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Monde

Musulmans et Arabes : les mal-aimés des États-Unis

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mercredi 29 Août 2012 à 10:46

           

Les Arabes et les musulmans sont les minorités les moins appréciées aux États-Unis. C’est ce que révèle une étude menée par l’Institut américano-arabe (Arab American Institute, l’AAI). Pas vraiment étonnant tant la défiance à leur égard est grande depuis les attentats du 11-Septembre. A moins de deux mois de l'élection présidentielle américaine, cette vision défavorable des musulmans s’affiche surtout chez les électeurs républicains alors que les électeurs démocrates, pro Obama, en ont beaucoup moins une mauvaise image.



Musulmans et Arabes : les mal-aimés des États-Unis
« La fracture américaine : Comment nous voyons les Arabes et les musulmans », c’est le titre de l’enquête menée par l’Institut américano-arabe (Arab American Institute, l’AAI). Les 15 et 16 août, 1 052 personnes ont été sondées. Le but : voir quelles images elles ont des musulmans et des Arabes.

Comparée à d’autres communautés religieuses, le constat est désolant. 40 % d’Américains se déclarent favorables aux musulmans contre 41 % qui se disent défavorables à cette communauté. C’est la seule religion du panel qui obtient un score défavorable supérieur à celui qui est favorable. Ainsi, 74 % des sondés se disent favorables aux juifs contre seulement 11 % qui se disent défavorables à cette population. Les catholiques obtiennent 72 % d’opinion favorable et 17 % d’opinion négative.

Musulmans et Arabes, mal jugés

L’écart avec les autres religions est sévère. Les musulmans pâtissent clairement d’une mauvaise image. Et même si le score d’opinion favorable obtenu par les Sikhs se rapproche de celui des musulmans (45 % favorables contre 24 % défavorables), il faut noter qu’un Américain sur cinq ne se prononce pas car dit ne pas connaître assez cette communauté.

Avec les musulmans, un autre groupe est également mal vu par les Américains : les Arabes, 41 % leur sont favorables contre 39 % qui leur sont défavorables. Les Arabes américains, visiblement aidés par leur nationalité, sont un peu plus appréciés avec 49 % d’opinion favorable contre 31 % d’opinion défavorable. Les musulmans américains sont également un peu mieux vus (48 % favorables contre 33 % défavorables).

Ce sentiment à l’égard des musulmans et des Arabes, qui subissent apparemment des préjugés négatifs, est plus fort du côté de la population blanche, fait remarquer l’étude. Dans ses résultats, on retrouve la fracture qui sépare historiquement la population blanche des minorités ethniques. Ainsi, « l’attitude favorable à l’égard des Arabes, des musulmans, des Arabes américains et des Américains musulmans est beaucoup plus élevée chez les Afro-Américains, les Hispaniques et les Asiatiques », note l’AAI. Seulement 36 % des Blancs se disent favorables aux musulmans contre la moitié (50 %) des minorités qui expriment une bonne opinion vis-à-vis de cette communauté.

Egalement discriminées, elles se sentent forcément proches des musulmans, qui sont actuellement la cible aux Etats-Unis. On compte d’ailleurs une hausse des actes islamophobes de près de 50 % de 2009 à 2010 et, ces derniers temps, des affaires ont révélé que l’armée proposait des cours islamophobes à ses soldats et que la police new-yorkaise espionnait les musulmans de la ville.

Les musulmans : bêtes noires des vieux républicains

Accentuée par les attentats du 11-Septembre, cette stigmatisation est beaucoup plus forte chez les électeurs républicains. Alors que les électeurs pro-Obama sont pour la majorité favorable aux Arabes (51 % d’entre eux contre 29 %) comme aux musulmans (53 % contre 29 %), les électeurs qui plébiscitent Mitt Romney, le candidat républicain, sont, à l’inverse, pour la grande partie défavorable aux Arabes (30 % contre 50% défavorables) et encore plus aux musulmans (25 % contre 57 %).

Cette cassure entre deux opinions se retrouve également dans l’âge des sondés. Les jeunes de 18 à 29 ans ont globalement une bonne image des Arabes et des musulmans (plus de 50 %), alors que les déclarations des personnes de plus de 65 ans montrent qu’elles sont loin d’apprécier les musulmans et les Arabes. Les musulmans obtiennent ainsi d’eux seulement 30 % de bonnes opinions. « Le score favorable des jeunes Américains pour les Arabes et les musulmans dépassent de 17 points celui des plus âgés », peut-on lire dans l’étude.

Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Plus ouverts et tolérants, les jeunes se retrouvent plus nombreux dans l’électorat du démocrate Barack Obama, l’actuel président des États-Unis, et les personnes âgées, adeptes des idées conservatrices, dans le discours du candidat républicain, le mormon, Mitt Romney.

Ces électeurs qui voient du mauvais œil les musulmans et les Arabes osent penser que si ils étaient désignés au gouvernement, ils ne seraient pas capable de faire correctement leur travail et laisseraient leur culture ou leur religion influer sur leurs décisions. Seulement, 21 % des électeurs pro-Romney (contre 54 % des électeurs d’Obama) disent penser que les musulmans pourraient bien exercer leur travail à ce poste quand 57 % pensent qu’ils seraient influencés par leur religion.

Campagne présidentielle contre les musulmans ?

Le camp républicain n’a pas hésité à jouer sur cette peur de l’islam. De nombreuses polémiques l’ont alimentée. Celle autour de la construction du centre islamique Park 51 près de « Ground Zero », où se hissaient les tours jumelles du World Trade Center, a ainsi contribué largement à la diffusion du sentiment anti-musulman.

Le Washington Post cite le professeur Jack Levin, co-directeur du centre sur la violence et le conflit à l’université de Northeastern, qui estime que la protestation contre la construction de ce centre, en 2010, où la défiance à l’égard des musulmans avait été à son apogée selon lui, se dissipera avec le temps.

A l’époque, en pleine polémique, une enquête de l’AAI révélait que 55 % des Américains avaient une vision défavorable des musulmans et seulement 35 % une vision favorable. Cette année-là, une loi qui avait pour but de bannir la charia (loi islamique) dans plusieurs Etats du pays avait également amplifié la stigmatisation à l’égard des musulmans.

En pleine campagne présidentielle, dont le première tour aura lieu le 6 novembre prochain, les pics à l’encontre de cette communauté ont repris. Dernièrement, la collaboratrice musulmane de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, Huma Abedin, en a fait les frais. L'ancienne prétendante à l'investiture républicaine Michele Bachmann et quatre autres congressistes du Parti républicain l’ont accusée d'être proche des Frères musulmans et de comploter pour influer sur la diplomatie américaine.

Ce genre d’attaques qui salit l’image des musulmans joue sur la perception qu’une partie de la population américaine peut avoir des musulmans. Pourtant, beaucoup d’entre eux (59 %) disent ne connaitre ni Arabes ni musulmans dans le sondage de l’AAI. Quand ils en connaissent, le regard qu’ils portent à ces populations est plus favorable : près de 6 sur 10 ont d’eux une image positive. Mais quand ils ne les côtoient pas, le jugement des Américains est plus sévère à leur égard avec, par exemple, 46 % d’opinion favorable pour les musulmans.

Leur méconnaissance ne leur permet pas de dépasser leurs préjugés. Un effort de la population américaine est à faire dans ce sens alors même que l’on apprenait dernièrement que 17 % d’entre eux pensent que leur président Barack Obama est musulman.







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