une loi du 14 novembre 1881 qui fait des cimetières des espaces publics interconfessionnels, sauf en Alsace-Moselle. Celle-ci accompagnait alors le mouvement de laïcisation de l’État et de la société civile qui, dès 1804, avait imposé un caractère « communal » aux cimetières jusqu’ici possédés par les églises. Par la suite, deux circulaires de 1975 et 1991, confirmées par celle de 2008, ont incité les maires à créer des regroupements par confession.

Pour ses détracteurs, il faudrait revenir au principe d'une laïcité dite fermée, comme l'affirme dans un billet Guylain Chevrier, vice-président du Comité Laïcité République, en défense à la requête de Marcel Girardin. « Le principe d’égalité face à la mort, étroitement lié à la laïcité des cimetières, est seul à pouvoir garantir d’être inhumé selon un rite religieux ou pas, sans contraintes, et donc, en respectant la liberté de conscience. Faire autrement, c’est ouvrir la voie à une logique d’assignation et de communautarisation », estime-t-il. Et d’affirmer de manière péremptoire que « c’est aux cultes de s’aménager à la liberté, pas le contraire ».

En indiquant qu’un simple citoyen ne peut demander la suppression d’un carré musulman au nom d'un attachement « à la neutralité des cimetières », le Conseil d’État évite la multiplication de telles demandes dans les années à venir. Quant à l'aménagement de carrés musulmans dans les cimetières, la balle reste dans le camp des maires.

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