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Points de vue

Égypte : médias et gouvernements encouragent le terrorisme d’État et le génocide

Par Alain Gabon*

Rédigé par Alain Gabon | Mardi 27 Août 2013 à 06:05

           


Le régime militaire en place en Égypte a désormais révélé sa nature non seulement illégale mais véritablement despotique, totalitaire, et meurtrière.

Rappelons que le dernier massacre d’État du général al-Sissi a fait, selon les dernières estimations indépendantes, environ 1 000 victimes, hommes, femmes et enfants, sans compter les blessés encore plus nombreux et les milliers d’arrestations d’opposants. Et ce en à peine trois jours.

Contrairement à la désinformation généralisée, tous ne sont d’ailleurs pas des membres des Frères musulmans (ce qui en soi n’est nullement un crime passible de mort, comme on voudrait également nous le faire croire), mais ce sont des Égyptiens se battant essentiellement pour la légalité et refusant que leur vote majoritaire de l’an dernier soit purement et simplement annulé par des chars et des canons. Chose que chacun de nous refuserions.

Une situation ubuesque

Quelle est donc la situation actuelle ? Le monde à l’envers.

Le Président légitimement élu est non seulement en prison, mais de fait kidnappé et, à ce jour, prisonnier politique dans un endroit secret, alors que les individus paradant au sommet de l’État sont, eux, non élus, militaires putschistes fascisants et leurs marionnettes civiles pour la façade médiatique.

Ce régime, né dans la violence et qui, on le voit, se maintient au pouvoir par la répression et la tuerie, est soutenu par les anciens du régime Moubarak et les grands perdants des élections, tandis que ceux qui les ont remportées pacifiquement sont sauvagement réprimés.

Dans cette affaire, les pseudo-libéraux à la Tamarrod ont bel et bien révélé leur vraie nature fasciste, en criant comme une meute de loups pour un coup d’État contre un gouvernement élu il y a à peine un an, puis en applaudissant à chaque massacre d’opposants et, souvent, en en redemandant encore plus.

Ceux qui avaient joué le jeu démocratique et électoral – comme l’Occident le leur demandait – se retrouvent donc sauvagement persécutés et assassinés par centaines dans les rues par la police et l’armée, auxquels se joignent des civils armés, rappelant les pires heures de la guerre d’Algérie quand l’armée française armait les Européens pour qu’ils tuent, eux aussi, du « bougnoul ».

Et tandis que le Président élu est en prison, l’ex-dictateur Moubarak vient, lui, d’être remis en semi-liberté par ses alliés du système « judiciaire », sans aucun doute eux aussi aux ordres de al-Sissi, lui-même sous la coupe de l’Arabie Saoudite, son bailleur de fonds. On est bien dans le monde à l’envers !

Intox généralisée

Et pourtant, la propagande et l’intoxication des anti-Morsi règnent. À de rares exceptions près, elle est reprise en cœur par nos propres médias et leurs « experts », des usurpateurs dignes de figurer dans l’ouvrage de Pascal Boniface.

À examiner le casting, peu ou prou toujours le même, on voit qu’il s’agit essentiellement de partisans anti-Frères musulmans avoués qui squattent les plateaux télévisés et colonnes des journaux pour réciter, tels des perroquets et des singes savants, les mots d’ordre et « éléments de langage » qui sont mot pour mot ceux des partisans anti-Morsi et du général al-Sissi en personne.

Ces faux intellectuels sans intégrité voudraient nous faire croire qu’il s’agit d’une « seconde étape » de la révolution, ou que l’on « revient à la case départ pour mieux recommencer » après une « erreur initiale ».

En réalité, non seulement le processus de transition démocratique est effectivement avorté durablement, mais l’Égypte vient d’accomplir une dramatique régression qui l’a ramenée à l’ère Moubarak, mais en pire. Car pour beaucoup, l’idée démocratique en laquelle ils crurent est maintenant, elle aussi, morte.

En 6 semaines, le nouveau despote, un clone du Dictateur de la comédie satirique de Sasha Baron Cohen, avec son mélange grotesque de culte de la personnalité à la Kim Jong-il et de brutalité à la Bachar al-Assad, a suspendu les libertés civiles, banni les médias d’opposition, instauré la loi martiale avec couvre-feu pour « au moins un mois », et lancé dans le pays une vague de persécutions et de violence d’État qui, à certains égards, dépasse celle de l’ère Moubarak.

Il faut dire sans mâcher les mots ce que personne dans nos médias et nos politiques n’a le courage de dire: que le régime égyptien actuel est un régime non seulement illégal, mais qu’il s’agit d’un régime véritablement terroriste, si les mots ont encore un sens.

Et ce n’est pas un hasard si le plus grand fan de ce coup d’État est le Président syrien Bachar al-Assad en personne, dont les derniers 1 300 morts ne sont d’ailleurs numériquement pas si éloignés des 1 000 victimes de son émule égyptien.

Un régime terroriste, donc, mais en plus, les trois tueries de al-Sissi constituent bel et bien des actes de génocide selon la définition de Nuremberg, puisqu’elles étaient délibérées (rappelons qu’il a refusé toutes les offres de médiations et de solutions qui lui étaient offertes tant par John Kerry que par l’Union européenne pour éviter ce genre de massacres) et qu’elles visaient collectivement ses opposants politiques, dans les trois cas la quasi-totalité des victimes.

Des faux intellectuels partisans, alliés objectifs du terrorisme militaire

Pendant ce temps, en France, après avoir justifié coup d’État, instauration d’une dictature et actes de génocide par des amalgames, accusations gratuites et mensonges éhontés, on crache maintenant à longueur de débats télévisés sur les corps morts des victimes en insinuant qu’ils l’avaient après tout bien cherché et n’ont eu que ce qu’ils méritent.

Dans cette sordide rhétorique révisionniste qui triomphe aujourd’hui, les victimes égyptiennes, quasi tous des gens sans défense sauf quelques dérisoires bâtons et armes à feux, deviennent coupables de leur propre mort, tandis que les bourreaux ne font que « défendre le pays contre le chaos ».

Des gouvernements lâches ou complices

Face à ces horreurs répétées, nos gouvernements ne savent encore une fois que faire preuve de lâcheté dans le meilleur des cas, de complicité passive ou active.

Complicité active dans le pire des cas, celui des États-Unis, où le président Barack Obama, constitutionaliste de formation – et cela fait aujourd’hui sourire –, tente ouvertement dans l’hypocrisie de son cynique double langage orwellien, de maintenir l’aide américaine à un régime né dans la violence d’un coup d’État militaire.

Obama entend ainsi piétiner la Constitution américaine et les lois mêmes qu’il jura de respecter lors de sa prise de serment présidentiel et qui le contraignent sans ambiguïté à cesser toute aide à un régime ayant déposé par la force un gouvernement élu.

Complicité passive dans le cas de l’Europe, qui, même en paroles, n’ose pas appeler un chat un chat, un despote un despote et un terroriste un terroriste. Mots que certains commentateurs parmi les plus hypocrites et cyniques entendent même dans ce renversement du monde réserver aux victimes mortes, diabolisées collectivement comme de « dangereux islamistes », voire des « terroristes ».

On attend d’eux les preuves que ne serait-ce qu’une seule des victimes de al-Sissi avait fait le moindre mal à quiconque.

* Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférence. Il est l’auteur de nombreuses présentations et articles sur la France contemporaine.






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