Ramadan

Ramadan 2020 : l’aumônerie musulmane des prisons se mobilise contre l’isolement des détenus

Rédigé par | Mercredi 29 Avril 2020 à 17:00

Avec les mesures de confinement décrétées depuis mars en réponse à la crise du Covid-19, la période est particulièrement compliquée à vivre pour les détenus, plus encore pour ceux de confession musulmane du fait que l’état d’urgence sanitaire coïncide avec le mois du Ramadan. Pour limiter l’aggravation des effets de l’isolement carcéral total, l’aumônerie musulmane des prisons, à l’instar d’autres aumôneries, a mis en place une permanence téléphonique dédiée afin de permettre aux détenus de bénéficier d’une assistance spirituelle et morale.



Dès le début de la crise sanitaire, des mesures drastiques de confinement ont été prises dans les prisons françaises par crainte d'une propagation du nouveau coronavirus aux conséquences dramatiques dans le milieu carcéral.

Les détenus ne peuvent ainsi plus, depuis mi-mars, bénéficier de visites de leurs familles mais également des aumôniers. Ils sont littéralement coupés du monde. A la cessation des visites extérieures s’ajoutent la limitation ou la suspension des activités habituellement organisées au sein des établissements pénitentiaires et les restrictions de livraisons des colis, non sans conséquences sur la santé psychologique des détenus.

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Une plateforme d’écoute nécessaire

C’est dans un souci de rompre leur isolement que les aumôneries des prisons ont mobilisé leurs forces pour trouver des alternatives visant à préserver des liens avec les prisonniers, essentiels. En coordination avec l’administration pénitentiaire, des numéros verts dédiés à l’assistance spirituelle et morale pour les personnes détenues ont été mis en place et rendus opérationnels depuis jeudi 23 avril pour les aumôneries musulmane, bouddhiste et protestante, et depuis lundi 27 avril pour l’aumônerie catholique.

Ces numéros gratuits ont été largement diffusés auprès des détenus à qui la confidentialité des échanges avec les aumôniers, tous agrées, est garantie. Les appels ne sont pas écoutés ni enregistrés.

L’initiative tombe à point nommé pour les détenus musulmans, qui célèbrent le mois du Ramadan du 24 avril au 23 mai. Quelque 500 appels ont été reçus depuis la mise en place du numéro vert, actif tous les jours, de 9h à 18h, avec le concours de 25 aumôniers, indique auprès de Saphirnews Samia Ben Achouba, secrétaire de l'aumônerie musulmane des prisons.

Dans le flot des appels reçus, l’aumônier exerçant depuis 20 ans dans les prisons du Nord relève de nombreux « messages touchants » qui sont parfois reçus comme des « claques » de rappel toujours bénéfiques pour les aumôniers.

« J’ai eu un jeune homme au bout du fil. J’ai pensé qu’il s’était trompé car il a indiqué au standard automatique avoir appelé du quartier des femmes. Il a dit qu’il ne s’était pas trompé et qu’il voulait parler à une femme. Sur le coup, j’ai été agacée car on ne sait jamais ce que ce genre d’appel peut nous réserver mais je lui ai calmement demandé pourquoi. Il m’a expliqué que sa maman lui manquait », témoigne avec émotion Samia Ben Achouba. « C’est comme si, d’un coup, on dégonflait un ballon et qu’il s’en allait dans tous les sens. » Un témoignage fort bouleversant parmi bien d'autres qui confirme l’importance de la mise en œuvre d’une plateforme d’écoute téléphonique auprès d’un public vulnérable que la crise sanitaire a davantage fragilisée.

« Confinés du corps, mais pas du cœur ! »

Le défi n’est pas mince pour son ministère mais il est relevé haut la main malgré les faibles moyens dont dispose l’aumônerie musulmane, placée sous l’égide du Conseil français du culte musulman (CFCM). La création du numéro vert, de la prise en charge de ses modalités pratiques de déploiement au financement, est, en effet, à la charge de chaque aumônerie. Une telle permanence téléphonique était indispensable pour Haydar Demiryurek, qui a reçu la charge de coordonner l’initiative en tant que responsable de la commission imams et aumôneries au CFCM.

« En dehors du fait que plus aucune visite n'est autorisée au cause du confinement, ce qui est une rude épreuve pour les détenus, le Ramadan est plus compliqué (à vivre) car, contrairement aux années précédentes, il n'y aura pas de "colis du Ramadan" pour des raisons sanitaires », signifie-t-il. Or, ces colis, offerts par des associations ou des particuliers, sont d'une aide précieuse pour permettre aux détenus de mieux vivre le mois du jeûne dans les conditions d’enfermement qui sont les leurs.

« Certes, nous avons l’habitude de soutenir et d’accompagner les personnes détenues dans leur épreuve, mais avec proximité. Il y a une différence entre prendre la main de quelqu’un, essuyer ses larmes, et lui parler au téléphone. Nous faisons confiance à la force de votre empathie et votre compassion pour que vous trouviez les mots, afin que même à travers le téléphone, vous touchiez les cœurs », a fait part, l'aumônier national musulman des prisons, Hassan El Alaoui Talibi, à ses pairs lors du lancement de la plateforme. « Nos aumôniers représentent dignement notre récent slogan "Confinés du corps, mais pas du cœur !" ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur