Cinéma, DVD

Latifa Ibn Ziaten, celle qui réparait les cœurs

Rédigé par | Mercredi 4 Octobre 2017 à 13:15

La sortie du documentaire « Latifa, le cœur au combat », mercredi 4 octobre, en plein procès Merah, permet de découvrir le quotidien de Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad, premier soldat tué par Mohamed Merah en 2012. Le film présente une quête, celle qui consiste à distribuer de l’amour et à rompre le cycle de haine qui a pu motiver les atrocités du terroriste toulousain.



Cinq ans après les tueries de Toulouse et Montauban, le procès de Mohamed Merah s’est ouvert lundi 2 octobre. Hasard ou non du calendrier, il coïncide avec la semaine de sortie du film documentaire « Latifa, le cœur au combat ».

Durant ces cinq années marquées par plusieurs autres attentats terroristes, le visage de Latifa Ibn Ziaten est devenu familier pour les Français. La mère d’Imad Ibn Ziaten, soldat assassiné par Mohamed Merah, a arpenté à de nombreuses reprises les plateaux des JT et récolté plusieurs distinctions prestigieuses, notamment de la part du président François Hollande ou du secrétaire d’Etat américain John Kerry.

Latifa Ibn Ziaten reste malgré tout une personnalité énigmatique dont les réalisateurs Cyril Brody et Olivier Peyon ont tenté de nous dévoiler une partie du secret. Le film, qui s’étend sur environ 1h40, nous montre l’envers du décor, des voyages par dizaines, des entretiens avec des représentants diplomatiques ou des militants associatifs, des interventions en milieu scolaire et carcéral et une vie de famille réduite à peau de chagrin.

La magie Latifa Ibn Ziaten

« Latifa, le cœur au combat » fait la part belle aux activités de l’association Imad pour la jeunesse et pour la paix. Les interventions de Latifa Ibn Ziaten dans les écoles se présentent comme des messes républicaines. Les discours peuvent paraître à première vue rébarbatifs pour des collégiens, des militaires ou des détenus. L’activiste parle, entre autres, de son parcours, du fait qu’elle se soit mariée très jeune et qu'elle a découvert la France sans savoir s’exprimer en français. Elle évoque son ressenti et sa tristesse face à une jeunesse des quartiers en déshérence.

Puis, la magie Latifa Ibn Ziaten s’opère et le vernis craque. Des paroles par ci, des mots par là, quelques images et des jeunes se livrent, pleurent, se libèrent. Ces instants de sincérité révèlent des souffrances que de nombreux jeunes ont intériorisées et qu’ils expulsent à chaudes larmes. Difficile même pour un spectateur cynique et détaché de ne pas se laisser attendrir. Une sorte de puissance se dégage du corps de la mère de famille. Fascinant.

La force de la Franco-Marocaine est également visible lorsque l’adversité pointe. Les réalisateurs ont capturé des appels anonymes malveillants. Tantôt des individus l’appellent pour menacer d’attenter à sa vie, tantôt pour mettre en doute le rôle de Mohamed Merah dans la mort de son fils. Des allégations d’autant plus dures que Latifa Ibn Ziaten a visionné les images de vidéosurveillance qui ont filmé l’assassinat d’Imad. Elle soupçonne par ailleurs les membres du clan Merah d’être à l’origine d’une partie de ces appels.

Lors du deuxième jour de son procès, Abdelkader Merah a reconnu éprouver de la haine envers la mère de la victime, notamment à cause des activités de sa « fondation ». On découvre également les images inédites de l’altercation à l'Assemblée nationale qui a fait couler beaucoup d’encre en décembre 2015. Des personnes avaient hués et s’en étaient pris à la militante lors d’une conférence sur la laïcité organisée par le groupe socialiste en raison de son voile.

Le film est ponctué par des moments solennels où la mère se recueille sur la tombe de son fils, inhumé au Maroc. C’est alors que sa fragilité paraît au plus grand jour, reconnaissant qu’elle n’arrive toujours pas à faire le deuil. Latifa Ibn Ziaten avait ainsi décliné en 2015 une invitation du secrétaire d’État américain John Kerry pour aller rendre visite à son défunt enfant.

Le documentaire, qui sublime le portrait de cette mère courage, présente très peu de distance critique. On pourra regretter le choix des réalisateurs de mettre fin au film avec la mise en scène d'une unité entre jeunes palestiniens et israéliens, réunis lors d'un énigmatique voyage à Paris conduit par Latifa Ibn Ziaten, offrant au documentaire une conclusion naïve et déplacée. « Latifa, le cœur au combat » nous apporte néanmoins d’inestimables moments de vérité et de sincérité. Une inspiration qui réchauffe le cœur.