Culture & Médias

Sania Halifa : « Je dis aux jeunes de ma génération que tout est possible ! »

En partenariat avec Salamnews

Rédigé par | Mardi 13 Décembre 2022 à 13:00

Son physique particulier ne passe pas inaperçu, mais c’est aussi son charisme que ceux qui la rencontrent retiennent d’elle du haut de ses 17 ans. Découverte par le réalisateur Nadir Ioulain où sa vitalité inonde à 360° l’écran dans le film « L’Adrénaline », Sania Halifa décroche le rôle principal dans le long métrage « Hawa » produit par Prime Video et diffusé depuis vendredi 9 décembre. Repérée par une célèbre marque de luxe, elle incarne cette nouvelle génération d’actrices sûres d’elles prêtes à recevoir le succès.




Salamnews : Quelles raisons voyez-vous au regard positif posé sur vous ?

Sania Halifa : C’est certainement dû à l’éducation de mes parents. Ils m’ont toujours élevé dans le « je m’en foutisme » du regard des autres (rires). Cette attitude m’a clairement aidée. C’est d’ailleurs avec cette approche que j’aborde mon expérience cinématographique surtout que, dans le cinéma, le regard est central. De plus, je n’ai jamais vu en France d’acteurs albinos. Du coup, quand Nadir (Ioulain) m’a proposé cette toute première expérience (dans « L'Adrénaline », ndlr), je me suis dit « pourquoi pas ».

Comment s’est faite la rencontre avec ce réalisateur ?

Sania Halifa : Par sa femme ! Car elle fut ma prof d’anglais quand j’étais en 5e. J’avais 12 ans. Un jour, elle me dit : « Je te vois bien dans un magazine en train de raconter ta vie. » C’est une parole incroyable qui m’a fait énormément de bien. Elle me disait souvent qu’elle avait confiance en mon avenir, en ajoutant que j’allais accomplir de grandes choses. Mais comme j’étais gamine, je me disais au fond de moi : « Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? » Moi, je me voyais plutôt vétérinaire mais pas du tout à faire la Une d’un quelconque magazine ou de m’engager dans quelque chose qui soit visuel ou même artistique. Alors oui, cette prédiction m’a donné un supplément de confiance en moi mais sans franchement trop y croire. Cinq ans plus tard, elle me contacte en m’expliquant que son mari est réalisateur et qu’elle me voit bien dans un rôle. Je me suis donc lancée et ça m’a énormément plu !

Entretenez-vous des liens avec vos origines insulaires de l’océan Indien ?

Sania Halifa : Oui ! Je suis d’origine comorienne et malgache par mes parents. Je me sens beaucoup attachée à la culture malgache car mes parents m’ont beaucoup parlé en malagasy. En général, je passe mes vacances à Madagascar. Mais j’ai visité les Comores pour la première fois cette année. Mes deux grands-mères sont Malgaches et mes deux grands-pères sont Comoriens et, sur le plan des coutumes, je me sens plus proche des Comores du fait de la religion musulmane, surtout que j’ai fait le dernier Ramadan là-bas.

Comment avez-vous vécu l’expérience ?

Sania Halifa : Wahouuu ! J’ai vécu une ambiance incroyable. Ca m’a mis dans un délire ! Le matin, tu es réveillée par l’adhan du fajr. Quand le soir arrive, tu sais que tu coupes ton jeûne car là aussi, tu entends l’adhan. Même durant la journée, tu captes une certaine spiritualité que je n’avais pas encore découverte dans mes expériences antérieures. Quand arrive l’Aïd, ce sont toutes les îles des Comores qui célèbrent la fête. C’est tout simplement trop bien !

Que vous inspire le thème centré sur la bikelife avec « L’Adrénaline » ? Avez-vous été confronté à ce phénomène ?

Sania Halifa : Personnellement, j’ai grandi dans un premier temps à Guyancourt (Yvelines). J’y ai passé ma petite enfance jusqu’à mes 7 ans avant de m’installer à Plaisir. Là, je vis dans un quartier pavillonnaire. Ici, il n’est pas question de moto.

C’est calme, n’est-ce pas ? (rires)

Sania Halifa : C’est très très calme ! (rires) Mais dans ma ville, il y a aussi un quartier qui s’appelle le Valibout. Là-bas, je sais que la moto est très pratiquée. J’ai d’ailleurs perdu un ami à cause de la moto. Je sais que cette pratique amuse les gens et je ne crois pas qu’ils arrêteront parce que c’est l’un des seuls moyens qu’ils ont pour se divertir en soi. C’est triste, je le reconnais. Mais d’un autre côté, je les comprends. Parce que la moto, c’est aussi l’adrénaline ! Ça crée des sensations et c’est ce qui est recherché. Pourtant, c’est une chose à laquelle nous devons faire attention. J’ai 17 ans et je sais que les jeunes de mon âge ne pensent pas à la mort lorsqu’ils montent sur une moto. Du coup, le film de Nadir Ioulain m’a beaucoup sensibilisé.

Et vous, quelle est votre adrénaline, votre « kiffance » ?

