Points de vue

Réponse à Lydia Guirous : s’il y a une chose que la France reconnait, c’est le droit pour les femmes de porter le voile

Rédigé par | Mercredi 5 Mai 2021 à 11:15



Il y a des moments où certains politiques devraient donner leurs langues aux chats. Dans la recherche quasi religieuse du buzz, certains politiques, à l’image de Lydia Guirous, commettent des erreurs factuelles et surtout des erreurs grossières d’appréciation sur ce que la législation française permet, ou ne permet pas. Nous ne pouvons pas laisser penser que Lydia Guirous ignore la législation, étant proche des arcanes du pouvoir.

En affirmant, lors d’un entretien à Causeur, que « quand on est Française, on ne porte pas un hijab », Lydia Guirous tente d’introduire d’abord un élément de distraction dans le débat public. En effet, elle n’utilise pas, volontairement, le terme de « voile » ou de « foulard » mais bien celui de « hijab » et en appelle à l’imaginaire du lecteur qui ne pourra pas s’empêcher d’y voir un voile d'abord islamique, ensuite intégral.

Si le voile intégral tombe naturellement sous le champ de la loi de 2010 portant interdiction de la dissimulation du visage en public, il n’en demeure pas moins que la raison d’être de cette loi n’est pas justifiée par « les valeurs françaises » que l’on aime citer çà et là sans leur donner de contenu matériel. En réalité, cette loi se fondait uniquement sur l’ordre public. En conséquence, même à adopter la présentation fallacieuse de Lydia Guirous, cette dernière a tort factuellement et juridiquement.

L’idée de cette phrase est également de pousser le législateur à s’emparer de cette question, dans une période qui est troublée par l'examen du projet de loi relative au renforcement des principes républicains. Cela aurait pour effet également de mettre l’exécutif en difficulté, en pleine campagne des régionales – qui en réalité masque également les prémices d’une campagne présidentielle.

La législation française est bien plus libérale que ce les pourfendeurs du voile pensent

Rappelons-le encore : le voile n’est pas interdit en France et ne le sera pas sous peine de causer bien du fil à retorde aux constitutionnalistes. La loi du 9 décembre 1905 relatif à la séparation des Églises et de l’État reconnait une incompétence de l’État de légiférer en matière religieuse : ce n’est pas à l’État de déterminer la nature d’un signe lorsqu’il appartient à une croyance religieuse ; car l’État ne pourrait pas venir discriminer une religion au profit d’une autre de sorte qu’il installerait une préférence d’État. Or, la laïcité n’est ni la préférence ni des « valeurs », ni des mots vides de sens dont le contenu n’est pas défini à l’image « d’islamisme ».

Si une femme souhaite porter un hijab, qui n’est pas une burqa, elle est libre de le faire. Si une personne l’a contrainte, alors le droit pénal est là pour réprimer de tels actes constitutifs d’un délit pénal. Lydia Guirous passe toutefois la plupart de ses interventions médiatiques à parler du voile alors qu’elle aurait tant à faire sur des sujets plus importants comme l’écologie ou la crise sanitaire actuelle.

Il déplait, il est vrai, à beaucoup de chroniqueurs médiatiques français de reconnaitre que la législation française est bien plus libérale que ce qu’ils pensent et ils souhaiteraient la voir modifier pour qu’elle ne vienne impacter uniquement les musulmans. La réalité, comme l’écrit Patrick Weil, c’est que la loi de 1905 se suffit à elle-même et est la gardienne des joyaux du vivre ensemble et de la tolérance.

Afin que notre laïcité puisse rayonner, nous avons besoin de reconnaitre son caractère libéral et de laisser les citoyens l’invoquer comme une liberté et non comme une contrainte. Il faut se réveiller, Madame Guirous, car, quand on est Française, on s’inspire des Lumières ; on n’en prend pas le contrepied intellectuel.

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Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam, le terrorisme… En savoir plus sur cet auteur