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Etats-Unis : des détenus musulmans forcés à manger du porc, du halal avarié ou à mourir de faim

Rédigé par Myriam Attaf et H. Ben Rhouma | Jeudi 20 Aout 2020 à 20:45

Des détenus de confession musulmane d'une prison américaine en Floride font face à « trois choix pendant cette pandémie (du Covid-19) : manger des repas contenant du porc, manger des repas avariés ou ne rien manger du tout ». C'est ce que dénoncent ouvertement depuis mercredi 19 août des organisations de défense des droits civiques.



Enfermés dans un centre de détention rattaché au Service de l’immigration et des douanes américaines (ICE) à Miami, en Floride, des prisonniers musulmans sont contraints de manger du porc, rapportent plusieurs organisations de défense des droits civiques. Plusieurs dizaines de détenus sont concernés sur les 440 que compte la prison, selon les chiffres communiqués par les activistes.

Dans une lettre adressée au Service de l'immigration et des douanes américaines, et au Département américain de la Sécurité intérieure et envoyée mercredi 19 août, les avocats de l’organisation de défense des droits civiques, Muslim Advocates, et du cabinet de défense des droits des immigrés aux Etats-Unis, Americans for Immigrants Justice, rapportent que le centre de détention Krome propose depuis quelques mois, « deux à trois fois par semaine des plats contenant sans ambiguïté du porc » aux musulmans et qu'ils sont « forcés de choisir entre leur foi ou la faim ».

Des produits halal avariés au menu, un problème depuis 2017

Avant la survenue de l'épidémie du coronavirus, les prisonniers pouvaient choisir le contenu de leurs menus dans une cafétéria, évitant ainsi les plats à base de porc mais aussi les produits halal car très souvent périmés. Un problème pointé du doigt depuis deux ans au moins. « Ces repas (halal) non comestibles présentent de graves risques pour la santé des détenus musulmans », signale-t-on dans la lettre.

La situation s'est aggravée pour les détenus avec la mise en place de règles de confinement visant à prévenir la propagation du coronavirus. Les prisonniers se voient servir des plats préparés contenant régulièrement du porc ou des aliments à base de porc. Des menus dits halal peuvent aussi leur être servis mais les aliments sont toujours aussi avariés qu'avant. Et gare à ceux qui sont tentés par les consommer : plusieurs d'entre eux « ont déclaré avoir souffert de douleurs à l'estomac, de vomissements et de diarrhée ».

Une atteinte aux droits qui nuit à la santé des détenus en temps de Covid-19

Ainsi, « face à l’indifférence et à l’inaction du personnel de Krome, les détenus musulmans se retrouvent avec trois choix pendant cette pandémie : manger des repas contenant du porc, manger des repas avariés ou ne rien manger du tout », font part les avocats. De ce fait, Americans for immigrants justice et Muslim Advocates rappellent que l’établissement pénitentiaire va à l’encontre des pratiques religieuses d’une partie de sa population carcérale, mais aussi de ses droits élémentaires.

« L'agence de contrôle de l'immigration et des douanes américaine (ICE) choisit d'agir d'une manière qui, non seulement, porte atteinte aux droits de ces personnes à pratiquer leur foi, pendant leur détention, qui est légalement protégée, mais qui nuit également à leur santé. (…) Ils ne peuvent pas manger des aliments en mesure de garantir de bons apports nutritifs au milieu d’une pandémie », celle du Covid-19, soutient les organisations.

Des plaintes restées sans réponses

Plusieurs plaintes ont déjà été formulées auprès des responsable du centre et ont été « ignorés sans raison », soulignent dans le courrier Muslim Advocates et Americans for immigrants justice, qui réclament le respect des droits des prisonniers musulmans ainsi qu'une formation et une meilleure surveillance de « l'ensemble du personnel impliqué dans ce déni systématique des droits des détenus à Krome ». « La pandémie n’est pas une excuse pour violer inutilement les droits religieux des détenus », conclut les avocats, qui attendent une réponse en bonne et due forme des autorités concernées.

« Toute affirmation selon laquelle l'ICE refuse aux personnes une possibilité raisonnable et équitable d'observer leurs pratiques alimentaires religieuses est fausse », a fait savoir, à ce stade, un porte-parole auprès de Miami New Times en réponse aux accusations. Les responsables de Krome n'ont, pour leur part, pas encore répondu aux nombreuses sollicitations de la presse.

Ce n’est pas la première fois qu’un établissement carcéral américain est dénoncé pour des faits similaires. En 2018, par exemple, les responsables d’une prison située à Anchorage en Alaska, avaient été accusés de servir du porc à des prisonniers musulmans pendant le mois du Ramadan.

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