Politique

17 octobre 1961 : des appels pressants à la reconnaissance officielle d’un « crime d’Etat »

Rédigé par | Lundi 18 Octobre 2021 à 12:50

Des cérémonies d'hommage aux victimes du massacre du 17 octobre 1961 à Paris se sont tenues tout au long du week-end du 16 et 17 octobre en France. Le président de la République, Emmanuel Macron, a présidé une commémoration en région parisienne à l'issue de laquelle l'Elysée a dénoncé des crimes qui, « sous l'autorité de Maurice Papon », alors préfet de police de Paris, sont « inexcusables pour la République ». Insuffisant pour des militants et des personnalités politiques de gauche, qui souhaitent la reconnaissance officielle d’un « crime d’Etat ».



Soixante années sont passées depuis la sanglante répression de la manifestation d’Algériens organisée à Paris le 17 octobre 1961 et la douleur reste vive. Lors d’une cérémonie d’hommage organisée samedi 16 octobre au pont de Bezons, dans les Hauts-de-Seine, quelques semaines après ses annonces en faveur des Harkis, Emmanuel Macron a rendu hommage à la mémoire des victimes en observant une minute de silence.

Si le président n’a pas pris publiquement la parole ce jour-là, l’Elysée s’est fendu d’un communiqué pour déplorer une tragédie qui « fut longtemps tue, déniée ou occultée » en France. Le président « a reconnu les faits : les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République », fait-on savoir.

« La France regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies. Elle le doit d’abord et avant tout à elle-même, à toutes celles et ceux que la guerre d’Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme. Elle le doit en particulier à sa jeunesse, pour qu’elle ne soit pas enfermée dans les conflits de mémoires et construise, dans le respect et la reconnaissance de chacun, son avenir », a conclu la présidence.

Un « crime d’Etat » appelé à être reconnu pleinement

« Pour la première fois, un chef d'État en exercice reconnaît la responsabilité de l'État dans un massacre considéré comme un crime », a estimé sur France Inter l’historien Benjamin Stora, auteur d’un rapport dédié aux questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie commandé par l’Elysée. Ce qui a d'ailleurs horripilé la droite et l'extrême droite, qui fustigent un acte de « repentance » du président.

Néanmoins, de nombreux responsables politiques de gauche ont déploré le fait qu’Emmanuel Macron n’ait pas officiellement reconnu un « crime d’Etat ». « Il faut nommer la réalité de ce qui s’est passé le 17 octobre 1961 : c’est un crime d’État. Il n’y a pas de démocratie sans vérité. Le président a raté l’occasion de faire un pas de plus vers la réconciliation », a estimé Yannick Jadot, à la tête d’Europe Ecologie – Les Verts.

« Le crime est réduit à la responsabilité de Maurice Papon. Il n'était pas un État dans l'État, il y avait bien un chef du gouvernement et un chef de l'État qui décidaient qui était préfet de police. Papon est resté en poste jusqu'en 1967 », a souligné auprès de l’AFP le président de SOS Racisme, Domique Sopo.

Pour la Ligue des droits de l’Homme (LDH), « on ne construit pas la démocratie sur des mensonges et des occultations. Après plus d'un demi-siècle, il est temps que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste fort, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d'État comme a été fait en septembre 2018 pour l’assassinat de Maurice Audin, et en mars 2021 pour celui d'Ali Boumendjel par l'armée française et pour l'existence d'un système de torture généralisé ».

Une reconnaissance officielle pour « rétablir la vérité »

De nombreux hommages lors desquels des appels ont été lancés au gouvernement pour la reconnaissance d’un crime d’Etat ont été rendus à travers la France, particulièrement en Ile-de-France. C’est le cas à Noisy-le-Sec où une affiche de l'artiste Ernest Pignon-Ernest a été dévoilée, dimanche 17 octobre, sur la façade d'un immeuble. Une fresque dans laquelle on y voit les mains d’une personne qui se noie.

« Rendre de la dignité à ces mémoires invisibilisées, bafouées, c’est s’inscrire à contre-pied d'un récit national unique, c’est transmettre une mémoire complète pour construire les bases d’une société unifiée et solide. Reconnaître, visibiliser, valoriser, c’est permettre aux personnes touchées par ce passé de rester dignes et de panser leurs plaies. C’est permettre de ne jamais oublier », a fait savoir Wiam Berhouma, la maire adjointe chargée à l'éducation populaire et à la transmission de la mémoire, en amont de la cérémonie lors de laquelle la majorité municipale a appelé « à la reconnaissance de ce crime d’État ».

A Stains, en Seine-Saint-Denis, une cérémonie de pose de la première pierre d’un gymnase portant de nom de Fatima Bedar a été organisée en présence de son frère. Fatima Bedar, origine de Stains, a été retrouvée morte noyée dans le canal de Saint-Denis à l’âge de 15 ans, devenant ainsi l’une des plus jeunes victimes de la répression du 17 octobre 1961.

Le maire de Stains figure parmi les dix élus, ceux d’Allonnes, de Bobigny, de Fontenay-sous-Bois, de Gennevilliers, de Grigny, de La Courneuve, de l'Île-Saint-Denis, de Montreuil, de Nanterre et de Trappes, à avoir lancé un appel demandant solennellement à Emmanuel Macron de « reconnaître clairement et sans ambiguïté le massacre colonial et le crime d'Etat s'étant déroulé dans Paris le 17 octobre 1961 ». « Cette reconnaissance officielle permettra de rétablir la vérité et la justice dont les familles et les proches sont en attente depuis six décennies », estiment-ils. « Elle est nécessaire également afin de redonner toute sa place à cet évènement tragique de notre Histoire et permettre la transmission de la Mémoire aux plus jeunes, dans un souci d’apaisement, de fraternité et de cohésion nationale. »

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur