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Monde

L’intégration réussie des Américains musulmans

Faire la hijra en Amérique ?

Rédigé par | Jeudi 4 Février 2010 à 00:40

           

Intégrés et pleinement engagés dans la société américaine, c’est l’image qui ressort des Américains musulmans qui ont fait l’objet, voilà quelques mois, d’une brochure officielle du Département d’État américain. À travers ce livret, récemment traduit en français, les États-Unis réfutent explicitement l’idée selon laquelle le pays discrimine ses citoyens musulmans. Cependant, 53 % des Américains restent méfiants à l’égard de l’islam, selon la dernière étude de l'institut Gallup.



L’intégration réussie des Américains musulmans
« Un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier », avait plaidé Barack Obama lors de son discours du Caire en juin dernier. Ce travail est pris très à cœur par la nouvelle administration américaine, soucieuse de rétablir le prestige des États-Unis sur la scène internationale.

Et cela commence concrètement par la production d’une brochure officielle sur les Américains musulmans. Intitulé « Être musulman aux États-Unis », le livret a été produit par le Département d’État puis distribué à toutes les ambassades et consulats américains du monde entier, y compris dans les pays musulmans.

La France, qui renferme la communauté musulmane la plus importante d’Europe avec ses 5 à 6 millions de fidèles, n’a pas été oubliée. La publication a été traduite pour l’occasion en français. À la lecture de celle-ci, l’opération de communication est réussie. L’envie d’émigrer sur le Nouveau Continent est quasi immédiat…

L’intégration réussie des Américains musulmans

Des musulmans mieux intégrés qu’en Europe

La présence musulmane aux États-Unis est estimée à 7 millions de personnes, soit environ 2 % de la population. Sa spécificité : elle présente une extraordinaire diversité. Alors qu’en Allemagne et en France, l’essentiel de la communauté musulmane est respectivement formé de Turcs et de Maghrébins, 34 % des musulmans résidant aux États-Unis sont d’origine pakistanaise ou d’Asie du Sud ; 26 % sont originaires du Moyen-Orient et 25 % sont nés en Amérique et sont essentiellement des Afro-Américains. Un nombre restreint mais croissant comprend des Blancs et des Hispaniques convertis à l’islam.

D’après les études du Pew Research Center, les Américains de confession musulmane sont plus instruits et plus prospères que la moyenne de la population, indique la brochure. Ce qui explique qu’ils sont mieux intégrés que ceux d’Europe dans nombre de domaines de la vie sociale, culturelle et économique du pays, à l’image de Nawal Nour, gynécologue-obstétricienne ayant fondé l’African Women Health à Boston ; d'Elias Zerhouini, d’origine algérienne, directeur des National Institutes of Health de 2002 à 2008 ; de Farid Zakaria, un des rédacteurs en chef de l’hebdomadaire Newsweek ou encore Dikembe Mutombo, basketteur professionnel des Houston Rocket.

Une intégration politique en marche

Pourtant, leur identité religieuse est fortement affirmée. 72 % estiment que la religion a une place très importante dans leurs vies, indique le livret. La question du voile ne se pose pas à l’école.

L’interdiction des signes religieux ostentatoires telle qu’elle existe en France depuis 2004 n’est pas en vigueur aux États-Unis, que ce soit pour les professeurs ou pour les élèves. Pas besoin non plus de se prendre la tête pour le sport, les foulards sont aussi autorisés. Les musulmans font valoir leurs droits plus facilement qu’en Europe, grâce à l’existence de puissantes organisations musulmanes, à l’instar du CAIR (Council American-Islamic Relations) ou du MPAC (Muslim Public Affairs Council).

Une nouvelle génération de personnalités politiques musulmanes émergent de plus en plus. Symbole de cette émergence, Farah Pandith a été nommée par Hillary Clinton comme la représentante des communautés musulmanes, après en avoir été pendant deux ans la représentante américaine en Europe. Dalia Mogahed, directrice du centre Gallup d’études islamiques, a aussi été nommée par Obama en tant que membre du Comité sur la foi de la Maison Blanche.

Après Keith Ellison, premier membre noir du Congrès de confession musulmane depuis 2006, c’est au tour d’André Carson, député de l’Indiana, d’y faire son entrée en 2008, prêtant serment sur le Coran plutôt que sur la Bible. Les diners offerts à la Maison Blanche lors de la rupture du jeûne du Ramadan sont devenus des rendez-vous réguliers depuis l’administration Clinton. Autant de manifestions d'un « American dream » version muslim qui font rêver.

Des préjugés qui persistent

Cette image extrêmement positive des Américains musulmans ne signifie pas que les discriminations n’existent pas. Neuf ans après les attentats du 11-Septembre, le sentiment de méfiance à l’égard des citoyens musulmans reste vivace dans le pays de l’Oncle Sam, ravivé dernièrement par l’attentat manqué sur le vol Amsterdam – Détroit le 25 décembre dernier.

Selon la dernière enquête du centre de sondage Gallup, 53 % des Américains sont méfiants à l’égard de l’islam. Parmi les personnes interrogées, 63 % d’entre eux admettent qu’ils ont peu, voire pas du tout, de connaissance concernant cette religion et 43 % avouent ressentir des préjugés à l’encontre des musulmans (contre 18 % envers les chrétiens et 15 % pour les juifs).

Une leçon d’intégration

« Mais 2008 n’est pas 2002, lorsque les peurs étaient à leur paroxysme. En outre, le contexte est capital : aux États-Unis, toute communauté d’immigrants importante doit affronter et surmonter un certain degré de discrimination et de ressentiment », note la publication du Département d'État.

En dressant des portraits d’Américains musulmans dans plusieurs aspects de leurs vies, les officiels américains ont su mettre en valeur − photos, statistiques et chronologie historique à l’appui − la communauté musulmane, qu’elle perçoit comme un fort potentiel économique et politique. « Nous sommes fiers de la contribution des Américains musulmans envers les États-Unis et la brochure est une façon pour nous de partager cette histoire », déclare Lora Berg, attachée culturelle de l’ambassade américaine, à Saphirnews.

Fait impensable en France, frileuse quant à la question de l’intégration des musulmans à l’heure où le débat sur la burqa et l’identité nationale bat son plein de polémiques. La France peut en apprendre beaucoup de l’exemple outre-Atlantique.



Télécharger ci-dessous la dernière enquête du Gallup (en anglais), qui a trait aux préjugés anti-religieux aux États-Unis. L’étude explore les attitudes des Américains envers quatre groupes (chrétiens, juifs, musulmans et bouddhistes), en se concentrant particulièrement sur l’islam et les musulmans.


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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