Economie

Les soldes : passage obligé pour le prêt-à-porter musulman ?

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Vendredi 11 Janvier 2013 à 00:00

Le coup d’envoi des soldes a été lancé mercredi 9 janvier à 8 heures pétantes. C’est le début de cinq semaines de frénésie dépensière, qui n’épargneront pas les consommateurs musulmans et dont doivent tenir compte les petits commerces musulmans qui pullulent dans les rues et surtout sur le Web.



Des consommateurs matinaux sur le pied de grue devant les boutiques, mercredi 9 janvier. C’est l’image du coup d’envoi des soldes qui se termineront le 12 février. C’est parti pour cinq semaines de rabais, qui permettront sans doute aux consommateurs de faire de bonnes affaires.

Les musulmans ne dérogent pas à la règle et en profitent comme tout le monde. Quant aux boutiques dédiées aux consommateurs de culture musulmane, elles jouent, pour la plupart d’entre elles, le jeu des soldes.

Consommation en hausse pendant le Ramadan et les soldes

66 % des Français ont l'intention de faire les soldes, soit 5 points de plus que l'an dernier, d’après un sondage BVA pour Les Échos reposant sur une enquête réalisée auprès de 1 230 personnes âgées de plus de 15 ans, les 7 et 8 janvier.

La majorité des Français est donc prête à braver les longues files d’attente, qui sont monnaie courante devant les caisses des magasins durant les soldes. Plus encore là où les rabais sont alléchants : en période de crise, les Français ne disent pas non aux économies.

Ce sont les vêtements et autres équipements hi-fi et électroménagers qui sont prisés. Dans cette course aux bonnes affaires, les musulmans répondent présents. « Ils ne sont pas différents des autres », estime Abbas Bendali, le directeur du cabinet Solis. L'agence spécialisée dans les études marketing ethniques n’a mené aucune enquête sur ce sujet, mais le « profil plus jeune et plus urbain des musulmans fait qu’ils sont présents dans des grandes agglomérations », indique M. Bendali, qui ajoute qu’aux heures de repas ces actifs urbains ont la possibilité de se rendre dans les « centres commerciaux situés à proximité de leur lieu de travail ».

En fait, les musulmans ne se distinguent pas dans leur consommation du reste de la population en dehors du Ramadan et des fêtes de l’Aïd el-Kébir et de l’Aïd el-Fitr. Lors de ces périodes de jeûne et de festivités, ils se « font plus plaisir et dépensent davantage », commente le directeur de Solis, qui indiquait dans une enquête précédant le mois de Ramadan 2011 que 350 millions d’euros seraient dépensés par les ménages musulmans durant cette période.

Pendant les soldes, ils dépensent également davantage, à l'instar de la plupart des Français.

Des soldes pour la clientèle

Les commerces qui visent les consommateurs musulmans ont tout intérêt à proposer des soldes s’ils souhaitent attirer leur clientèle durant cette période. C’est surtout le cas des boutiques de prêt-à porter qui doivent faire face à la concurrence de grandes enseignes et qui affichent, dès les premiers jours, des rabais très attractifs.

La boutique An-Nissa, spécialisée dans la mode des femmes musulmanes et qui a ouvert ses portes à Asnières-sur-Seine (Île-de-France), il y a un an et demi, l’a bien compris et propose des soldes avec des réductions allant de − 20 % à − 40 %. « On suit la procédure. Les soldes sont surtout un avantage pour la clientèle », explique l’adjointe du magasin.

Cette bataille se joue également sur le Web avec le développement des sites d'e-commerce. 29 % de Français comptent acheter dans les magasins et sur Internet contre 24 % il y a un an, selon le sondage BVA. 7 % d'entre eux vont même profiter des soldes uniquement sur le Web.

On assiste en parallèle à l’augmentation du nombre de sites d'e-commerce dédiés aux consommateurs de culture musulmane. C’est le cas de Moultazimoun, une boutique en ligne dédiée à la mode musulmane, qui joue également le jeu des soldes en affichant des rabais jusqu’a – 70 % sur sa page d’accueil, de même que le site DaralHijab.com, doté d’un habillage spécial soldes.

Pour les petits commerces en ligne, il n’est pas toujours évident de proposer des rabais, qui peuvent être à perte, mais cela peut s’avérer nécessaire pour faire face à la concurrence féroce en période de soldes.

Soldes d’Aïd

Si suivre le mouvement des soldes est naturel pour des boutiques musulmanes, pour d’autres, ce n’est pas si évident. Ainsi, la gérante de la boutique de prêt-à porter féminin en ligne AlSheyma.com a décidé, cette année, de proposer des soldes alors que jusqu'à présent, elle n’en proposait que lors des fêtes de l’Aïd.

Il est vrai que les commerçants ont le droit, depuis 2009, de recourir à des soldes libres ou soldes flottants de deux semaines, pour lesquels ils choisissent leurs dates. Ils peuvent par ailleurs faire des promotions ou des opérations de déstockage toute l’année.

La gérante d’AlSheyma, qui réalise lors de ses soldes de l’Aïd 20 % de plus sur son chiffre d’affaires habituel, espère réaliser la même performance, « + 20 à 30 % » , pour ses premières soldes en périodes traditionnelles, où elle propose entre 10 et 50 % de baisse sur les prix de ses articles. Elle qui n’avait pas proposé de soldes à cette période l’an dernier a plié face à la demande de ses clientes, nous dit-elle.

D’autres choisissent tout simplement de ne pas faire de soldes comme la boutique en ligne Bismillahboutique, qui existe depuis 4 ans et qui existait déjà quatre ans avant à l’état de forum. La boutique en ligne peut se permettre de le faire car, durant les soldes, elle ne souffre nullement de la concurrence. « Nous ne sommes pas si nombreux que cela à avoir la même gamme. Les gens savent où nous trouver », constate Elodie Ablaoui, du site d'e-commerce. Mais si la boutique ne propose pas de soldes, elle propose toute l’année des articles en promotion. « Nous avons d’ailleurs une rubrique Promotions », indique-t-elle.

Les petites boutiques en ligne ou qui ont pignon sur rue sont davantage confrontées à la rude concurrence des grandes enseignes durant les périodes de soldes. Pour tirer leur épingle du jeu, elles peuvent surtout se démarquer par l’originalité des produits qu’elles proposent.

Gare aux abus

Reste que ces soldes s’annoncent gagnants pour les commerçants, d’après les premières prévisions. « Janvier 2013 devrait être un très bon millésime en termes de montants de dépenses pour ces soldes », indique ainsi l’institut de sondage BVA. 23 % des Français ont l’intention de dépenser plus de 300 €, 28 % entre 200 et 299 €, 33 % entre 100 et 199 € et 10 % moins de 100 €. Mais pour dépenser au mieux ces sommes plus ou moins élevées, les consommateurs devront rester vigilants.

« Chaque année, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) constate des abus de la part des commerçants », met en garde 60 millions de consommateurs. « En 2011, elle a épinglé près de 29 % des 10 044 commerces contrôlés », ajoute l’association de défense des consommateurs.

« Certains commerçants font miroiter de gros rabais en gonflant le prix de départ, induisant ainsi le consommateur en erreur quant au niveau réel de la réduction », constate-t-elle. Par ailleurs, « les publicités à l’intérieur du magasin ne distinguent pas assez clairement les articles soldés de ceux qui ne le sont pas », regrette 60 Millions de consommateurs.

Aux consommateurs donc de restez vigilants et de demander plus d’explications aux vendeurs en cas de doute pour réussir à faire réellement de bonnes affaires.