Points de vue

Refus de Médine au Bataclan : la République en échec ?

Rédigé par | Vendredi 21 Septembre 2018 à 19:00



Finalement, la sentence est tombée : Médine, à la vue de ses textes, ne se produira pas au Bataclan. Bien que cette décision permette d’apaiser un débat qui avait démarré il y a quelques mois de cela, elle n’a pas pour autant marqué la victoire des républicains, pour plusieurs raisons.

D’abord, Médine, qui est artiste, exprime, à travers ses textes, une forme de liberté d’expression qui lui est propre. Lui empêcher l’accès au Bataclan revient en réalité à empêcher cette libre expression d’être proclamée qui plus est sur une scène aussi mythique que le Bataclan. Alors que ce lieu, qui abrite plusieurs de nos souffrances et de nos maux collectifs, devrait être celui de la diffusion d’un message de paix et d’amitié, on s’est attardé sur les T-shirt portés par l’artiste et la provocation dont il faisait état.

Mais oublie-t-on, à tort, que la liberté d’expression permet également d’utiliser la provocation ? D'autant que la provocation de Médine visait à mieux éduquer sur l’islam puisqu’il écrit clairement que le vrai jihad s’exerce sur soi-même. Alors quoi de mieux, dans ce lieu désormais historique, que résonne les paroles d’un artiste engagé contre le terrorisme et contre les extrémismes ?

On devrait laisser Médine exprimer sa rage contre l’extrémisme

Il faut ensuite noter que la République ne peut plus laisser de côté ses enfants de confession musulmane. Il faut désormais accompagner et laisser s’exprimer ces Français et amortir les frustrations qu’ils pourraient accumuler du fait de polémiques répétées ne faisant que nourrir une théorie du complot abracadabrantesque et des idéaux qui ne peuvent pas converger vers le vivre ensemble républicain.

Aussi, n’est-il pas nécessaire d’inviter Zemmour pour dire que le nom de tel chroniqueur n’est pas assez Français ou de soutenir que l’immigration venant du Maghreb est un poids économique pour la France ou encore agiter le spectre de la laïcité pour en faire l’outil de répression contre une partie de notre population alors qu’il s’agit en réalité d’une liberté fondamentale garantissant et assurant la liberté de conscience.

Car qui gagne dans cette équation visant à ne pas laisser Médine se produire au Bataclan ? La France ? Les victimes ? Non. Certainement pas. Il s’agit encore d’un groupe terroriste qui a organisé, planifié et perpétré ces attentats en France et a assassiné plusieurs de nos frères citoyens français. Alors que l’on devrait laisser Médine exprimer sa fraternité, sa rage contre l’extrémisme, on le réduit à ne pas se produire en raison de ses choix artistiques.

La République doit faire son deuil pour mieux combattre Daesh

Le Bataclan recule évidemment sous le poids de la polémique publique suscitée par certains médias ayant couvert à outrance un fait pourtant républicain. Mais voilà, nous nous retrouvons encore bloquer par des mécanismes intellectuels qui paralysent la société plutôt que de la laisser avancer.

Médine au Bataclan était un élément important du deuil de la République. Il fallait que les terroristes qui ont perpétué les attentats entendent qu’en réponse à leur jihad de la haine, c’est un jihad de la compassion qui est en cours au Bataclan. Ces terroristes avaient besoin d’entendre qu’ils avaient été battus et combattus par le peuple Français.

Malheureusement, la République n’a pas pris les devants.


Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam, le terrorisme… En savoir plus sur cet auteur