Points de vue

L’explosion des actes racistes ou homophobes implique un engagement différent des pouvoirs publics

Rédigé par Mehdi Thomas Allal et Asif Arif | Mardi 28 Janvier 2020 à 11:45



Un récent rapport du ministère de l’Intérieur pointe une forte augmentation des faits racistes et xénophobes en France en 2019 (+ 130 %). Comme le faisait remarquer le président de la Licra, Mario Stasi, sur les antennes de BFM TV ce lundi 27 janvier, la haine en ligne explose sur les réseaux sociaux, qualifiés pas moins de « jungle » ! Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie (DILCRAH) expliquait quant à lui, sur Europe 1, que cette explosion consistait surtout en une augmentation des menaces et non des actes.

Il n’en reste pas moins que les nombreux efforts initiés ces dernières années par les juridictions françaises et communautaires afin de prévenir et de sanctionner les propos racistes ou antisémites sont demeurés vains. Sur le terrain, quelques associations s’activent pour poursuivre les auteurs de tels ou tels propos, mais leurs moyens sont démesurément faibles par rapport aux tâches qui leur sont assignées alors que les situations de discrimination deviennent légion.

Il y a certes quelques cas emblématiques, comme la condamnation d’Éric Zemmour pour incitation à la haine raciale, mais ils sont l’arbre cachant la forêt : la quasi-totalité des affirmations identitaires à caractère raciste ou antisémite ne sont pas sanctionnées sur la Toile ou dans les médias, et ce encore davantage lorsqu’elles sont tenues par des détenteurs de l’autorité publique. Au nom de la liberté d’expression, les paroles les plus ignominieuses ont pignon sur rue.

Comment la haine est sur le point de prendre le dessus

Nous écrivions, il y a peu dans les colonnes de Libération, « comment la haine était sur le point de prendre le dessus ». Alors que la très grande majorité des personnes « ostracisées », tout comme la très grande majorité des Françaises et des Français d’ailleurs, exigent plus de justice sociale et surement pas des textes à caractère législatif ou réglementaire visant à prendre en compte leur différence, la priorité serait de lutter contre le communautarisme, voire le « séparatisme » selon le mot même du président de la République, alors même qu’il s’agit d’un « combat contre une illusion ».

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Les violences dans les quartiers, le sexisme, l’homophobie, la xénophobie, sont croissantes là où nos politiques d’intégration ont échoué. Depuis le misérabilisme sous la gauche jusqu’au renforcement des déterminismes économiques et sociaux sous la droite, peu ont fait l’effort de considérer les citoyens d’origine immigrée comme des êtres égaux on ne peut plus normaux et désireux de s’insérer le mieux possible à la société française.

Pire encore, les beaux discours sur les politiques « inclusives » ont maintenant laissé la place à un déferlement de propos toujours plus malveillants les uns que les autres. Tous les rites spécifiques sont passés au crible de la bienséance ; toutes les rixes avec la police sont désignées comme des troubles à l’ordre public, alors que les violences des forces de l’ordre n’ont cessé de s’accroître vis-à-vis de la population, notamment des jeunes. Tous les risques sont désormais pris par ces jeunes pour s’extirper de la nasse, en empruntant malheureusement trop souvent les voies détournées de l’illégalité ou de la clandestinité.

S’engager autrement que par le biais de la seule compassion ou de la seule répression

Il est temps que les pouvoirs publics s’engagent résolument en faveur des populations issues des minorités, autrement que par le biais de la seule compassion ou de la seule répression. Des mesures et des actes sont devenus urgents et nécessaires pour accompagner ces publics sur le marché de l’emploi ou du logement. Investir sur l’éducation et l’enseignement supérieur permettra d’aider ces jeunes, mais cela ne suffit plus : il faut désormais aussi partager les biens communs et les ressources en direction de ceux qui en manquent le plus cruellement. Le sens du partage n’est plus l’apanage d’aucune formation ou parti politique.

Soyons donc généreux, sans être néanmoins incantatoires. Donnons plus à ceux qui ont le moins, c’est le sens d’un nouveau contrat social portant l’équité au pinacle des valeurs de la République. Car il ne faut pas se leurrer, les personnes ayant un nom à consonance étrangère, de couleur de peau différente de la norme ou encore ayant opté pour des modes de vie qui leurs sont propres, sont aussi ceux qui souffrent les plus des difficultés d’accès aux droits et besoins fondamentaux. Plutôt que de les stigmatiser sans cesse, osons leur donner la parole et leur proposer plus que la moyenne.

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Mehdi Thomas Allal est maître de conférences à Sciences Po et responsable du pôle « vivre ensemble » du think tank le Jour d’après (JDA). Asif Arif est avocat au barreau de Paris et auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam et la laïcité. Il a publié aux éditions l’Harmattan Être musulman en France.

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