Arts & Scènes

Oumou Sangaré, gardienne de la tradition musicale du Mali

Rédigé par | Vendredi 24 Mars 2017 à 11:00

Après 30 ans de carrière, Oumou Sangaré demeure l’une des artistes africaines les plus influentes du monde. La chanteuse se produira dans la Grande Halle de La Villette vendredi 31 mars dans le cadre du Festival 100 % Afriques. L’artiste malienne y présentera des morceaux de son nouvel album intitulé « Mogoya » qui sortira en mai prochain. Rencontre.



Oumou Sangaré sera en concert le 31 mars à la Grande Halle de La Villette pour son unique date française. © Saphirnews.com / SD.
Artiste phare de la scène musicale africaine, Oumou Sangaré s’inscrit dans la longue tradition musicale du Wassoulou, au sud du Mali. Cette sous-région est célèbre pour la litanie d’artistes reconnus mondialement qui en sont sortis (Nahawa Doumbia, Djeneba Seck, Samba Diallo, Coumba Sidibé...) .

La chanteuse peule qualifie le Wassoulou de « petit coin d’environ 300 villages » qui doit le succès de sa musique à son métissage culturel. « Les Peuls sont naturellement des artistes. Ils ont pour origine l’Ethiopie. Si vous allez là-bas, vous verrez que l’art y est très développé. Les bergers chantent derrière leurs animaux, ils ont leurs flûtes. Ils jouent le ganguéré, le violon traditionnel », explique-t-elle auprès de Saphirnews lors de son passage à Paris en ce mois de mars. Peuple d’éleveurs, les Peuls se sont disséminés de l’est à l’ouest du continent africain. Oumou Sangaré chante, elle, en bambara, langue parlée dans la sphère culturelle mandingue du Sénégal au Niger en passant par la Guinée, la Cote d’Ivoire et le Burkina Faso.

Né en 1969, fille et petite-fille de chanteuse, Oumou Sangaré accompagne et soutient sa mère depuis toute petite en se produisant lors de baptêmes et mariages. Elle se fait repérer et part alors en tournée avec le groupe Djoliba alors qu’elle n’a que 16 ans. En 1987, Ibrahima Sylla, boss du label Syllart Records lui fait enregistrer « Moussolou », son premier album qui sortira l’année suivante. Le succès de son premier opus la conduise au label World Circuit en 1991. Depuis, elle écume les festivals à travers le monde et enchaîne les réussites commerciales.

« La vie est un combat, il faut résister »

En mai prochain, sous le label indépendant No Format, sortira son sixième album, « Mogoya » qui signifie « les relations humaines ». « J’ai remarqué que les hommes ne respectent plus leur parole, ils sont sans moralité. Les mentalités sont mauvaises et on se tire vers le bas. Chez nous en Afrique et plus précisément au Mali, la valeur d’un homme se mesure a sa parole. Les Blancs font des contrats pour être sûrs qu’ils ne vont pas se trahir. Nous, on ne connaissait pas ça. Si on donnait notre parole d’honneur, ça suffisait. Aujourd’hui on est en train de perdre cette qualité », explique Oumou Sangaré.

Elle estime qu’en tant qu’artiste, son rôle est « de signaler ce qui ne va pas lorsque la société se dégrade, nous devons parler pour que les gens se ressaisissent ». Il s’agit d’ailleurs du message du premier single de l’album « Yere Faga », enregistré avec la légende Tony Allen, ancien batteur du musicien nigérian Fela Kuti. « Les souffrances de la vie actuelle poussent beaucoup de gens à se suicider. Je parle en mon nom et raconte que si quelqu’un devait mourir à cause des calomnies je serais la première. J’ai pu tenir et je tente de décourager les gens qui veulent passer à l’acte. La vie est un combat, il faut résister », dit-elle.


La musique malienne, source d'inspiration des musiques noires

Son statut d’artiste internationale ne lui fait pas oublier ses racines. Consciente de son rôle d’ambassadrice du Mali, elle dédie le morceau « Mali Niale » à ses compatriotes. « Lorsque j’ai présenté l’album à la presse malienne, c’est celle qui a fait tiquer tout le monde. Notre pays traverse une crise, l’image du Mali a été salie. C’est à nous, Maliens, chanteuses, artistes, de montrer que nous sommes là, debout », témoigne-t-elle avec émotion.

« Je n’ai jamais voulu quitter mon pays », ajoute-t-elle car « quand il y a un problème chez toi, tu ne dois pas fuir. Il faut faire face pour trouver la solution ». Oumou Sangaré pointe le fait que « des enfants sortent pour aller mourir dans la mer parce qu’ils veulent rejoindre l’Europe ». Selon elle, « on peut trouver la réussite partout. J’ai essayé de motiver ces jeunes et leur dire que la richesse est chez nous. Nous avons de l’or sous notre terre ». « L’Europe n’est pas un monde de merveilles », conclut-elle.

La diva montre l’exemple en investissant dans divers domaines dont notamment l’hôtellerie et l'événementiel : « Je suis en train de développer un village pour mon festival de musique au Wassoulou. J’ai fait confectionner 40 cases rondes avec toilettes, climatisation, etc. Les travaux sont presque terminés, le festival se déroulera en mai prochain. » Des artistes locaux se mêleront à des stars internationales telles que Viviane N’Dour. « Il y aura des artistes éthiopiennes parce que l’origine des wassoulounkés est l’Ethiopie », dévoile-t-elle.

Oumou Sangaré s’attache à promouvoir et valoriser la musique traditionnelle : « Je ne veux pas être trop détachée de ma culture et de mes sources. Ce que je peux apporter au reste du monde, c’est ma culture. Je ne vais pas être meilleure que les autres en Rnb. Il faut que certains puisse garder, défendre la tradition parce que sinon elle va se perdre. Elle est trop belle pour disparaître. C’est elle la source qui a inspiré le Rnb, le reggae, le blues et toutes ces autres musiques noires. Elles tirent leur source du Mali. Il faut un ange gardien de cette tradition. »