Points de vue

Après l'abaya, la « tabaa » ? Quand l'usage de mots arabes conduit à une dérive inquiétante

Rédigé par Conseil français du culte musulman (CFCM) | Samedi 16 Septembre 2023 à 14:55

Une tâche sur le front serait-elle devenue un signe de radicalisation pour les administrations françaises ? Un jeune homme de confession musulmane souhaitant intégrer la police a vu sa candidature rejetée par la préfecture de police de Paris en 2021 malgré sa réussite aux tests en raison de la présence d'une marque au front dûe aux prières, rapporte Mediapart vendredi 15 septembre. Une information qui a troublé le Conseil français du culte musulman (CFCM), la poussant à s'exprimer pour dénoncer une dérive de ceux qui s'érigent en « spécialiste de la théologie musulmane ».



Le CFCM a appris avec stupeur qu’un jeune citoyen français voulant porter l'uniforme pour servir la République et ayant réussi les examens d’entrée à l’école de police à été écarté par la préfecture. Celle-ci justifie sa décision par l’existence d’une tâche sur le front du jeune, considérée comme « signe possible de repli identitaire » car « signe d’une pratique régulière de la prière ».

L’utilisation par les administrations de notre République française des mots arabes, en l’occurrence « tabaa » pour « tâche » et « abaya » pour « robe », est une dérive qui nous interroge et nous inquiète.

Cette décision arbitraire et jamais vue auparavant dans l'histoire de la Ve République participe à ce climat de soupçon qui pèse désormais sur tout musulman ou musulmane souhaitant pratiquer sa foi sereinement, sans prosélytisme ni provocation.

Le CFCM rappelle qu’une tâche sur le front ou toute autre partie du corps n'est en aucun cas une preuve de pratique intensive et assidue de la prière. Elle pourrait, dans certains cas, être due à la prosternation dans la prière. Pour des raisons dermatologiques et de sensibilité de la peau, elle peut apparaître au bout de quelques prières chez certaines personnes, comme jamais pour d'autres qui ont pourtant prié toute leur vie.

Le sentiment d'une « chasse aux musulmans ».qui s'installe

Une partie de l’administration de notre pays, qui s’érige en spécialiste de la théologie musulmane, semble perdre totalement ses repères sur la question de l'islam, au point de laisser s’installer le sentiment et l'impression d'une « chasse aux musulmans ».

Quand bien même il s'agirait de la marque d'une pratique assidue de la prière, en quoi cela serait signe de radicalisation ou de « repli identitaire » ? Doit-on considérer, désormais, que la seule pratique de la religion musulmane est synonyme de radicalisation ?

Quelle que soit sa pratique religieuse, comment peut on être accusé de « séparatisme » lorsque l'on veut, au contraire, servir la République en portant l'uniforme ?

S'élever contre le dévoiement de nos principes fondamentaux

En excluant les jeunes musulmans et musulmanes pratiquants ou supposés comme tels des écoles de la République ou de la police républicaine, cela ne fera que nourrir un sentiment d’exclusion et participer à l'alimentation des extrémismes.

Des millions de Français sont musulmans et parmi eux, des millions sont pratiquants. Quel message leur est envoyé à travers ce genre de polémiques ubuesques et dramatiques ?

Les forces vives de notre pays doivent s’élever contre ce dévoiement de l’un des principes de liberté fondamentaux de la République qu’est la laïcité. Celle-ci n’est pas l’athéisme ni la chasse aux citoyens pratiquants d’une religion.

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