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Points de vue

Des échanges virtuels pour lutter contre l’islamophobie et l’anti-occidentalisme

Rédigé par Rafael Tyszblat | Lundi 23 Mars 2015 à 06:00

           


Des échanges virtuels pour lutter contre l’islamophobie et l’anti-occidentalisme
Le Caire – Des attentats du marathon de Boston à l’enlèvement des jeunes filles par Boko Haram, en passant par les exactions de l’organisation de l’Etat islamique (appelée également l’Etat islamique en Irak et au Levant - EIIL), de nombreuses atrocités commises au nom de l’islam alimentent en ce moment la une des journaux. Il n’est donc pas surprenant d’assister à une montée de l’islamophobie en Occident, notamment sur les réseaux sociaux, sur lesquels les jeunes Occidentaux et les jeunes des pays à majorité musulmane, finissent leurs conversations en se traitant réciproquement de fascistes.

Cependant, dans ce monde de plus en plus interconnecté, certains essaient d’agir différemment, pour montrer qu’il existe une autre alternative à la confrontation en ligne. Cette alternative, qui est fondée sur un dialogue direct et constructif entre différents groupes de jeunes, à propos de sujets brûlants, est essentielle si l’on veut permettre à la jeunesse de s’exprimer sur les problèmes qui la concernent sans qu’il y ait une confrontation systématique.

Se connecter pour s'entreconnaître

À ce propos, on peut notamment citer l’initiative de Soliya, organisation à but non-lucratif, qui utilise les échanges en ligne pour améliorer la compréhension interculturelle entre les jeunes des pays occidentaux et ceux des pays à majorité musulmane, dans le cadre d’un programme intitulé « Connect Program », qui encourage la tolérance et le respect entre les différentes communautés afin de lutter aussi bien contre le sentiment anti-occidental que l’islamophobie. Chaque semestre, 500 étudiants s’inscrivent à ce programme en ligne pour apprendre à se connaître les uns les autres.

Sophie, une participante française, était persuadée que les femmes qui portent le voile sont oppressées et intolérantes. Maryam, une Tunisienne, était heureuse de saisir l’opportunité qui lui était présentée pour parler à son interlocutrice française de son libre choix de porter le voile, malgré la désapprobation de sa famille, afin de respecter les valeurs de l’humilité. Elle a également dit à Sophie qu’elle respectait les traditions et les croyances des autres religions.

Après leur discussion, Sophie a reconnu avoir appris à connaître Maryam et qu’elle comprenait désormais mieux la religion de cette participante. Les deux jeunes femmes sont d’ailleurs toujours en contact ; elles discutent de divers sujets et continuent à en apprendre davantage sur leurs traditions et leurs religions respectives pour pouvoir contribuer à éviter les propos incendiaires sur les réseaux sociaux et pour que les nouvelles générations cessent d’associer l’islam au terrorisme.

Aya, une jeune égyptienne, inscrite également à Connect Program, est une musulmane pieuse, fière de son identité, qui ne mâchait pas ses mots pour critiquer ce qu’elle appelait « l’arrogance occidentale ». Jason, un participant américain, trouvait tout cela justement très frustrant. Dans son esprit, il n’y avait pas de quoi être fier de l’islam qui était, selon lui, une religion promouvant la violence contre les non musulmans. Cela a pris des semaines de dialogue encadré entre ces deux jeunes pour qu’ils découvrent pourquoi ils avaient l’un et l’autre une telle opinion de leurs valeurs respectives. Jason a expliqué que tout ce qu’il voyait sur les médias qui s’adressent au grand public c’était : des attentats, des actes commis contre les chrétiens du Moyen-Orient et des discours anti-occidentaux tenus par certains dirigeants musulmans.

S'ouvrir à l'Autre pour agir en faveur de la paix

Par la suite, dans une discussion sur la connaissance des médias – toujours au sein du programme – Aya et Jason ont tous deux compris à quel point les médias classiques ne montrent au public qu’une facette de la réalité. Oui, le terrorisme et l’intolérance existent bel et bien dans le monde musulman, comme partout ailleurs. Mais comment ce que disent les médias peut-il être représentatif d’une religion qui compte 1,5 milliards de fidèles ? Les idées préconçues de Jason se sont totalement ébranlées lorsqu’Aya a dit au groupe qu’elle faisait partie d’un mouvement qui luttait contre l’intimidation de la minorité copte en Egypte.

Alors, Jason s’est lui aussi mis à parler de son pays ; il a su intéresser Aya – qui était au départ très focalisée sur la politique extérieure américaine – à la longue histoire des pacifistes américains. Il a suffi à ces deux personnes d’explorer les origines de leurs perceptions et de raconter une histoire personnelle pour se rendre compte, qu’après tout, ils n’étaient pas si différents.

Les jeunes ont beaucoup à dire, mais peu de personnes les comprennent. Il est difficile de croire qu’on peut discuter de manière constructive et respectueuse sur des sujets tels que les conséquences de l’immigration dans les sociétés occidentales ou l’impact des propos islamophobes sur les musulmans. C’est pourquoi il est indispensable de proposer une alternative aux confrontations qui vont bon train sur les réseaux sociaux. Proposer aux jeunes des moyens non violents de s’adresser à ceux qui ne partagent pas leurs idées et promouvoir ces moyens, n’est pas simplement une façon de se donner bonne conscience. Il s’agit vraiment d’une nécessité, si nous voulons que les jeunes générations arrêtent d’amplifier les conflits et commencent à agir pour la paix.

Rafael Tyszblat est animateur ainsi qu’un des responsables principaux de la conception des programmes à Soliya. Article paru le 8 octobre 2014 au Common Ground News.

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