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Monde

Après les séismes en Turquie et en Syrie, les mosquées franco-turques face à un tsunami de solidarité

Rédigé par Lionel Lemonier et Hanan Ben Rhouma | Lundi 13 Février 2023 à 17:25

           

Alors que le bilan des tremblements de terre qui ont frappé la Turquie et la Syrie lundi 6 février ne cesse de s’alourdir, l'élan de solidarité ne retombe pas en France, plus particulièrement en faveur de la Turquie grâce à l'appui d'une diaspora endeuillée par l'une des pires catastrophes régionales des dernières décennies. A Roubaix et ailleurs, les mosquées sont des centres névralgiques de la solidarité.



Alors que le bilan des tremblements de terre qui ont frappé la Turquie et la Syrie lundi 6 février ne cesse de s’alourdir, l'élan de solidarité ne retombe pas en France.  © Eyyub Sultan à Strasbourg
Alors que le bilan des tremblements de terre qui ont frappé la Turquie et la Syrie lundi 6 février ne cesse de s’alourdir, l'élan de solidarité ne retombe pas en France. © Eyyub Sultan à Strasbourg
« La mobilisation est exceptionnelle. Je n’ai jamais vu cela en 20 ans de vie associative. » A Roubaix, le président de la mosquée Eyub Sultan de Roubaix, Ibrahim Alci, n’est pas peu fier de constater l’immense élan de générosité et de solidarité en faveur des victimes des séismes en Turquie. Ce pays déplore la mort d’au moins 29 000 personnes sur les 33 000 décès recensés en date du lundi 13 février dans la région. Le bilan ne cesse de s’alourdir de jour en jour depuis lundi 6 février.

Depuis une semaine, « c’est le feu, les dons affluent de partout », affirme à Saphirnews Ibrahim Alci, qui informe que l’équivalent de presque 300 palettes – l’équivalent d’une douzaine de camions de 33 tonnes – a été collecté en sept jours rien qu’à Roubaix pour être envoyées via Turkish Airlines pour l’AFAD, l’agence gouvernementale turque en charge de la gestion des catastrophes et des urgences.

© Eyub Sultan de Roubaix
© Eyub Sultan de Roubaix
Déjà 130 palettes ont été envoyées avec, dans les cartons, des produits de première nécessité, des vêtements, des couvertures, des tentes, des groupes électrogènes… Les dons sont si énormes que le manque de scotch se fait sentir par moments. Autour de Roubaix, « plusieurs enseignes nous ont dit qu’elles ont été dévalisées » par de généreux donateurs qui viennent ensuite déposer leurs achats à la mosquée. « On ne dort pas beaucoup mais voir la communauté soudée (face au drame) nous donne de l’énergie. Tout se fait naturellement », soutient-il. « On parle quand même d’une zone à couvrir qui s’étend sur 100 000 km2 et sur laquelle plus de 15 millions de personnes y résidaient. C’est deux fois la taille des Pays-Bas et c’est plus grand que le Portugal. »

En parallèle, la mosquée Eyub Sultan, qui vient de cesser la collecte de vêtements, a recueilli plus de 200 000 euros. Du côté du DITIB France auquel est rattaché le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), par ailleurs présidé par Ibrahim Alci, 4 millions d’euros ont été collectés, a annoncé l’organisation dimanche 12 février. Le président de la fédération témoigne de la mobilisation historique de « toutes les mosquées et associations franco-turques, partout en France, qu’elles soient affiliées au CCMTF ou à Milli Görüs, chacune à son échelle, chacune à sa manière ».

Une affluence décuplée dans les mosquées pour la prière de l'absent

Plusieurs communautés musulmanes du Grand Ouest qui ont pris des initiatives pour collecter et envoyer de l’aide, rapporte Ouest-France. Cholet, dans le Maine-et-Loire, des cagnottes permanentes ont installées dans les mosquées et quelques commerces depuis le 10 février. Même empressement solidaire pour la communauté turque de Vannes, dans le Morbihan, où la grande prière du vendredi a été l’occasion de vendre de la nourriture pour garnir une cagnotte destinée aux sinistrés.

De l’autre côté de la France, à Vénissieux, dans le Rhône, la mosquée Eyup Sultan de Parilly – qui porte le même nom que celle de Roubaix mais en étant affiliée à la CIMG France – a connu une affluence décuplée pour la grande prière hebdomadaire du vendredi 10 février, une journée où de nombreux lieux de culte musulmans, et pas seulement franco-turques, ont organisé une prière de l'absent.

A l’appel du Conseil régional du culte musulman (CRCM) Rhône-Alpes, plusieurs mosquées se sont associées à une collecte pour venir en aide aux sinistrés. Annoncée sur les réseaux sociaux quelques jours auparavant, cette initiative connaît un grand succès. « Les fidèles, ont répondu en très grand nombre. Chacun est bien conscient que la Turquie et la Syrie sont confrontées à une véritable tragédie. Les besoins sont immenses sur place », explique à Expressions-Venissieux Mehmet Kartal, responsable administratif de la mosquée Eyup Sultan. A Strasbourg, la mosquée du même nom a récolté plus de 100 000 euros lors de la prière de vendredi 10 février. Ils seront versés à l’association Hasene, la branche humanitaire de la CIMG.

Préférence aux dons financiers

Même élan de solidarité à Tours, selon La Nouvelle république. L’Union des femmes turques de Touraine (UFTT) tient une permanence tous les mardis après-midi pour accueillir les donateurs et les personnes désireuses de prendre des nouvelles. « Il y a une grosse communauté turque à Joué mais aussi à Tours, Saint-Pierre-des-Corps et Saint-Avertin. Mais c’est finalement une minorité sur les donateurs. Les Turcs savent déjà comment faire pour aider. Ceux qui viennent ici ont besoin de connaître la méthode pour faire un don en ligne et sur le bon canal », explique Sylvie Aliti, la présidente de l’UFTT, qui indique ne prendre que des dons financiers.

D'ailleurs, les organisateurs des collectes sont parfois obligés de calmer les ardeurs des donateurs. À, Vénissieux, Mehmet Kartal a choisi de ne pas accepter les vêtements qui ne correspondent pas aux besoins sur place. « Beaucoup de gens dans notre communauté veulent également se rendre sur place pour aider, mais nous les en dissuadons, reprend le responsable administratif. Sauf s’ils ont des compétences très précises. L’aide la plus efficace, c’est le don financier. »

Le Conseil pour la justice, l’égalité et la paix (Cojep) dont le siège est à Strasbourg a lancé une cagnotte en ligne « dans le but d’aider les sinistrés dans la durée ». Tout en valorisant le mouvement de solidarité actuel qui pousse à envoyer nourriture et vêtements, Celil Yilmaz, le secrétaire général du Cojep, appelle les citoyens d’Europe à privilégier les aides « en espèces qui serviront à financer les réels besoins ».

Dans le Loiret, le Conseil départemental du culte musulman (CDCM) a incité toutes les mosquées de ce département de la Région Centre - Val de Loire à mettre un dispositif en place pour recueillir les dons des fidèles. Ceux-ci seront versés à DITIB France ou au Secours islamique France. « Les conditions météorologiques, la destruction des immeubles et des infrastructures viennent frapper encore plus durement les survivants. J’espère que cet appel lancé par notre structure sera bénéfique et contribuera à apporter un peu de réconfort à tous nos frères durement éprouvés par cette épreuve », indique à Anadolu son président, Mustapha Ettaouzani. Face à l'urgence humanitaire, la solidarité, qui dépasse largement les seules communautés turques en France, n'est pas prête de retomber.

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