Politique

#JeTeVoix, une campagne pour mobiliser les minorités et les banlieues aux primaires

Rédigé par | Dimanche 9 Octobre 2016 à 20:55

L’union fait la force. Des associations de défense des intérêts des minorités et des banlieues font front commun pour mobiliser ces dernières à prendre part aux primaires de droite et de gauche, à travers la campagne « Je Te Voix ». Cibles réguliers de nombreux hommes et femmes politiques, ces citoyens perçus comme « l’Autre » dans le débat public ont le pouvoir de « faire la différence » bien avant les présidentielles pour Abdel-Rahmène Azzouzi, qui nous explique les dessous de cette initiative.



Roms, noirs, musulmans, ultramarins… Parce que les minorités et les habitants des quartiers populaires sont trop utilisés comme « un marchepied aux ambitions présidentielles de candidats qui souhaitent couvrir d’un voile impudique les échecs permanents de leurs politiques », le temps de l’action est venu pour alerter et mobiliser ces citoyens souvent perçus comme « l’Autre » à participer au choix de candidats les plus enclins à respecter l'esprit des valeurs républicaines, et ce dès les primaires organisées par les partis.

C’est en ce sens que la campagne « Je Te Voix » a émergé. Lancée ce dimanche 9 octobre, elle regroupe l’Association des Jeunes Chinois de France, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN), La Voix des Roms, le Collectif des musulmans de France, la Muslim Jewish Conference – France, des collectifs de banlieues, ainsi qu’une dizaine d’élus et de personnalités de la société civile.*

Refusant de voir se désigner les minorités comme des boucs émissaires, le collectif appelle « toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, non pas à choisir le meilleur d’entre eux mais à éliminer ceux ou celles qui représentent le plus grand risque pour notre contrat social ». « Nous ne souhaitons pas nous protéger les uns des autres, mais les uns les autres en conjurant ensemble la chronique d’un conflit annoncé », déclarent d'une seule voix les signataires de la campagne dans leur tribune.

L'avenir d'un pays dépend du respect de ses minorités

A la manœuvre, Abdel-Rahmène Azzouzi, chef du service d'urologie au CHU d'Angers (Maine-et-Loire). Un homme engagé qui a démissionné avec fracas de son mandat d'élu municipal en février 2015 pour protester contre l'islamophobie ambiante en France. Il est un des initiateurs de la campagne « Je Te Voix », partie sur une idée murie depuis l'été 2015.

« Les minorités sont de tout temps des proies faciles pour du personnel politique. Une civilisation digne de ce nom est celle qui respecte ses minorités. (…) Elles sont les aiguillons de l'avenir d'une nation », fait part Abdel-Rahmène Azzouzi. Concevant les primaires comme « un moment de la vie républicaine qui donne du poids aux minorités et aux habitants des quartiers populaires », il lance à ces catégories de population un appel à la mobilisation électorale.

Les primaires, « opportunité pertinente » pour « faire la différence »

Pour le collectif, « les primaires des grands partis politiques peuvent servir de garde-fou permettant d’éliminer les candidats les plus dangereux ». « Les minorités peuvent faire la différence plus facilement qu'aux élections générales », indique l'urologue, citant pour exemple les primaires socialistes pour la présidentielle de 2012. « Au premier tour, l'écart de voix entre Martine Aubry et François Hollande était de 200 000 voix ; au second tour, de 400 000 voix. Quand on vote aux primaires et qu'on appartient à une minorité, on vaut 20 voix », dit-il.

« On se pose en garants des valeurs républicaines et en lanceurs d'alerte », déclare-t-il, souhaitant, à travers la campagne, « rappeler à l’ordre » tout candidat dès lors qu’un « dérapage » politique est constaté. Primeur à ceux des primaires de la droite et du centre, programmées les 20 et 27 novembre prochain et ouvertes à toute personne inscrite sur les listes électorales, sans avoir à posséder la carte de membres des Républicains. Pour chacun d’entre les candidats (sept au total), une fiche synoptique résumant leur parcours et leur pedigree politique est à la disposition des internautes sur un site dédié. Surtout, une veille médiatique est assurée par des citoyens – « 30 à 40 personnes bénévoles engagées » selon Abdel-Rahmène Azzouzi – pour permettre au grand public d’apprécier au mieux les propositions et les prises de positions des aspirants au fauteuil présidentiel sur les sujets d’actualités.

Eclairer les citoyens dans leurs choix

Un système d’évaluation « sous forme de sanctions » et « sur des bases légales mais aussi morales » a été mise en place, avec des cartons jaunes et rouges qui pourront ainsi être attribués aux candidats selon la gravité de leurs propos. En cas de faute politique lourde, ils pourront être fichés D – pour disqualifié/dangereux/discrédité –, ce qui a « pour conséquence de les mettre hors course comme candidat potentiel incarnant les valeurs nécessaires pour représenter la droite et le centre aux élections présidentielles de 2017 », explique-t-on.

Le travail d’information fait, il sert de base solide aux citoyens pour interpeller les candidats. « Nous avons un périmètre que sont les valeurs républicaines. Nous pensons que s’ils veulent présider à la destinée du pays, ils doivent en être le meilleur bouclier », affirme Abdel-Rahmène Azzouzi. Avec #JeTeVoix, « il y a un effet pédagogique, citoyen et stratégique » pour le public à qui la campagne s’adresse ; un effet « dissuasif » aussi auprès des candidats, « dans l'unique intérêt général ».

Une campagne non partisane

Cette action « purement civique et citoyenne » permet à tout un chacun de « participer au débat démocratique ». Pour y parvenir, « il faut que tout soit mis sur la table pour que les citoyens puissent faire leur choix et être incités à s'inscrire dans les listes électorales et à voter » selon Abdel-Rahmène Azzouzi.

La campagne #JeTeVoix, est non partisane, insiste-t-on. Elle débute avec les primaires de droite mais celles de gauche sont inscrites à l’agenda du collectif et les candidats feront l’objet d’un même traitement. Pour Abdel-Rahmène Azzouzi, « il faut que les minorités comprennent le pouvoir qu'ils ont entre les mains ». La balle est dans leur camp.

*Premiers signataires du collectif : Pouria Amirshahi (député), Abdel-Rahmène Azzouzi, Yassine Belattar (humoriste), William Bila (représentant de La Voix des Rroms), Mehdi Bouteghmes (élu à La Courneuve, Collectif Citoyens), Mohammed Colin (fondateur et directeur de publication de Saphirnews.com), Rokhaya Diallo (journaliste et réalisatrice), Kamel Djellal (Collectif Citoyens), Samia Hathroubi (enseignante et activiste au sein d’associations françaises et européennes interreligieuses), Nadia Henni-Moulaï (fondatrice de Melting Book), Alix Heuer (Les Glorieuses), Amadou Ka (président des Indivisibles), Aziz Lasri (Banlieue Plus), Hind Meddeb (réalisatrice), Sanaa Saitouli (élu à Cergy), Rachid Sallal (chef d'entreprise), Louis-Georges Tin (président du CRAN), Rafael Tyszblat (représentant de Muslim-Jewish Conference - France), Rui Wang (président de l’Association des Jeunes Chinois de France).

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur