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Société

Charlie Hebdo : face aux récupérations politiques, les limites de l'unité nationale

Rédigé par | Dimanche 11 Janvier 2015 à 06:00

           


Charlie Hebdo : face aux récupérations politiques, les limites de l'unité nationale
Des centaines de milliers de personnes sont attendues dans les marches républicaines organisées partout en France dimanche 11 janvier. Celle de Paris est de loin la plus importante. En tête de cortège, se trouveront le président de la République, des membres du gouvernement et de chefs de partis politiques, dont Nicolas Sarkozy. Des chefs d’Etat et de gouvernements étrangers ont signifié leur présence pour marquer leur solidarité avec la France face aux tragiques événements qui ont secoué la France entre le 7 et le 9 janvier.

Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Portugal, Italie... La plupart des chefs de gouvernements européens ont annoncé qu'ils défileraient dimanche à Paris. Huit chefs d'Etats africains dont les présidents malien Ibrahim Boubacar Keïta, gabonais Ali Bongo, nigérien Mahamadou Issoufou, ainsi que les Premiers ministres tunisien Mehdi Jomaa et turc Ahmet Davatoglu ont fait savoir qu’ils viendront à la marche dominicale, de même que le roi de Jordanie Abdallah II et son épouse, la reine Rania. Le président palestinien Mahmoud Abbas, mais aussi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman ont aussi signifié leur participation.

« L'union nationale est un piège »

Du jamais vu en France. Avec un défilé devenu bien plus politique que citoyen, des voix accusant le gouvernement d'une récupération des tragédies se font entendre. Ainsi, Olivier Besancenot, le leader du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), a annoncé qu'il ne participera pas au rassemblement parisien, parlant d’une « instrumentalisation politique ». « Après l'ignoble attentat contre Charlie Hebdo, l'union nationale est un piège », fait savoir son parti vendredi dans un communiqué, le seul au sein de la classe politique, avec Lutte ouvrière, à apporter une voix dissonante dans le concert d'appels à rejoindre la marche Place de la République.

L’attaque terroriste contre Charlie Hebdo est « insupportable » et « un crime contre la démocratie et la liberté d'expression ». Mais les partis « cherchent ainsi à masquer leur propre responsabilité dans la dégradation sociale et politique, le climat délétère que nous connaissons aujourd'hui », à l'heure où « le danger est immense de voir le racisme et l’islamophobie déferler », comme en témoigne la série d'attaques contre les mosquées ces derniers jours. « Il est décisif d’y opposer une condamnation et une résistance sans concession. Plus que jamais, nous devons combattre toutes stigmatisations, toutes discriminations. Il faut aussi refuser toutes les mesures sécuritaires et liberticides », ajoute le NPA.

Du côté de Lutte ouvrière, tout en exprimant sa solidarité avec les victimes, « nous ne pouvons qu’être choqués par l’exploitation politique faite maintenant de cet événement par différents partis politiques et surtout par le gouvernement de François Hollande et Manuel Valls » qui « cherche à restaurer dans l’opinion un crédit qu’il a largement perdu de par toute sa politique. Il veut en particulier justifier, par cet attentat attribué à ce qu’on appelle des "djihadistes", les interventions de l’armée française en Afrique et au Moyen-Orient ».

Les musulmans entre le marteau et l'enclume

Au sein de la communauté musulmane, la condamnation des attentats à Paris, à Montrouge et à Porte de Vincennes est unanime mais l'opportunité de participer à la marche parisienne est aussi interrogée par crainte du piège que comporte la récupération. L'annonce de la présence de Netanyahu, responsable de la politique coloniale répressive en Palestine, a aussi achevé de convaincre beaucoup - et pas uniquement des musulmans - de ne plus vouloir se rendre à la manifestation.

Comme tout un chacun, leur opposition ferme au terrorisme n'est pas à remettre en cause : les musulmans en sont eux-mêmes victimes. La mort d'Ahmed Merabet, le policier froidement abattu le 7 janvier, en est un éclatant exemple. En outre, et parce que l'islam a été exploité par des criminels pour revendiquer des attaques ignobles, les amalgames, couplés d'une montée des actes islamophobes, font des musulmans de France des citoyens davantage touchés par les événements. Toutefois, chacun est appelé à agir avec lucidité : pour les uns, il s'agit de refuser toute instrumentalisation des drames ; pour les autres, toute forme de compromission avec leur engagement politique et humaniste.

Dans le même temps, le risque que peut comporter l'absence « visible » des musulmans à pareil moment est soulevé, alors même que c'est avant tout en qualité de citoyens qu'ils se mobilisent. La Grande Mosquée de Paris ne s’embarrasse pas de questions : elle a réitéré samedi son appel auprès des musulmans à participer massivement à la manifestation dans la capitale afin que soit marquée leur indignation. Plusieurs fédérations et associations musulmanes ont lancé des appels similaires à l'échelle nationale.

Sans attendre une quelconque injonction, nombreux sont ceux qui choisissent de se rendre aux rassemblements, et notamment en province où le débat est plus vite tranché. Par solidarité, pour l'envie de communier avec la nation ou parce qu'ils ne veulent pas se faire voler leur indignation... chacun y va de ses arguments pour expliquer sa présence.

Preuve en est, une nouvelle fois, de l'hétérogénéité de « la communauté » musulmane.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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