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Religions

La mosquée d’Épinay-sur-Seine dans la tourmente

La Grande Mosquée de Paris y étend son influence

Rédigé par | Lundi 1 Novembre 2010 à 14:39

           

Une centaine de personnes se sont réunies vendredi 29 octobre, à l'appel de l'Union des associations musulmanes d'Épinay-sur-Seine (UAME), pour dénoncer la convention donnant la gestion du lieu de culte de la ville à la Grande Mosquée de Paris. Au centre du conflit : le président d'IMS, Hamid Boushaki, que l'UAME accuse d'avoir mal géré la mosquée et permis, avec le maire Hervé Chevreau, ce parachutage. Saphirnews, présent au rassemblement, a laissé les deux parties en conflit s'exprimer.



Une centaine de personnes se sont réunies vendredi 29 octobre, à l'appel de l'Union des associations musulmanes d'Epinay-sur-Seine (UAME), pour dénoncer la convention donnant la gestion du lieu de culte de la ville à la Grande Mosquée de Paris.
Une centaine de personnes se sont réunies vendredi 29 octobre, à l'appel de l'Union des associations musulmanes d'Epinay-sur-Seine (UAME), pour dénoncer la convention donnant la gestion du lieu de culte de la ville à la Grande Mosquée de Paris.

« Non à l’ingérence de la Mosquée de Paris. Non à l’atteinte de la liberté de culte ! » « Musulmans d’Épinay sous-citoyens ? Priez et taisez-vous ! On décide pour vous. » Signes de leur mécontentement, ces deux banderoles, tenues par des fidèles de la mosquée rue de l’Avenir, à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), ont été déployées, vendredi 29 octobre, devant la mairie.

Une centaine de personnes s'y sont retrouvées, dans le calme, après la prière du vendredi à l’appel de l’Union des associations musulmanes d’Épinay (UAME), créée trois mois auparavant et qui regroupe trois (bientôt quatre) associations musulmanes spinaciennes.

Ces dernières reprochent au président d’Intégration musulmane spinassienne (IMS) Hamid Boushaki d’avoir géré le centre islamique sans transparence depuis son acquisition, en avril 2009, puis d’avoir cédé la gestion du lieu de culte à la municipalité, qui l’a, à son tour, cédé à la Grande Mosquée de Paris, après signature d’une convention, le 20 octobre dernier, et ce, sans consultation préalable auprès des musulmans de la ville selon l’UAME.

Au grand dam de l'Union, le maire, absent pour le week-end de la Toussaint, n'apparaîtra pas au rassemblement.

Retour aux faits

Jusqu’en avril 2009, l’association IMS et son président étaient pourtant loués pour son travail de longue date sur le terrain ; et ses détracteurs d’aujourd’hui le reconnaissent volontiers.

Mais, depuis que l'IMS s’est vue accorder par la mairie l’exclusivité de la gestion des locaux, rien ne va plus. Pourtant, l'acquisition de la mosquée s’est faite au prix de gros efforts de la communauté musulmane locale. Financé à hauteur de 2 millions d’euros*, le centre islamique de 700 m² – anciennement un hangar – peut accueillir jusqu’à 1 400 fidèles, remplaçant deux anciens et exigus lieux de culte dans la ville.

Fierté des musulmans spinaciens, la mosquée est aujourd’hui devenue un objet de dispute. Présent à la manifestation, Nabil Abdellaoui, président de l’UAME, explique à Saphirnews avoir eu des « surprises » quant à la gestion financière et organisationnelle du centre, qu’il a qualifiée de « catastrophique et malhonnête » de la part d’IMS, qui aurait conduit la démission de plusieurs membres de l'association.

« C’est un classique dans les associations de toujours attaquer le président sur la question de l’argent, mais peuvent-ils produire la moindre preuve ? S’ils en ont, qu’ils les remettent au commissariat, on ira devant le tribunal. S’il s’avère que c’est vrai, je serai condamné ; si c’est faux, j’attaquerai pour diffamation mais pourquoi faire vivre l’enfer aux fidèles ? C’est eux qui accusent, c’est à eux d’apporter des preuves », répond M. Boushaki, contacté par Saphirnews.

L’imam au cœur des tensions

Le mois du Ramadan est loin d’avoir calmé les esprits, certains fidèles s’interrogeant sur la finalité des dons collectés par IMS. En septembre, tout s’accélère. Au cœur des tensions : l’imam Mustapha, qui dirige uniquement les prières du vendredi depuis 13 ans et aujourd’hui présent aux côtés de l’UAME. D’un côté, M. Abdellaoui soutient que le président d’IMS a souhaité l’éviction de l’imam, qui aurait demandé plus de transparence d’IMS. De l’autre, M. Boushaki dément formellement.

« Après une année passée dans le nouveau local, on s’est dit qu’il fallait recruter un nouvel imam et celui avec lequel nous avons de sérieux problèmes nous a toujours dit que le jour où l’on recruterait, cela ne lui posera aucun problème. Personne ne lui a demandé de partir, nous devions avoir un imam à plein temps qui dirigera les prières mais donnera aussi des cours d’un islam accepté par tout le monde (l’imam serait salafi, ndlr). Pour cela, on s’est rapproché de l’IESH (Institut européen des sciences humaines de Paris, ndlr). L’imam s’est senti menacé dans le rôle qu’il avait à jouer pendant les vendredis », nous explique-t-il. Le nouvel imam recruté, Mustapha se serait tout de même vu proposer – lettre à l'appui, signale M. Boushaki – de diriger une prière de vendredi sur deux, « par respect à son ancienneté parmi nous et par respect au droit du nouveau ».

« Il a refusé catégoriquement. Il n’a plus jamais voulu nous rencontrer et les membres du bureau sont là pour témoigner. De là, il a commencé à diriger ses prêches du vendredi contre l’association, contre ma personne à partir du minbar. Il a fait deux prêches contre le chiisme (...) puis la rumeur s’est répandue dans le quartier comme quoi j’étais chiite. Ce sont des rumeurs pour me discréditer aux yeux des fidèles », lâche le président d’IMS.

La mairie, seule à rendre des comptes pour IMS

Qu’il soit salafi ou pas, « je ne juge rien. Tout s’est toujours très bien passé avec lui, c’est un homme que je respecte et je ne cracherai jamais sur les 13 ans qu’on a passés ensemble », tient à souligner M. Boushaki.

Toujours est-il que la situation à la mosquée s’était tellement dégradée qu’il finit par jeter l’éponge. Pour « ramener le calme », il décide, fin septembre, de s’occuper exclusivement de la partie culturelle et non cultuelle du centre.

Les lieux appartenant à la mairie, celle-ci a demandé à la Grande Mosquée de Paris de reprendre la gestion du lieu de culte. Bien que non au courant de l'affaire au préalable, celle-ci ne rechigne pas à reprendre ce lieu de 700 m². Les délégués qui élisent les Conseils régionaux du culte musulman (CRCM) sont calculés en fonction de la surface des lieux du culte. Un 700 m² permettrait à la Grande Mosquée de Paris d’obtenir huit délégués supplémentaires…

D’un commun accord entre Hervé Chevreau (centre-droit) et Dalil Boubakeur, une convention est signée en octobre. Ce qui met la toute nouvelle UAME en colère, née dans l’objectif de privilégier auprès des autorités municipales les interlocuteurs représentatifs de la diversité des musulmans spinaciens.

« Les locaux appartiennent à la mairie, mais le maire n’a pas à décider quelle institution doit venir diriger les musulmans d’Épinay. On n’a rien contre la Mosquée de Paris mais elle doit comprendre que le centre doit être géré localement », affirme M. Abdellaoui, qui estime que M. Boushaki est pour quelque chose dans cette situation et que la passation de gestion du centre à la Mosquée de Paris n’est rien de plus qu’une manœuvre pour écarter l’imam.

Pour le moment, la Grande Mosquée de Paris a suspendu sa participation, Mustapha est resté. Mais pour combien de temps ?

Un second lieu de culte à Épinay ?

« Je ne suis pas là pour juger de la décision du maire ni du repreneur. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’on continue à nous attaquer alors que nous nous sommes désengagés en pensant que cela allait apaiser les choses », affirme M. Boushaki.

« Le maire a fait une erreur en parachutant d’autres gestionnaires que les associations d’Épinay. Cela a heurté les musulmans de la ville », déclare à Saphirnews M’hammed Henniche, secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM93), qui soutient l'UAME dans sa démarche. Outre le départ de la Grande Mosquée de Paris, « la mairie devrait accorder un second lieu de culte dans la ville pour résoudre en partie le problème », affirme M. Henniche.

Bien difficile. La solution n’engendrerait que plus de divisions au sein de la communauté musulmane locale, bien éprouvée par les déboires de la mosquée d’Épinay. Cette affaire, que certains comparent à celle de Drancy, n’est pas près d’être classée.

* Le financement du centre a été totalement pris en charge par le maire, sans aucune participation des musulmans de sa ville, a tenu à préciser M. Boushaki après parution de l'article



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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