Points de vue

Dress code à l’Assemblée nationale : entre erreur de droit et déni de démocratie

Rédigé par | Vendredi 26 Janvier 2018 à 13:10



Représenter la nation n’est pas un service public. Il s’agit en réalité d’une fonction qui vise à incarner la diversité de la nation française qui ne peut être réduite à neutraliser son expression. C’est ici tout l’enjeu du débat. A l’heure où le fossé entre l’administration et les administrés se creusent, le nouveau règlement de l’Assemblée Nationale sur les tenues vestimentaires ne vient-il pas sonner le glas de l’incompréhension des députés envers le peuple français ?

Jean Jaurès disait déjà, à son époque, qu’il fallait régler la question religieuse pour davantage traiter la question sociale. Il semble que, au 21e siècle, après la mondialisation et la volonté d’œuvrer pour le progrès, certains n’ont toujours pas compris que le peuple de France est divers. En réalité, ceux qui prônent l’interdiction des signes religieux commettent une double erreur : un déni de démocratie et une erreur juridique.

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Un déni de démocratie et de pluralité des opinions de pensée

Le déni de démocratie d’abord. Comment justifier que l’enceinte qui a vu les plus grands débats sur la laïcité, sur la liberté d’expression, sur la liberté d’opinion soit aujourd’hui réduite à limiter l’expression des élus censés représenter le peuple français ? Ne s’agit-il pas là d’une grande offense aux Français ?

Cela ne fait peut être que justifié les raisons pour lesquelles les Français ont une défiance croissante vis-à-vis du politique qui, au lieu de résoudre la question sociale, s’empêtre à résoudre des questions religieuses et de mettre l’athéisme – plutôt que la laïcité - au centre de la machine politique.

Alors il convient effectivement de rejoindre le président de la Fédération Protestante de France qui estime qu’il s’agit d’une manifestation de la « radicalisation de la laïcité » constatée par le président de la République, car, en effet, c’est bien d’une radicalisation dont il s’agit. La bonne solution eut été de laisser libre cours à l’expression. Que François Ruffin manifeste à travers son maillot de foot le mécontentement croissant d'une partie de la population française, c’est justement l’expression qu’un élu doit garder à l’esprit lorsqu’il représente la Nation.

Une erreur juridique fondamentale

La confusion sur le sujet bat son plein lorsqu’on voit que certains confondent leur propre militantisme pour un athéisme d’Etat avec le combat pour la promotion de la laïcité. En effet, les élus ne sont pas tenus par le principe de laïcité, sauf lorsqu’il représente un service public (c’e’st-à-dire qu’ils agissent non en tant qu’élu mais en tant qu’agent du service public).

Le Conseil d’Etat rappelle notamment que : « La circonstance qu’un candidat à une élection affiche son appartenance à une religion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs ; qu’aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n’impose que soient exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l’occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses. » (CE, 23 décembre 2010, n° 337899)

Peut-être est-il également nécessaire de rappeler que priver la parole d’un conseiller municipal – donc d’un élu – en raison de son accoutrement religieux est considéré comme une discrimination par la Chambre criminelle de la Cour de cassation et que cela est passible d’une sanction pénale (Cass. Crim. 1er septembre 2010, n° 10-80.584).

Plutôt que de se sacrifier sur l’autel des discriminations, il conviendrait de faire preuve d’un petit plus de bonne foi et de vivre ensemble.

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Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur et conférencier spécialiste de la laïcité. Il a écrit Outils pour maîtriser la laïcité, publié aux éditions La Boîte à Pandore.

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Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam, le terrorisme… En savoir plus sur cet auteur