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Bariza Khiari : « Seules la culture et l’éducation permettent l’émancipation au service de la citoyenneté »

Rédigé par | Lundi 18 Avril 2016 à 08:00

Le 14 avril, la sénatrice Bariza Khiari, qui fut vice-présidente du Sénat de 2011 à 2014, a été élue présidente de l’Institut des cultures d’islam (ICI). Après l’annonce faite par la maire de Paris de ne pas continuer le projet ambitieux initié par son prédécesseur Bertrand Delanoë avec la construction du deuxième bâtiment de l’ICI-Barbès, l’Institut avait connu une période de fortes turbulences depuis la rentrée 2015. La nomination de Bariza Khiari, qui ravit bon nombre d’observateurs qui étaient inquiets de l’avenir de l’établissement culturel parisien, devrait pouvoir le faire entrer dans une phase d’évolution plus sereine. Interview.



Bariza Khiari, nouvellement élue présidente de l’Institut des cultures d’islam, a notamment pour mission d’« élaborer un projet global d’établissement pour la rénovation » du deuxième site de l’ICI, rue Léon (Paris 18e) « afin qu’il soit mieux adapté aux besoins exprimés par les habitants et qu’il puisse rayonner au-delà ».

Saphirnews : Vous venez d’être élue présidente à l’unanimité de l’Institut des cultures d’islam. Quelle est votre première réaction ? Pourquoi avoir présenté votre candidature à la présidence de l’ICI ?

Bariza Khiari : Beaucoup de joie et de fierté car ma candidature s’inscrit dans le cadre d’une triple légitimité.

La première, c’est que j’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour le sujet et j’ai beaucoup travaillé. Mon dernier ouvrage a porté sur « Spiritualité et citoyenneté », publié par la Fondapol et repris dans un ouvrage collectif aux Presses universitaires de France sous le titre Valeurs d’Islam. J’ai également co-fondé, le Festival des cultures soufies de Fès avec Faouzi Skali. Festival qui fêtera cette année sa 10e édition. Je connais de l’intérieur l’apport considérable de la civilisation islamique au monde, ce qui me permet d’être dans le dépassement et d’accueillir les cultures du monde. Enfin, je me suis toujours définie comme « farouchement républicaine et sereinement musulmane ».

La deuxième, c’est que j’ai été membre de la commission Culture et Education du Sénat durant trois ans, ce qui m’a permis de comprendre les problématiques actuelles liées au monde de la culture. Rapporteure du texte sur les œuvres orphelines, j’ai contribué au montage juridique du registre Relire, relatif aux œuvres indisponibles. J’ai été rapporteure de la loi dite « anti-Amazon ». C’est à mon initiative que la proposition de loi a intégralement été revue afin de cumuler l’interdiction de la remise des 5 % dans le cadre de la vente à distance avec la suppression de la gratuité des frais de port, permettant de créer un cadre réglementaire équilibré entre les acteurs de la vente en ligne et les libraires qui maillent notre territoire et qui sont indispensables à la relation sociale dans les villes. Donc, vous voyez, nous sommes toujours dans le domaine culturel.

La troisième, c’est la connaissance de la sphère publique, car j’ai été dans une vie antérieure chef d’un service de l’Etat, déléguée régionale au Tourisme Paris/Ile-de-France et que j’ai dû travailler à l’image de la capitale et de sa région ; et je sais le pouvoir d’attraction qu’exerce la ville de Paris sur le reste du monde.

Votre prédécesseur Jamel Oubechou a quitté la présidence après des désaccords intervenus avec la maire de Paris Anne Hidalgo qui a décidé de ne plus poursuivre l’extension de l'ICI en stoppant la construction de l’ICI Barbès. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Bariza Khiari : Avant de répondre à votre question, je souhaite rendre un hommage appuyé au travail de Jamel Oubechou qui a réussi à installer un établissement d’art contemporain dans le 18e arrondissement, quartier par excellence de la diversité. Cet équipement culturel a maintenant toute sa place dans le paysage culturel de la ville de Paris et il est surtout reconnu comme tel par la sphère culturelle.

L’idée d’un établissement mixant le cultuel et le culturel dans le respect des lois de la République était audacieuse et particulièrement innovante et il faut en cela saluer Bertrand Delanoë et l’équipe municipale du 18e arrondissement.

Cette imbrication cultuel / culturel va bien sûr être maintenue au 56 de la rue Stéphenson. Pour l’extension qui était prévue sur un deuxième site, je ne méconnais pas les débats qui ont eu lieu. Pour ma part, je n’ai pas à discuter les orientations décidées par la maire de Paris et le Conseil de Paris.

J’observe que, en dehors de la non-imbrication cultuel/culturel pour le deuxième site, les engagements moraux de la mairie de Paris seront tenus. En premier lieu, le site dit « ICI Barbès », rue Polonceau, sera entièrement dédié au culte. Il appartient donc aux musulmans de trouver les financements. En second lieu, le site de la rue Léon sera entièrement repensé et reconstruit pour être dédié aux cultures d’Islam. Je suis chargée d’élaborer un projet global d’établissement pour la rénovation de ce site afin qu’il soit mieux adapté aux besoins exprimés par les habitants et qu’il puisse rayonner au-delà.

Vous avez toujours dit que la culture est un moyen indispensable pour accéder à une meilleure connaissance de l’islam, qui ne saurait être réduit à un code de bonnes conduites et de règles à appliquer. Que pensez-vous pouvoir apporter à cet institut ?

Bariza Khiari : À l’heure du village planétaire, l’efficience de l’idéal citoyen doit se mesurer en la capacité de créer du lien dans une société secouée par des spasmes où l’on convoque soit la religion, soit la laïcité tous les matins. Seules la culture et l’éducation permettent l’émancipation, l’élévation au service de la citoyenneté. Or pour être citoyen, il faut savoir d’ou l’on vient, qui l’on est. L’histoire, la culture sont des repères qui permettent de s’émanciper d’un héritage soit en l’assumant pleinement, soit en le débordant. Dans un cas comme dans l’autre, la connaissance est indispensable.

L’ICI offre des espaces permettant d’appréhender des aspects de la civilisation islamique qui, comme vous le savez, n’est pas homogène. L’ICI offre également aux jeunes générations d’artistes un espace d’expression et de débats. Paris, ville-monde, se doit d’être à leurs côtés dans une période aussi difficile.

Tout cela sera, bien sûr, maintenu et amplifié mais un établissement culturel se doit d’évoluer pour être en phase avec la demande d’un public qui a raison d’être exigeant. Comme je vous l’ai dit, je vais réfléchir à un projet d’établissement et consulter largement afin de produire une analyse sur le positionnement de l’établissement en lien avec les habitants, les élus et le milieu culturel. Je n’ai pas pour habitude de préjuger du résultat. En remerciant l’équipe de Saphirnews pour son soutien depuis de longues années à l’ICI, je vous propose donc de me reposer la question dans quelques mois.



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur