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Société

La construction de mosquées au coeur de la bataille municipale parisienne

Rédigé par Assmaâ Rakho Mom | Mardi 8 Janvier 2008 à 17:19

           

"Vous ne rêvez pas !" indiquait le 4 janvier aux internautes fréquentant son site de campagne, la candidate UMP à la mairie de Paris, Françoise de Panafieu. Accompagnant ses mots, une photo aérienne était prise rue Myrrha, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, en pleine prière du vendredi. Un cliché où l'on peut voir le lieu de culte musulman se trouvant dans cette rue, mais aussi et surtout la flopée de fidèles musulmans qui, ne pouvant prier à l'intérieur de la mosquée faute de places, prie sur la chaussée, sur la rue et jusqu'au passage piéton.



Prière du vendredi rue Myrrha (Paris XVIIIème)
Prière du vendredi rue Myrrha (Paris XVIIIème)

'Situation indigne'

"Alors je pose la question ; cette image est-elle digne de Paris ? Chacun le sait, ces fidèles n’ont pas choisi d’être là ; ils y sont parce qu’ils n’ont pas de lieu de culte. Une situation à la fois indigne pour eux et à la fois contraire au droit, puisque la voie publique est un espace laïc qui doit rester libre pour une vie de quartier normale", soulignait vendredi 4 janvier 2008 Mme de Panafieu sur sont site de campagne, cette dernière estimant "qu’une grande ville comme Paris doit permettre à chacun de pratiquer son culte dans la dignité, dans le strict respect des règles et des lois de notre pays".

Invitée de la chaîne France 2 le même jour, Françoise de Panafieu déclare constater "qu'à Paris, une communauté, en tous les cas la communauté musulmane, n'a pas la possibilité d'exercer son culte de manière décente et cela donne des images comme celles que l'on voit tous les vendredis à la Goutte d'Or", précisant par la même que "bien sûr", la construction d'une nouvelle mosquée à Paris est nécessaire. Les propos de la candidate seront immédiatement nuancés par son porte-parole Pierre-Yves Bournazel, qui soulignera le fait que Mme de Panafieu n'a pas vraiment de projet concret.

Alors pourquoi la candidate UMP a-t-elle choisi de lancer ce thème de campagne ? Simple "ballon-sonde", comme le dira Hamou Bouakkaz, chargé de l'inclusion des personnes handicapées et conseiller spécial pour les questions liées à l'islam au cabinet du maire de Paris Bertrand Delanoë, ou réelle volonté de la part de Mme de Panafieu de faire en sorte que les cultes, et en particulier le culte musulman, soient pratiqués de manière décente à Paris ?

Hamou Bouakkaz, chargé de l'inclusion des personnes handicapées et conseiller spécial pour les questions liées à l'islam auprès du maire de Paris Bertrand Delanoë
Hamou Bouakkaz, chargé de l'inclusion des personnes handicapées et conseiller spécial pour les questions liées à l'islam auprès du maire de Paris Bertrand Delanoë

'Attristé et agacé'

Interrogé par Saphirnews, Hamou Bouakkaz s'est dit "attristé et ensuite agacé". "Attristé qu'une personne qui brigue de telles responsabilités parle aussi légèrement et de manière aussi démagogique d'un sujet qui est grave et qui touche à la spiritualité des gens et à leur intégrité", a-t-il ajouté.

"Ensuite ça m'a agacé parce que je considère que Mme de Panafieu, soit ne connaît pas la loi, soit est amnésique, soit rase gratis même les barbus, mais en tout cas elle n'est pas du tout au fait ni de ce que nous avons commencé depuis 2001, ni de ce qui avait été oublié d'être fait avant 2001. Et ça c'est agaçant. Donc je considère que quand on n'a rien à dire, on essaye de faire peur et de drainer des clivages nauséabonds. Son patron [Nicolas Sarkozy, ndlr] avait parlé des 'moutons dans la baignoire', maintenant elle se convertit à la construction de lieux de culte", a encore déclaré l'adjoint au maire de Paris.

"Nous à la mairie de Paris, on ne pense pas, on agit, a martelé M. Bouakkaz. On parle aux musulmans, aux non-musulmans, et on construit avec eux une offre digne qui corresponde aux souhaits des fidèles. En 2012, on verra ce qu'est l'offre de la mairie de Paris, c'est-à-dire deux beaux lieux de culte qui s'insèreront en harmonie avec des lieux culturels et universitaires qui seront la fierté du XVIIIème arrondissement et s'inclueront dans le plan de rénovation du quartier Château Rouge".

Interrogé sur le fait de savoir si ce sujet des mosquées à Paris devenait un enjeu électoral dans la campagne municipale parisienne, Hamou Bouakkaz a déclaré que pour lui "dans le XVIIIème, c'est une façon de s'adjoindre un électorat qui aurait oublié les 'moutons dans la baignoire', qui aurait oublié les expulsions d'Hortefeux."

"D'ailleurs le recteur de la mosquée de Paris [Dalil Boubakeur] a dit que c'était 'électoraliste', a encore souligné M. Bouakkaz. C'est un ballon-sonde. [...] Mme de Panafieu se dit qu'il faudrait peut-être qu'elle commence à parler à cette population qu'elle vient de découvrir le 4 janvier. Il est clair que sur ce plan-là, elle a 24 ans de majorité et 7 ans d'opposition à rattraper, et ça fait beaucoup !" a conclu l'adjoint au maire de Paris.

'Hypocrisie'

Les réactions venant de représentants d'autres partis politiques ne se sont quant à elles pas faites attendre. Et si à l'extrême droite, Martial Bild, le candidat du Front national (FN) à la mairie de Paris "condamne" les propos tenus par Mme de Panafieu, estimant que ceux-ci "relèvent du communautarisme électoral, contraire aux règles de la République et témoignent d'une méconnaissance inquiétante du nombre de lieux de culte musulmans dans la capitale", à la gauche de la gauche, le porte-parole du Parti communiste français (PCF) pour les municipales parisiennes, Ian Brossat, a pour sa part estimé que les déclarations de la candidate UMP "sont marquées du sceau de l'hypocrisie", affirmant que "lorsqu'elle était aux manettes de l'Hôtel de Ville, la droite s'est opposée bec et ongles à l'installation de lieux de culte voués aux musulmans".

Marge de manoeuvre réduite

Soulignant l'"inaction" de la droite avant 2001, Anne Hidalgo, la porte-parole de Bertrand Delanoë pour les municipales, a par ailleurs rappelé que "le cadre légal fixé par la loi de 1905 interdit aux collectivités territoriales de financer directement la construction de lieux de culte".

Précisons que la loi de 1905 réduit considérablement la marge de manoeuvre des autorités locales, qui ne peuvent aider par le biais de fonds public au financement des lieux de culte. La plupart du temps, ce sont les baux emphytéotiques (sur une longue durée et à un prix dérisoire) qui sont privilégiés, même si parfois, comme à Marseille, les oppositions municipales y voient un financement public détourné et bloquent à coup de procès les projets de mosquées. Autre paramètre à prendre en compte, les terrains disponibles. A Paris, ils ne sont pas légions. Et le prix de l'immobilier atteignant des sommets, un troisième paramètre entre en jeu, capital celui-là : l'argent. Le fait étant que les musulmans Français, sollicités financièrement, font le plus souvent partie des classes moyennes voire pauvres, les travaux de construction ou de réaménagement avancent lentement.

On compte à Paris une trentaine de lieux de culte musulmans, majoritairement situés dans les Xème, XIème, XVIIIème et XIXème arrondissements.





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