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Culture & Médias

Y’a Bon Awards 2013 : la solidarité, arme contre le racisme

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Vendredi 14 Juin 2013 à 00:00

           

La 5e cérémonie des Y’a Bon Awards s'est tenue lundi 10 juin au Cabaret Sauvage à Paris. Saphirnews, média partenaire de l’événement, était de la partie. Retour sur une soirée mémorable, riche en humour et en émotion, qui s’est aussi posée comme le point de départ d’un renouveau de l’action antiraciste en France.



Les membres de l'association Les Indivisibles lors de la 5e cérémonie des Y'a Bon Awards.
Les membres de l'association Les Indivisibles lors de la 5e cérémonie des Y'a Bon Awards.
Lundi 10 juin dans la soirée, le Cabaret Sauvage, situé dans le 19e arrondissement de Paris fait salle comble. Un public métissé, fort de 700 personnes, y a pris place pour assister à la 5e cérémonie des Y’a Bon Awards organisée par l’association antiraciste Les Indivisibles, qui se donne pour objectif de déconstruire les préjugés ethnoraciaux par l’humour.

Pour cela, à l’occasion de la cérémonie des Y’a Bon Awards, elle tacle les auteurs des pires déclarations racistes en leur décernant des peaux de bananes dorées, un trophée créé par l'artiste Alexis Peskine. Aux commandes de la cérémonie, le journaliste et présentateur télé déjanté Raphaël Yem a proposé, une nouvelle fois, une soirée à mourir de rire.

Les amis de Clément Méric lors de la cérémonie des Y'a Bon Awards.
Les amis de Clément Méric lors de la cérémonie des Y'a Bon Awards.

Une minute de silence pour Clément Méric

Mais, pour sa 5e édition, la soirée de Y’a Bon Awards s’est ouverte dans l’émotion avec un « hommage appuyé rendu à Clément Méric », le jeune militant antiraciste et antifasciste tabassé à mort par des skinheads, début juin.

Ses amis ont été invités à prendre la parole pour parler de l’engagement du jeune étudiant. « Clément était un soutien du collectif Mamans toutes égales », fait ainsi savoir l’une de ses amies s’exprimant au nom du syndicat solidaire étudiant (SUD étudiant). Déterminée à lutter contre le racisme dans un « climat sociétal particulier » marqué par une « résurgence des mouvements fascistes », elle rappelle l’agression revendiquée par la Ligue de défense Juive (LDJ) et celle d’une femme voilée à Argenteuil par des skinheads. Toute la salle du Cabaret Sauvage a ensuite réservé une minute de silence à Clément Méric.

Puis le show a pu démarrer après la prestation énergisante du groupe de percussions Drum Team. D’emblée, Raphaël Yem fait remarquer que sous « la présidence normale » de François Hollande, « l’ambiance générale s’est dégradée ». Cette année encore, la liste des potentiels lauréats de Y’a Bon Awards est longue.

Un ancien lauréat vient chercher son Y’a Bon Award

Mais ce sont six Y’a Bon Award qui ont été attribués. A la manière d’une cérémonie traditionnelle de remise de prix, des personnalités ont annoncé les noms des gagnants. Parmi les remettants, on a pu retrouver les actrices Aïssa Maïga et Princess Erika, Rim K et AP du groupe de rap 113, l’humoriste Samia Orosemane ainsi que des membres du jury comme le journaliste Nadir Dendoune et la présidente de la Fondation Frantz Fanon, Mireille Fanon Mendès-France.

Les six peaux de bananes dorées sont revenues à Véronique Genest, l’islamophobe décomplexée, Jean-François Copé pour sa sortie sur les pains au chocolat, l’éditorialiste de RMC Frank Tanguy, qui se dit prêt à renverser un barbu en djellaba, le député UMP Jean-Sébastien Vialatte pour son tweet aux relents esclavagistes ainsi qu’à la philosophe Elisabeth Badinter, partie en guerre contre les nounous voilées. La journaliste Elisabeth Levy remporte un Y’a Bon Award pour l’ensemble de son œuvre.

Si aucun des lauréats 2013 n’est venu chercher son prix, pour la première fois dans l'histoire des Y’a Bon Awards, Christophe Barbier, gagnant de l’an dernier, a créé la surprise en venant chercher sa peau de banane. La joute verbale entre l’animateur de la soirée Raphaël Yem, dégainant vanne sur vanne, et le directeur de la rédaction de L’Express, fort en réparties, a su galvaniser le public.

Les spectateurs n’ont également pas été déçus des gags de la série humoristique L’Heure de nous-mêmes a sonné (malgré quelques problèmes techniques), tournant en dérision l'univers associatif de l'antiracisme.

Gilles Sokoudjou, le président des Indivisibles lors du discours de clôture de la 5e cérémonie des Y'a Bon Awards.
Gilles Sokoudjou, le président des Indivisibles lors du discours de clôture de la 5e cérémonie des Y'a Bon Awards.

« L’Heure de nous-mêmes a sonné »

« L’Heure de nous-mêmes a sonné », c’est également par cette maxime empruntée à Aimé Césaire que le président des Indivisibles Gilles Sokoudjou a lancé, au terme de la cérémonie, un appel pour revivifier le mouvement antiraciste. « Qui l'eut cru, trente ans après, d'en être toujours au même point », a-t-il déploré. « Les mêmes discours convenus, les mêmes propositions, les mêmes personnalités, les mêmes échecs. S'il y a bien une chose qu'il est aisé de constater, c'est bien l'inertie - assumée - du politique », a précisé M. Sokoudjou.

« Il faut aussi analyser ce que nous n'avons pas réussi à faire jusqu'alors : l'unité. L'unité, la solidarité, se fédérer, voilà ce qui doit nous animer maintenant », a-t-il poursuivi, en jugeant que le « succès ne viendra qu'à ce prix ». « Nous devons aujourd'hui, maintenant, commencer à établir les bases d'un projet qui aura pour objectif de bien faire prendre conscience à nos adversaires que s'attaquer à l'un d'entre nous c'est s'attaquer à l'ensemble des partenaires », a-t-il lancé à l'adresse des acteurs associatifs.

« À force de renoncements, de récupérations politiques, de naïveté, d'ambitions personnelles, la lutte antiraciste a perdu de sa force, de sa crédibilité. À force de tables rondes, de débats, de colloques, d'invitations et de spectacles, nous n'avons réussi qu'à nous convaincre nous-mêmes », a-t-il ajouté. « L'ambition, c'est de sortir de ce petit confort pour commencer à hisser des combats, judiciaires ; c'est le cas avec le CCIF par exemple », a noté le militant, qui constate que « l’islamophobie est devenu un sport national ».

« On nous avait promis le changement mais celui-ci ne peut venir que de nous-mêmes, l'heure de nous-mêmes a sonné », a-t-il martelé. « La présence de Toumi (Toumi Djaidja, l’initiateur de la Marche pour l’égalité de 1983 et porte-parole du jury des Y’a Bon Award, ndlr) est comme une leçon pour nous. Il ne faut rien attendre des promesses », poursuit encore le militant.

Avant d’atteindre le bout de ce combat, les cérémonies des Y’a Bon Awards risquent malheureusement de s'enchaîner encore longtemps, d'année en année.







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