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Culture & Médias

Boko Haram n’a rien de halal... et d’islamiste !

Rédigé par | Mercredi 14 Mai 2014 à 10:01

           


© EU/ECHO/Isabel Coello/CC BY-NC-ND 2.0
© EU/ECHO/Isabel Coello/CC BY-NC-ND 2.0
Boko Haram fait les gros titres du moment avec l’enlèvement spectaculaire de quelque 200 jeunes filles. Esclavage, trafic, conversions sous la contrainte… les fins déclarées de ce kidnapping de masse, revendiqué par cette secte active au Nigéria, font froid dans le dos. De longue date, le groupuscule s’est rendu coupable d’atrocités, matérialisées par des attentats à répétition contre les civils, au nom d’un islam… qui n’existe pas. Haram de A à Z.

Des médias mainstream finissent – et heureusement – par dire et écrire noir sur blanc combien les actions de Boko Haram n’ont rien à voir avec l'islam. Il n’empêche : tous ont tôt fait de ranger le groupuscule dans le lourd classeur des groupes « islamistes » qui comprend tous azimuts Al-Qaïda, AQMI et… l'AKP en Turquie, le Parti justice et développement (PJD) au Maroc ou Ennahdha en Tunisie, ces derniers s’imprégnant du coup d’un sens péjoratif né d’un usage abusif du mot.

Un sac trop lourd à porter

Est-il juste de mettre dans le même sac, sans nuances aucune, l'AKP ou Ennahdha, des formations politiques reconnues qui acceptent le jeu démocratique, les Frères musulmans qui payent cher leur engagement pour une Egypte plus démocratique, et Boko Haram pour qui la vie et la dignité humaine n’ont aucune valeur à leurs yeux ?

Le terrorisme n’est ni islamique (ici Les Echos) ni islamiste (ici tous sauf exception mais relevons France Télévisions) ni salafiste comme on peut l'entendre ici sur RTL à l’occasion de l’enlèvement du prêtre au Cameroun en novembre 2013. Le salafisme désigne d'abord un courant de pensée qui, même littéraliste et fondamentaliste, n’est pas terroriste.

Que nos confrères se contentent de désigner comme « islamistes » les mouvements et réseaux politiques – ainsi que leurs partisans – qui se réfèrent à l’islam et à son Texte source, le Coran, pour construire un projet de société. S'approprier ainsi le mot n'enlève rien à la possibilité de les critiquer, même durement. Pour le reste, la langue de Molière est riche !

Evitons l'amalgame

Certains rétorqueront que les organisations de type Boko Haram se réclament elles-mêmes de l’islamisme ou du salafisme. Autant le préciser de cette façon. Et les guillemets ne sont jamais de trop, ils ont aussi leur utilité. Pourtant, force est de constater qu’ils se font extrêmement rares, pour ne pas dire inexistants.

Le journaliste d'aujourd’hui veut traiter les faits avec rapidité, croyant être forcément plus efficace, quitte à employer des raccourcis qui peuvent se révéler dangereux. User et abuser du mot « islamiste » n’est pas sans effet dans l’inconscient des lecteurs. A force de dire et de répéter qu’un groupe terroriste tire son inspiration de l’islam, l’opinion publique – du moins une partie – finit par croire que cette religion peut, à un certain niveau qui serait « radical », justifier l’injustifiable, appuyant de facto un amalgame qui se doit d’être écarté pour ne pas nourrir l’islamophobie ambiante.

L’emploi récurrent et galvaudé de mots qui mêlent, de près ou de loin, l’islam à la barbarie et la cruauté est lourd de conséquences. Il est bon de marquer une pause pour redonner du sens aux mots que l’on veut poser sur papier.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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