Connectez-vous S'inscrire

Religions

L'annonce de l'Aïd al-Adha, un monopole saoudien ?

Rédigé par | Mercredi 23 Septembre 2015 à 19:55

           

La date de l'Aïd al-Adha, en plein mois sacré du Hajj, peut-elle être fixée à une date autre que celle annoncée par l'Arabie Saoudite ? La Fédération musulmane de Gironde met le pied dans le plat.



L'annonce de l'Aïd al-Adha, un monopole saoudien ?
La Fédération musulmane de la Gironde (FMG) se pose en avant-gardiste du débat sur la détermination du calendrier islamique, quitte à déclencher des discussions houleuses parmi les musulmans de France. L’organisation présidée par Tareq Oubrou a solennellement annoncé à ses fidèles mi-septembre que l’Aïd al-Adha devrait être célébré mercredi 23 septembre sur la base du principe des calculs astronomiques que la FMG a définitivement adopté en 2014.

Considérant que le début du mois de Dhul-Hijjah 1436 a eu lieu le 14 septembre, l’Aïd al-Adha ne pouvait débuter à ses yeux que le 23 septembre, au 10e jour du mois sacré.

La première affiche annonçait la prière de l'Aïd pour le 23 septembre. Elle a depuis été modifiée.
La première affiche annonçait la prière de l'Aïd pour le 23 septembre. Elle a depuis été modifiée.

Une annonce cohérente mais perturbante

Or, le mois de Dhul-Hijjah est aussi celui du grand pèlerinage, organisé tous les ans par l’Arabie Saoudite. Les autorités ont décidé le 13 septembre, sur la base d'observations lunaires locales, que le rassemblement d’Arafat et l’Aïd al-Adha devaient avoir lieu respectivement mercredi 23 et jeudi 24 septembre. La FMG, convaincue du bien-fondé de la méthode astronomique, n’a pas attendu le royaume saoudien pour prendre une décision, notamment pour ce qui concerne la fixation de la prière de l’Aïd pour laquelle une salle a été louée pour l’occasion comme en témoigne l’affiche ici présente (depuis modifiée).

Une question taraude bien des esprits : est-il possible de ne pas suivre l’Arabie Saoudite, elle qui fixe les dates des rituels du Hajj ? Pour la FMG, oui car ce n’est pas le lieu mais le temps qui détermine les dates des fêtes musulmanes. Sur les réseaux sociaux, elle explique que la fixation de Dhul-Hijjah « n’est pas liée aux rites du pèlerinage », qui ne concernent que les pèlerins. Quelques pays du monde musulman ont fait le choix de ne pas suivre de facto le calendrier du Hajj. Si la date annoncée par le Maroc coïncide cette année avec la décision saoudienne, ce n’est pas le cas du Pakistan et du Bangladesh qui célèbrent l’Aïd vendredi 25 septembre.

Un choix canonique difficile à imposer

« Cependant, s’il y a erreur dans l’estimation du temps du woukouf (station, ndlr) à Arafat comme c’est le cas cette année, le rite du woukouf est accepté selon un hadith du Prophète », va jusqu’à ajouter la FMG, sans préciser davantage les sources. La FMG n'était pas joignable dans l'immédiat pour des explications.

Toutefois, dans un communiqué paru le 18 septembre, elle a annoncé à ses fidèles que la prière de l’Aïd est finalement décalée au jeudi 24 septembre à 9h au Parc des expositions de Bordeaux. « Avec son intime conviction que la date de l’Aïd est le 23 septembre 2015 selon le mode de calcul astronomique, la célébration de l’office se fera le jeudi dans le souci de cohésion et d’unité des musulmans », fait-elle savoir.

« On n'en est pas là de toute façon »

Pour Ahmed Jaballah, ex-président de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la question est délicate. Dans l’absolu, le directeur de l’Institut européen des sciences humaines est d’accord sur le principe qui fonde la FMG et le résultat qui en découle, évoquant notamment des raisons d’organisation tant dans la demande de congés pour les salariés que pour la location de grandes salles pour la prière. « Dix jours avant, le délai reste court », dit-il. Il est toujours plus long que celui laissé aux musulmans à l’annonce du Ramadan et de l’Aïd al-Fitr. Peu importe, c'est le respect d'un principe adopté qui compte pour lui.

« On n'en est pas là de toute façon », lance-t-il. D’ailleurs, l’UOIF n’a jamais cherché à se distinguer, souhaitant une bonne fête aux musulmans au 24 septembre. Parce que le principe des calculs astronomiques, bien que mieux compris, a encore du mal à être adopté de tous les musulmans de France lors du Ramadan, un débat sur la détermination de l’Aïd al-Adha ne saurait être que mal perçu à ce stade. « Le rôle des organisations musulmanes n’est-il pas d’expliquer, d’enseigner une vision de l’islam adaptée à son contexte ou de suivre la tendance ? Malheureusement, des institutions sont dans cette optique en disant que les musulmans ne sont pas prêts. Sans pédagogie, ils ne seront jamais prêts », conclut Ahmed Jaballah. La FMG, à son niveau, fait valoir ses choix, espérant être compris du plus grand nombre de fidèles possible... Avis aux musulmans.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !