Economie

Halal : les boissons festives sans alcool décryptées

Rédigé par | Jeudi 30 Décembre 2010 à 00:14

Les boissons et sodas non alcoolisés sont bien ancrés dans les habitudes de consommation des Français. Cependant, des traces d'alcool y sont retrouvées. Certaines marques, comme Night Orient, n'hésitent alors pas à faire certifier leurs produits halal pour rassurer les consommateurs de culture musulman dans leurs choix. Cette opération se révèle souvent juteuse et assure plein de débouchés commerciaux hors d'Europe.



Pas besoin d’alcool pour faire la fête. Les boissons pétillantes et festives non alcoolisées ont su conquérir un large public en quelques années. Bien que Champomy ne détient que 1,2 % du marché des soft-drink, loin derrière Coca-cola, qui détient 51,8 % de parts de marché en France en 2009, la boisson non alcoolisée d’Orangina-Schweppes destiné aux enfants, a enregistré une progression de 12 % des ventes en grandes et moyennes surfaces (GMS) au premier trimestre 2010 par rapport à 2009. Il en va de même pour les bières dites sans alcool, qui ne cessent de faire des adeptes en France.

Mais, contrairement aux idées reçues, les boissons, bières et sodas non alcoolisées ne sont pas complètement dépourvues d’alcool. Le seuil maximal pour qu’une boisson soit reconnue non alcoolisée selon la législation européenne est de 0,5 % d'alcool en volume. Quant aux bières, le titre alcoolique ne doit pas excéder 1,2°. Or un degré correspond à 8 g d’alcool pur par litre. Dès lors, une question se pose pour le musulman lambda : halal ou haram ?

Le seuil de 0,5 % autorisé par une fatwa

Un avis juridique (fatwa) sur les boissons contenant d’infimes traces d’alcool a été émise en avril 2008 par le cheikh Yusuf al-Qardawi, éminent savant musulman. Selon le cheikh, considéré comme une référence en matière de fatwas, les boissons sont considérées comme étant licites (halal) à la consommation dès lors que la teneur en alcool est inférieure à 0,5 %.

L’alcool − comme toute boisson enivrante − reste interdit, a rappelé Al-Qardawi, qui n’autorise aucunement l’alcool dans sa fatwa. Par analogie, les bières sans alcool conventionnelles sont illicites mais ceux de la marque Moussy, par exemple, commercialisé en Arabie Saoudite entre autres, sont considérés comme halal car contenant moins de 0,5 %.

Comme lui, beaucoup d’oulémas, dont ceux du Conseil du fiqh d'Amérique du Nord (FCNA) estiment que lorsqu’une infime quantité d’une substance impure X est mélangée à une substance dominante permise Y, X perd son caractère illicite dans la mesure où celle-ci est dissoute dans Y et qu’elle ne peut être détectée par le goût, l’odeur ou la vue. Un avis qui vaut aussi bien pour les boissons que pour les produits alimentaires selon le FNCA.

Mais d’autres ne sont pas de cet avis, considérant l’utilisation de l’alcool dans tout procédé naturel ou industriel comme totalement interdite. Les consommateurs de Night Orient n’ont pas à se soucier de ce débat, la seule boisson certifiée halal avec une teneur en alcool de 0,00 % selon les fondateurs de la marque. Ce qui n’est pas forcément le cas d’autres boissons, parfois célèbres, à l’instar de Coca ou de Pepsi, qui font l’objet d’un débat sans fin sur la Toile.

Certifier halal, l’argument de vente imparable

Décrit comme « une boisson festive sans alcool destinée aux musulmans », fabriquée à base de raisins blancs, Night Orient surfe sur la vague du halal depuis son lancement en novembre 2009. Représentant en France de la marque Night Orient, Rachid Gacem n’a pas souhaité dévoiler à Saphirnews les chiffres de ventes et de bénéfices mais s’est néanmoins déclaré satisfait des résultats actuels. Le cofondateur de Night Orient, produite en Belgique par Orient Drink, espère vendre 1 million de bouteilles en 2012.

« Night Orient est commercialisé dans plus de neuf pays. En France, 75 % de notre chiffre d’affaires est réalisé pendant la période de fêtes de fin d’année et le gros de nos ventes se font dans les enseignes de la grande distribution », nous déclare M. Gacem, qui annonce la commercialisation prochaine de la boisson dans les magasins du groupe Casino. Après Auchan, Cora, Carrefour et Leclerc, Night Orient entreprend ainsi une nouvelle percée en France, pays où la boisson se vend le mieux avec la Belgique.

Pour les fondateurs de la marque, le halal est plus qu’un simple argument marketing. Elle permet de rassurer les consommateurs musulmans malgré l’aspect physique de la bouteille, qui rappelle allègrement celle des champagnes alcoolisés. « Certifier le produit halal peut aider en termes de communication mais c’est aussi un gage de confiance pour les consommateurs musulmans car ils ne savent pas forcément que les boissons sur lesquelles est inscrite la mention "sans alcool", y compris les jus, peuvent contenir de l’alcool », indique-t-il.

Le débat sur l'imitation non tranché

Quant à la question de l'imitation, qui fait polémique auprès d'une partie des musulmans, M. Gacem fait un parallèle avec la charcuterie halal. « Dans trois à cinq ans, nous oublierons la forme » pour ne nous intéresser qu'au contenu, affirme-t-il.

Pour marquer le coup en cette fin d’année, un coffret prestige contenant une bouteille de Night Orient et du foie gras Labeyrie vient d’ailleurs d’être lancé dans les GMS malgré les débats autour de la licéité du foie gras et du bien-être des oies et canards lors du gavage. « Chacun peut trouver des arguments sur ce débat mais, personnellement, je fais confiance à la Grande Mosquée de Lyon qui certifie Labeyrie halal », nous répond M. Gacem. Le débat autour du halal est loin de se clore.




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur