Points de vue

Savoir, avoir, être : pour un sens à notre cheminement (1/3)

Quel sens à « savoir » ?

Rédigé par Abdelhakim Elhadouchi | Lundi 17 Aout 2015 à 00:15

Savoir (1), avoir (2), être (3) : trois verbes, trois états de l’homme, trois étapes de sa vie ? Pourtant, il ne s’agit ni d’une ascension naturelle ni d’un programme intégré dans nos gênes. C’est une volonté.



Calligraphie de Julien Breton : « Le savoir élève ceux qui ne possèdent rien » (citation de Khalil Gibran).
Au lendemain des Lumières et de la Révolution française de 1789, un nouveau dieu est consacré. De l’union de la Science et de la Raison naquit le Progrès. Autour de ce nouveau culte se forge une « théologie » du Progrès qui se propage dans toutes les nations occidentales, entendue comme religion civile. Pour accéder au bonheur social, partagé par tous, il fallait panser les plaies causées par la misère et les inégalités en donnant du sens. C’est pourquoi la Science comme moyen d’amélioration des conditions de vie s’est répandue. L’Histoire a donc un sens, dans laquelle ce Progrès constitue le moteur.

Le Savoir était le marqueur de cette révolution. En « sachant », l’homme s’est fait dieu. Tous les efforts étaient orientés vers la recherche des progrès technologique et technique. La compétition des nations se déroulait non plus autour de l’accumulation de richesses, mais bel et bien sur l’information au sens large.

Savoir ou l’éloge du progrès

L’homme s’était donc pris pour Dieu, tout en prenant soin de l’écarter de ces funestes desseins. La religion du Progrès avait convaincu l’homme qu’il était capable d’être l’acteur principal et le metteur en scène de sa vie. Hélas ! La recherche effrénée vers le savoir a conduit à des catastrophes perpétrées au nom du culte Progrès.

Aussi s’est-on permis d’utiliser une arme de destruction totale au profit d’une guerre dans les îles japonaises dans les années 1940. Pire, le culte Progrès a élevé l’homme occidental au rang de race supérieure légitimant ici et là « l’aventure » coloniale, doux euphémisme pour raconter la décadence de la conscience humaine. Cette certitude au progrès est morte (ou presque [1]) avec elle. C’est ce qui fait dire à Jacques Julliard que « la religion du progrès est bien morte. Nous sommes devenus agnostiques en matière d’avenir » [2].

Mais qui est l’Homme ? Cette majuscule apposée à ce nom élève son rang, mais ne rend pas grâce à Celui qui l’a créé. « S'est-il écoulé, en effet, pour l'homme un laps de temps durant lequel il n'était même pas une chose mentionnable ? » (Coran, s. 76, v. 1). Un rappel pour appeler à son origine. Que celui qui court derrière cette vie en foulant cette terre avec arrogance (Coran, s. 31, v. 18), qu’il revienne à ce premier mot, à ce premier souffle.

Ainsi, « le Très-Miséricordieux, qui enseigna le Coran, créa l’homme et lui apprit à s’exprimer clairement » (Coran, s. 55, v. 1-4). Et puis, de ce savoir, il parcourut le monde en oubliant petit à petit son Enseignant, son Éducateur. Les années se sont écoulées, les siècles sont passés. Le minuscule de l’homme est devenu majuscule, presque majestueux.  Or, d’une sentence univoque, Dieu nous dit : « L'homme ne voit-il pas que Nous l'avons créé d'une goutte de sperme ? Et le voilà (devenu) un adversaire déclaré ! » (Coran, s. 36, v. 77).

Voilà le fil de notre propos. L’orgueil constitue la barrière pour (re)trouver Dieu. Au niveau d’une société, d’une vie, d’un cœur. L’homme a voulu se libérer des carcans des religions en cherchant des conditions matérielles ou objectives. Il n’y a trouvé que le gouffre de son égo. Du savoir, il a trouvé l’avoir.

Notes
[1] Voir les problématiques « éthique » sur l’euthanasie, les manipulations génétiques et l’eugénisme.
[2] Revue Mil neuf cent, n° 14, 1996 : Progrès et décadence.

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Abdelhakim Elhadouchi est un acteur associatif et consultant en politiques publiques à Strasbourg.