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Points de vue

Kamel Kabtane : Unis et fraternels, soyons des bâtisseurs d’espoir face à la violence

#1AnAprès

Rédigé par Kamel Kabtane | Lundi 11 Janvier 2016 à 20:15

           

Un an après les premiers attentats qui ont bouleversé la société française, que faut-il retenir de ces funestes événements et de leurs conséquences ? Quels messages promouvoir et que préconiser pour construire une société meilleure ? Le point sur Saphirnews avec Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon.



Kamel Kabtane est recteur de la Grande Mosquée de Lyon.
Kamel Kabtane est recteur de la Grande Mosquée de Lyon.
2015 a été l’année de tous les bouleversements possibles et imaginables. Pour la première fois, des Français allaient mourir par le seul fait qu’ils étaient journalistes, policiers, juifs ou simples amateurs de bonne chère, de sport ou de musique. Pour la première fois, des enfants nés en France, instruits dans les écoles de la République, passés dans des institutions françaises, que ce soit la DASS ou les prisons, allaient commettre l’irréparable en assassinant de sang-froid d’autres Français.

En agissant ainsi, ils pensaient « venger » le Prophète de l’islam Muhammad ‒ que le salut soit sur lui. L’hebdomadaire visé par cette ignoble « vengeance » avait certes auparavant choqué par ses écrits et ses caricatures, ce qui avait pu offenser certains musulmans… Or quiconque connaît la religion musulmane sait que le Prophète fut de son temps insulté, frappé et qu’il dut, pour avoir la vie sauve, se réfugier à Médine. Mais, en aucun cas, le Messager de l’islam n’usa de représailles vis-à-vis de ceux qui le chassèrent de La Mecque. Il interdit mêmes à ses compagnons d’user de la vengeance comme réponse à ce qu’ils avaient enduré.

En commettant des attentats, les terroristes pensaient peut-être régler leurs comptes avec cette société qui les avait abandonnés, ils sont devenus des entrepreneurs de la mort, désirant être des acteurs d’une tragédie qui allait marquer la France et faire des musulmans des suspects potentiels, qui allaient, quant à eux, devoir répondre de ce qu’ils n’avaient pas commis.

Rappeler toujours et encore que l’islam est une religion de paix

Il nous a fallu nous excuser, il a fallu nous expliquer : rappeler et rappeler encore que l’islam est une religion de paix, une religion qui prêche l’amour et la fraternité entre les hommes. Le 11 janvier, nous avons marché aux côtés de nos concitoyens, ce fut des moments fraternels que nous avons vécus aux côtés de nos compatriotes.

Nous pensions alors que la situation que nous avions vécue ce mois de janvier allait changer les choses et que nous allions vivre en paix dans ce pays. Malheureusement, le 13 novembre, il nous a fallu repartir de nouveau.

Aujourd’hui, la communauté musulmane de France tente, elle aussi, de comprendre ce qui s’est passé ces 7, 8 et 9 janvier et le 13 novembre 2015. Mais aucune réponse à leur questionnement si ce n’est que leur religion, l’islam, religion de paix et de tolérance, venait d’être associée à la violence.

Mobiliser la jeunesse, résister aux discours simplistes

Il va nous falloir susciter le rassemblement de tous les Français, quelles que soient leurs origines, leurs religions, leurs convictions, pour que nous puissions vivre ensemble dans une France retrouvée.

Il va nous falloir nous remettre à l’ouvrage pour combattre ce fléau qui gangrène notre société. Puissions-nous aujourd’hui être des bâtisseurs d’espoir et d’amour face à la violence et à la haine dans lesquelles certains voudraient nous enfermer.

Il s’agit dès lors de mobiliser notre jeunesse qui est en perte de repères et en perte d’espoir. Aux jeunes nous devons rappeler en permanence que la France est notre communauté de destin et qu’il va leur falloir résister à ces discours simples et simplistes qui apportent le désespoir et qui nourrissent la haine. Il va leur falloir réinvestir le savoir et la connaissance qui avait permis à nos aïeux d’apporter à l’Occident ce qu’il sait aujourd’hui.

Il va leur falloir se montrer dignes de ceux qui les ont précédés, ceux qui ont versé leur sang pour défendre ce pays dans les moments les plus sombres de notre Histoire, et de ceux qui ont versés leur sueur pour le reconstruire.

Sortir de l’enfermement

Lors du rassemblement citoyen des musulmans de France, organisé à l’Institut du monde arabe, je déclarais : « Qu’allions-nous faire au lendemain de ce beau message que venait nous apporter ces centaines de personnes venues de la France entière, qu’allons-nous faire demain après cette rencontre ? »

Ce que voulait l’ensemble des personnes venues à ce rassemblement, c’est construire un monde meilleur qui leur permette de sortir de cette situation d’enfermement dans laquelle, nous tous, nous nous sommes trouvés après ces attentats qui ont marqué l’année 2015.

Aujourd’hui, nous n’avons rien vu de cela et continuons à porter seuls le poids de la stigmatisation, le poids de l’islamophobie qui s’amplifie de jour en jour. On l’a vu encore récemment en Corse. Faut-il rester seulement dans la communication, le symbolique, voire le folklorique ? Ou bien faut-il agir pour redonner à notre communauté l’espérance de croire, malgré tout ce que nous avions vécu en cette année 2015, que rien n’est perdu ?

Notre avenir est ici, dans ce pays

C’est pourquoi, avant de parler de construire une société meilleure, commençons par reconstruire une représentation des musulmans de France qui soit unie et qui rassemble l’ensemble de notre communauté et qui soit meilleure de celle que nous avons. Une représentation qui inclut et non qui exclut, une représentation bâtie avec l’ensemble de ses membres, une représentation fraternelle qui rejette nos différences régionalistes.

Pour cela, commençons par lui donner un visage plus fraternel.

Commençons par faire que tous les musulmans qui ont le souci de construire un islam fraternel, un islam de paix, soient associés à sa construction.

Commençons par associer nos jeunes, nos femmes, nos intellectuels, nos frères et sœurs nouvellement convertis à l’islam.

Commençons à donner à nos imams le statut qui convient à leur fonction, à mettre en place (ici et nulle part ailleurs) leurs formations.

Commençons à construire notre avenir ici dans ce pays.

Commençons par organiser le dialogue intramusulman.

Commençons par nous respecter, par nous écouter mais surtout faire ensemble.

C’est ainsi que les musulmans de France pourrons construire leur avenir dans une société meilleure




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