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Politique

« Aux urnes, citoyens ! », un appel pour inciter les habitants des banlieues à voter

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Lundi 3 Mars 2014 à 07:00

           

Après la campagne « On ne marche plus, on vote », le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) appuie l’appel de quatre mouvements incitant les habitants des quartiers populaires à aller voter aux prochaines élections municipales. Cette nouvelle campagne, intitulée « Aux urnes, citoyens ! », veut encourager des citoyens – trop souvent oubliés – à s’emparer de leur droit de vote, brandi comme une action visant à lutter contre les injustices qu’ils peuvent subir au quotidien.



A moins d'un mois des élections municipales, prévus pour les 23 et 30 mars, quatre mouvements citoyens – le Collectif Citoyens*, le Mouvement Citoyen Ensemble Nous Sommes Sevran, le Collectif Citoyens Musulmans et le Collectif On ne marche plus, on vote (ONMPOV) – ont décidé de mener ensemble une campagne baptisée « Aux urnes, citoyens ! » afin d’inciter les habitants des quartiers populaires à aller voter.

Des séries de porte-à-porte sont prévues dans cinq villes d’Île-de-France (à Sevran, Montreuil, Montfermeil, en Seine-Saint-Denis ; à Trappes, dans les Yvelines ; et à Meaux, en Seine-et-Marne) pour mobiliser le plus grand nombre d'électeurs au scrutin. Pour cela, des bénévoles sont appelés à participer à cette action soutenue par le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), qui a joué un « rôle de coordinateur » entre les différents mouvements, nous indique Babacar Sene, le chargé de communication.

« Le vote ne sert à rien »

1 000 foyers devraient être sensibilisés chaque jour dans le cadre de la campagne « Aux urnes, citoyens », qui en suit une autre intitulée « On ne marche plus, on vote », soutenue par le CCIF. Lancée en novembre dernier par le collectif du même nom, cette campagne visait à inciter les habitants des quartiers populaires à s’inscrire sur les listes électorales.

Jusqu’à la date limite d’inscription sur les listes électorales, le 31 décembre, des bénévoles étaient allés à la rencontre des habitants de Montfermeil (93), de Trappes (78) et de Meaux (77) pour les pousser à entreprendre la démarche auprès de leur mairie. « Les villes choisies ne sont pas anodines », témoigne Samiya, co-animatrice Île-de-France de la campagne.

Concernant Trappes, elle cite ainsi les violences qui ont émaillé la ville en juillet 2013 à la suite d'un contrôle de police d'une femme portant un voile intégral. Quant à Meaux, la présence du maire, Jean-François Copé, dont les propos tenus en 2012 sur le Ramadan dans les quartiers avaient été mal pris par les musulmans, a motivé les troupes d'y faire campagne.

L’objectif était de frapper à la porte de 1 000 logements par week-end, indique-t-elle, en précisant que 60 personnes ont été mobilisées à chaque opération. Elle, qui a arpenté les rues de Trappes, fait savoir que les habitants étaient très « réceptifs » à leur message et « courtois ». Mais nombreux d'entre eux, notamment parmi les « très jeunes », ont fait part de leur « défaitisme » en estimant que voter ne servait à rien.

L'un des visuels de la campagne "On ne marche plus on vote".
L'un des visuels de la campagne "On ne marche plus on vote".

Un collectif « apartisan »

Dans les quartiers populaires, cette idée est largement partagée comme en témoignent les taux records d’abstention. C’est justement ce constat qui a poussé le collectif ONMPOV à œuvrer pour une participation active de ces citoyens de « seconde zone ». « Si nous sommes les victimes des (ir)responsables politiques qui font de la peur de l’Autre un argument électoral, nous sommes les responsables d’un défaitisme paralysant toute perspective de changement », juge le CCIF. Cette fois, l’objectif est d’inciter les électeurs inscrits sur les listes électorales à aller voter lors des élections municipales.

« Partie intégrante » de cette action, le CCIF souhaite que « chacun puisse se saisir de ses droits civiques », indique Babacar Sene. « L’idée est qu’en tant que minorité on puisse être représentée », ajoute-t-il. Bien que le CCIF s’illustre par sa défense de la communauté musulmane, la lutte menée ici s’adresse à un public bien plus large pour Samiya. Ces campagnes visent les « laissés-pour-compte de la République », explique-t-elle, en pointant les « conditions insalubres » dans lesquelles vivent des habitants des quartiers populaires.

Ces derniers sont invités à émettre des « revendications » concernant « le logement, l’éducation et la démocratie participative », argue la militante. Mais pas question pour le CCIF de soutenir une liste particulière, nous dit-on. « Le collectif est apartisan. Les habitants ne sont jamais influencés à voter pour qui que ce soit », insiste Nadiya. Néanmoins, dans des villes où les maires se sont illustrés par des propos stigmatisant les musulmans, l'islamophobie politique et les figures s'y rattachant sont dénoncés auprès des habitants, sensibles aux questions de discriminations et de racisme.

Vers l’empowerment

Dans ces villes, « l’envie de renouveau est puissant », souligne le CCIF dans un communiqué. « De la part des citoyens et des associations qui sont très bien organisées », précise Nadiya. A Sevran, où se déroulera la première action de porte-à-porte le 8 mars, le Mouvement Citoyen Ensemble Nous Sommes Sevran œuvre pour que les habitants des quartiers « s’investissent dans le champ politique », note-t-elle. La prise de conscience par ces habitants que l'engagement politique peut être une solution à leurs problèmes devient d'ailleurs davantage visible à travers l'essor de listes citoyennes sur lesquelles se présentent ces derniers.

Le simple fait de se rendre aux urnes est un pouvoir, estiment les collectifs. Ainsi, dans des zones où l’abstention est très forte, « la participation de ces habitants peut faire basculer les résultats du vote », fait remarquer Nadiya.

L’empowerment, qui correspond au mode dont des citoyens s’organisent pour créer un contre-pouvoir et faire valoir leurs droits en vue d'améliorer leur quotidien et leur cadre de vie, passe en partie par cette première démarche qui se veut accomplie massivement. Ce processus, qui a fait ses preuves chez les minorités aux Etats-Unis, gagnerait à être développé en France où, 30 ans après la Marche pour l'égalité et contre le racisme, les inégalités et discriminations touchant les habitants des quartiers populaires persistent.

Les inscriptions pour recruter des bénévoles pour la campagne « Aux urnes, citoyens » sont ouvertes. En province, des actions sont également prévues, notamment à Nice et à Lyon. Plus d’informations sur le site du CCIF.

* Mise à jour jeudi 13 mars : le président du Collectif Citoyen nous a informé que son groupe, rassemblant une quarantaine de partenaires, ne prenait plus part à la campagne « Aux urnes citoyens ».






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