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Points de vue

Said Nursi : une pensée moderniste ancrée dans l’orthodoxie sunnite

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Mercredi 13 Mars 2013 à 00:00

           


Said Nursi : une pensée moderniste ancrée dans l’orthodoxie sunnite
Le quotidien Taraf a révélé que le lieu probable de la seconde inhumation de la dépouille de Said Nursi serait le cimetière d’Isparta. Si le penseur turc a été initialement enterré à Urfa, en mars 1960, les militaires qui prennent le pouvoir au mois de juillet à l’issue d’un coup d’Etat s’empresseront de déplacer sa dépouille dans un endroit tenu secret.

Il s’agissait pour les généraux kémalistes d’empêcher que la tombe du grand homme, en devenant un lieu de recueillement et un symbole, ne serve à structurer et donc à renforcer une opposition porteuse d’une conception du monde et de la société fondée sur les valeurs de l’islam. Said Nursi a pourtant été membre du Comité Union et progrès à l’origine de l’avènement de la République, système politique dont il sera sa vie durant un fervent défenseur.

Les sciences exactes au service de la foi

La République était à ses yeux garante de la liberté d’expression et de l’égalité de tous devant la loi. De même qu’il a toujours prôné la nécessité d’étudier et de promouvoir les sciences positives, le progrès et le salut ne pouvant résider dans la foi seule, même si le primat de cette dernière n’a jamais été remis en question.

C’est là le principal grief des kémalistes, qui ne sauraient concevoir la modernité autrement que dénuée de toute spiritualité et dans un cadre matérialiste d’inspiration occidentale, ce qui explique leur hostilité.

Said Nursi naît en 1876, dans le village de Nurs, près de la ville de Bitlis, au sein d’une famille kurde conservatrice de l’Est de l’Anatolie. Celui qui allait devenir le théologien le plus influent de la République turque ne ressemblait en rien aux savants (oulémas) de l’époque, citadins raffinés à la pensée sclérosée, à l’image de cet Empire ottoman finissant dont ils étaient la garde idéologique.

Strictement kurdophone jusqu’à l’âge de 14 ans, ayant fréquenté les écoles religieuses traditionnelles (mederses) de 9 ans à 21 ans, portant des armes à la ceinture, le jeune Nursi ressemble davantage à un rural kurde. En 1909, il utilise pour se qualifier le terme de gharîb, « étranger », mais aussi « dissident ». Quelques années plus tôt, en 1894, alors qu’il est l’hôte du préfet Ishqodrali Tahir Pasha, il découvre les sciences exactes et les sciences naturelles. Il utilise avec profit leur méthodologie pour enseigner les sciences religieuses, comme pour démontrer la vérité de la foi. C’est à la même époque qu’il s’éloigne des ordres naqshabandi et khalidi ‒ vers lesquels il reviendra après avoir intégré leur apport au sein d’un système de pensée moderniste ‒ pour se rapprocher de l’establishment ottoman.

Un penseur turc très influent

Reçu par le sultan ‘Abdül-Hamid II en 1907, il plaide pour la création d’établissements d’enseignements modernes dans sa province natale de Bitlis, dénonçant le caractère archaïque des mederses, et ne craignant pas de rappeler dans sa généreuse intransigeance que « l’islam ne cautionne pas la tyrannie ». Il lui sera opposé, pour le moins, une fin de non-recevoir.

Mais on ne lutte pas contre le courant de l’Histoire. Les conditions socioéconomiques créées par le XXe siècle naissant rendront obsolètes à la fois l’islam confrérique et l’islam d’Empire, centralisé et bureaucratique. Elles seront au contraire à l’origine, d’une part, de l’idéologie positiviste autoritaire de l’élite moderniste, dont sera issu Atatürk, et, d’autre part, de la voie originale qu’explorera Said Nursi, celle d’une pensée moderniste ancrée dans l’orthodoxie sunnite.

Une pensée qui inspire aujourd’hui des millions d’individus qui, sur le plan social, économique et éducationnel, adoptent une position favorisant le progrès et le vivre ensemble, mettant en avant, en vertu des principes de l’islam, les valeurs du pluralisme, de l’entraide, et de l’unité nationale.






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