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Points de vue

A Vincent Peillon, faites cesser les mesures excluant les mamans voilées !

Lettre au ministre de l'Education nationale

Rédigé par Comité15 mars et Libertés | Mercredi 18 Décembre 2013 à 09:18

           


Monsieur le Ministre,

Cette lettre porte jusqu’à vous les souffrances et l’humiliation subies dans l’enceinte de l’école républicaine par certaines mamans du fait de leur appartenance religieuse. Vous comprendrez dès lors que, contrairement aux portes de l’école publique, cette lettre soit ouverte.

D’emblée, précisons que, fortes du plein exercice de leur liberté, ces mamans portent un couvre-chef. Ce choix vestimentaire, motivé par des raisons qui ne concernent qu’elles, peut déplaire, séduire, irriter. Libre à chacun d’en interpréter le sens à sa guise. Il n’en demeure pas moins qu’elle est l’expression directe de la liberté d’expression religieuse, sans laquelle, pour reprendre les mots de la Cour européenne des droits de l’Homme, notre société ne serait pas démocratique. Cette liberté, Monsieur le Ministre, si précieuse et si troublante, est aujourd’hui ouvertement niée par vos services.

L’exclusion des mamans musulmanes est publique, assumée et revendiquée. Vos inspecteurs académiques prétendent la rattacher au principe de laïcité. Certains se permettent même de nous parler de respect. Ce rattachement est pour le moins factice et ne saurait être vu autrement qu’un vernis destiné à camoufler la haine de la différence, ou du moins d’une certaine différence ce qui est plus grave encore car discriminatoire. En effet et vous le savez, cette lecture tronquée de la laïcité, intolérante par essence, n’a jamais concerné que les musulmanes. Un père portant la kippa a-t-il déjà été interdit d’accompagnement ? A la vérité, l’exclusion des mamans voilées n’a rien de républicain. Et, sauf à dire que le vivre-ensemble opportunément proclamé par votre Charte de la laïcité peut s’accommoder d’un bannissement, elle n’a même rien de laïque.

Le problème prend une ampleur déconcertante et alarmante. Des parents d’élèves, fréquentant l’école publique sont invités par l’administration à participer à des activités périscolaires et ainsi palier les manques en personnel de l’Education Nationale. Est-il besoin de souligner que ces parents d’élèves sont non seulement des citoyens tout à fait respectables, mais qu’ils sont par surcroît des parents engagés particulièrement soucieux du bon fonctionnement du service publique.

Là où le désintérêt de trop de parents d’élèves pour la vie de leur école est une réalité qui mériterait un jour que nous la regardions en face, certaines mamans, qui se trouvent, oui, être musulmanes et porter un simple foulard, acceptent d’accompagner la classe lors d’une sortie ou d’aider à la préparation d’un goûter collectif. Voilà leur crime ! On vient leur signifier, entre deux couloirs, qu’elles ne peuvent pas participer à ces activités, qu’elles ne peuvent pas parce que c’est la loi, qu’on doit obéir sans chercher à comprendre, qu’elles doivent se plier, se faire oublier, qu’elles ne peuvent pas parce qu’elles savent bien pourquoi, et on leur fait comprendre qu’elles feraient mieux de rentrer chez elles… Vous en conviendrez, Monsieur le Ministre, la situation est non seulement injuste et humiliante, mais aussi surréaliste.

Une interdiction qui n'a rien de laïque

Nous croyons qu’une telle exclusion – qui plus est normalisée - devrait vous interpeller. A plus forte raison lorsque cette exclusion - comme la HALDE l’avait si clairement démontré dans sa délibération du 14 mai 2007 - présente toutes les caractéristiques d’une discrimination du fait des convictions religieuses. Cependant, il semble que l’atmosphère populiste nauséabonde dans laquelle est plongée notre pays empêche de percevoir la gravité d’une telle situation. Et pourtant ! L’exclusion des mamans musulmanes est, d’une part, une violence injuste car elle ne se fonde nullement sur ce qu’elles disent ou font mais sur la seule expression silencieuse de leur liberté, et d’autre part, intensément illégale parce qu’elle n’est basée sur aucune loi.

Comment pourriez-vous ignorer, Monsieur le Ministre, de tels agissements de vos services, et si vous ne les ignorez pas comment pourriez vous les laisser se développer. Nous en appelons à votre autorité et à votre sens républicain pour faire cesser ce déni de droit. Oui, la société française change. Oui, il y a aujourd’hui des citoyens de multiples confessions, de différentes origines ethnoculturelles, qui ne demandent qu’à participer à la vie sociale, mais dans le respect de leur dignité et de leurs choix existentiels.

Être femme, être musulmane et le montrer est aujourd’hui devenu un handicap, en particulier lorsque l’on est une mère de famille. Ce n’est pas tolérable. Les citoyens que nous sommes, parce qu’ils sont profondément attachés aux principes républicains non dévoyés, ne peuvent pas accepter cette multiplication des cas d’exclusion. Et il est clair que les mères exclues, ainsi que d’autres parents d’élèves, n’accepteront pas que cela continue, même si leur dernier recours est la voie judiciaire. Il faut que vous compreniez que ces humiliations à répétition des mères rejetées aux vu et au su de tout le monde est en train de laisser des traces. Le sentiment de la blessure risque de toucher les familles, l’entourage, les amis, les coreligionnaires, tout ceux qui en sont témoins, mais surtout les enfants, les élèves de France, de cette école de la République dont vous êtes en charge.

Nous, citoyens français, attachés aux valeurs d’une laïcité authentique, celle qui est soucieuse de l’égalité et du vivre ensemble, vous demandons, Monsieur le Ministre, de prendre officiellement et clairement position contre ces agissements d’exclusion. Nous vous demandons humblement mais résolument, de rappeler que ces collaboratrices occasionnelles du service public - puisque c’est le qualificatif qu’on leur prête - ne peuvent être rejetées et maintenues à l’écart de la vie scolaire du fait de leur appartenance religieuse réelle ou supposée.

Pour signer la pétition, cliquez ici

Premiers signataires : Fatima AYACH, Présidente du Comité 15 mars ; Raphaël LIOGIER, professeur à Sciences Pô Aix-en-Provence, sociologue ; Hakim CHERGUI, avocat ; Fouad ALAOUI ; Bénédicte LE MOAL, mère au foyer ; Amar LASFAR, président de l'UOIF...





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