Sania Halifa : Je ne l’ai pas encore trouvé ! Mais je crois bien c’est sur la route du cinéma. Franchement, ça m’a énormément plu ! Ça m’a trop fait kiffer en vrai ! Ma première expérience cinématographique et en VR en plus ! Certes, on voit une image sur l’écran mais quand on découvre l’envers du décor, c’est tout simplement incroyable. Oui, je pense bien que ce soit le cinéma. Mais après, je me dis que j’ai encore le temps de trouver.

En parlant cinéma, avez-vous des films ou des séries préférés ?

Sania Halifa : En ce moment, je regarde énormément de comédies romantiques. Je trouve cela pathétique et grotesque mais c’est ce qui me kiffer en fait ! J’aime aussi les films qui poussent à la réflexion. Mon père m’a fait visionner plein de films du genre qui te font mal à la tête mais que j’aimerais tourner personnellement. (…) Par exemple, la série diffusée par Netflix, Dans leur regard, qui montre cinq ados accusés de viols sur une femme parce qu’ils étaient Noirs, au mauvais endroit et au mauvais moment. Ce type de scénario tiré d’une histoire vraie, qui pousse à l’indignation, me tient à cœur et doit exister. C’est trop important !

Par contre, les films que je n’aime pas regarder mais que j’aimerais trop tourner, ce sont les films d’horreur. Depuis que j’ai mis les pieds sur un plateau, je me dis que c’est de l’arnaque ce truc-là ! (rires) (…) Mais ça m’obsède grave en termes de performance.

Comment vivez-vous les évènements ?

Sania Halifa : Franchement, je le vis le plus banalement possible. Je passe mon bac, je rentre toujours chez moi avant 21h. Malgré tout ce qui se passe dans ma vie professionnelle, ma vie personnelle n’a pas changé. En fait, à part ma famille, je ne parle pas de mes projets professionnels dans mon entourage amical, il y a seulement trois ou quatre amis au courant. Je ne souhaite pas ébruiter les choses. Je crains que le regard de mes amis envers moi change. En soi, ce n’est même pas la crainte de perdre les gens mais c’est que, pour l’instant, je suis bien dans ma vie.

Vous voulez garder votre zone de confort !

Sania Halifa : C’est exactement ça ! Personnelle et professionnelle. Mais ça se passe superbement bien pour le moment. Et à ceux à qui j’en ai parlé, c’est parce que je savais que ce sont des gens super bienveillants envers moi. Et franchement, ils s’en foutent un peu !

Du haut de vos 17 ans, comment qualifieriez-vous votre parcours ? Avez-vous rencontré des facilités particulières, des contraintes ?

Sania Halifa : Je n’ai pas subi de discriminations, j’ai eu une enfance facile contrairement à d’autres albinos que j’ai pu rencontrer et à qui ça leur arrive de se cacher dans les WC des écoles pour se soustraire du regard des autres. Les quelques difficultés que j’ai eues, c’est du fait de tout autre chose, des choses plus classiques : d’être femme, d’une famille noire…

Comment ressortez-vous de ces 50 jours de tournage pour Hawa ?

Sania Halifa : Avec une soif encore plus grande de cinéma !

L’appétit vient en mangeant !

Sania Halifa : Oui, là j’ai gouté et c’était trop bon ! Je remercie vraiment Nadir de m’avoir initié au cinéma. Après le tournage de L’Adrénaline, j’ai été approché plusieurs fois par des gens différents pour tourner dans un nouveau long métrage. A chaque fois, j’ai refusé. Puis quand je me suis décidée et que je me suis mise à fond, j’ai pris conscience que c’est trop bien !

Avez-vous un message à donner aux lectrices et lecteurs de votre génération ?

Sania Halifa : Franchement, il y a quelques mois, je ne me serais jamais entendu dire cela mais je leur dis : tout est possible ! Pour autant, je ne négligerai jamais les études. Le cinéma, c’est bien, mais je ne sais pas ce qui se passera dans quelques années ou même dans quelques mois. Malgré tout, le cinéma est encore pour moi trop abstrait pour m’y projeter alors que l’école reste une valeur sûre. Avec de longues études, on va forcément loin.

En partenariat avec Salamnews dont le numéro 80 est disponible ici


BIO EXPRESS

Né en 2005 de parents métis dans Le Chesnay, Sania Halifa fait sa vie dans les Yvelines dont elle affirme son attachement. Elle garde une affection particulière pour la ville de Saint-Quentin où vivait son grand-père maternel appelé « le doyen ». Sa maison était le lieu rendez-vous obligatoire de toute la famille. Elle estime avoir vécu une enfance « paisible » même si elle signale en riant qu’elle n’est pas encore sortie de phase-là. Elle souligne aussi ne pas avoir eu de soucis particuliers en rapport avec son albinisme.

Après L’Adrénaline en juin 2021, elle obtient le rôle principal dans Hawa, réalisé par Maïmouna Doucouré. On y suit les pas d’une ado qui, face à la maladie de sa grand-mère avec laquelle elle vit, craint de se voir placée dans un foyer par les services sociaux. Elle élabore alors un plan pour tenter de se faire adopter par une des femmes les plus puissantes du monde… De nombreux projets cinématographiques arrosent cette belle graine faite pour le 7e art.



Directeur de la publication En savoir plus sur cet auteur