Société

La vice-présidente d'une association musulmane décorée de l'ordre national du Mérite

Rédigé par Myriam Attaf et H. Ben Rhouma | Jeudi 7 Janvier 2021 à 17:55

La liste des Français décorés de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite est marquée du sceau de la crise sanitaire. Si elle a, en grande partie, récompensée des acteurs et des actrices en première ligne face à l'épidémie de la Covid-19, elle a aussi distingué des citoyens pour divers mérites. Nadia Hachami-Lemercier, vice-présidente d'une association cultuelle et culturelle musulmane à Château-Gontier, dans la Mayenne, en fait partie. Portrait.



La vice-présidente de l'association Mosaïque, Nadia Hachami-Lemercier, fait partie des Français décorés de l'ordre national du Mérite en 2020. © DR / Saphirnews
Les promotions 2020 des Français décorés de la Légion d’Honneur et de l'Ordre national du Mérite dévoilées vendredi 1er janvier a rendu un bel hommage aux personnes qui se sont activement impliquées dans la bataille contre la Covid-19. Et pour cause, 63 % des 3 884 Français récompensés l'ont été pour avoir participé à la lutte contre l'épidémie, « à tous les niveaux et dans tous les domaines ». « Ces nominations et promotions incarnent ainsi parfaitement les valeurs et mérites distingués par nos deux premiers ordres nationaux », lit-on dans l’avis portant sur les promotions 2020. En parallèle, la présidence de la République a également honoré une quinzaine de personnalités religieuses ou œuvrant dans les domaines cultuel et interreligieux.

C'est le cas de Nadia Hachami-Lemercier, faite chevalier de l'Ordre national du Mérite pour ses 14 ans de services dans les domaines de l'éducation et de l'insertion professionnelle, des compétences qu'elle a mises au service de l'association cultuelle et culturelle Mosaïque, basée à Château-Gontier, dans la Mayenne (Pays de la Loire), une structure qu'elle a rejointe en tant que bénévole voici plus de cinq ans et dont elle assure la vice-présidence depuis quatre ans.

Cette distinction, la responsable de formation ne s'attendait à la recevoir. « C’était quelque chose que je n'avais pas du tout en tête donc ça a été une surprise ! J’ai appris cette nouvelle par un de vos confrères journalistes qui m’a laissée un message et j’ai été étonnée. Je suis allée voir sur Internet et j'ai effectivement retrouvé mon nom dans la liste », raconte-t-elle à Saphirnews, honorée par cette décoration qu'elle voit comme « un vrai cadeau ».

« Mon implication professionnelle tourne surtout autour de l'éducation et de l'insertion professionnelle. Et Mosaïque traduit cet engagement », explique Nadia Hachami-Lemercier, arrivée en France du Maroc à l'âge d'un an. Elle a travaillé un temps pour l'Education nationale avant de découvrir, l'éducation populaire il y a une vingtaine d'années. C'est, dit-elle, en s'impliquant sur un chantier d'insertion auprès d'un public en échec scolaire qu'elle a trouvé sa vocation.

Œuvrer pour la population locale

Créée en 2009, l’association Mosaïque, qui compte une quinzaine d'administrateurs et permet à une soixantaine de familles de Château-Gontier et de ses alentours de pratiquer son culte, a pour objectif d’« assurer l’exercice public du culte musulman, enseigner le message et la pratique de l’islam, et pourvoir aux frais et besoin de ce culte » à l'échelle locale selon ses statuts consultables au Journal officiel. Elle s’est aussi donnée pour mission de « promouvoir les échanges culturels, créer le dialogue interreligieux, et aider les musulmans à vivre en harmonie avec la société en favorisant les rencontres, l'entraide et la solidarité avec et envers leurs concitoyens ».

L'association est propriétaire de la mosquée de Château-Gontier, financée et achetée par ses soins grâce aux dons des fidèles. « Notre objectif de départ est d'assurer le culte religieux sur notre territoire. Notre ancrage territorial est là. Nous voulions un lieu qui nous rassemble, un lieu qui soit digne et qui nous permette d'exercer notre culte », déclare Nadia Hachami-Lemercier.

Ancrage territorial. Cette expression revient souvent dans la bouche de la vice-présidente, qui souhaite que l'ordre national du Mérite dont elle est aujourd'hui distinguée valorise l'investissement cultuel, culturel et éducatif de Mosaïque, et qu'il forme une nouvelle preuve que les citoyens de confession musulmane sont capables de s'impliquer dans la société. « Je pense que si cette distinction m’honore personnellement, elle rejaillit avant tout sur l’association et plus encore sur le reste de mes concitoyens qui pourront peut-être se retrouver dans un parcours comme le mien. Qui pourront se dire nous sommes Français de confession musulmane et que nous avons, nous aussi, notre pierre à apporter. Il est possible d’être reconnu pour ses actions et d’avoir sa place dans cette société », affirme-t-elle.

Assurer un ancrage territorial aux Mayennais de confession musulmane

En octobre 2019, l’association étend son champ d’actions en créant, avec la mosquée Essalam de Laval, une fédération des musulmans de la Mayenne. La structure départementale, qui réunit une dizaine de membres, vise à « faire entendre la voix » des musulmans auprès des institutions et de l’Etat. Le point de départ de cette initiative ? Le sentiment de ne pas être sur la même longueur d'onde que les représentants nationaux du culte musulman.

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« Notre approche est spécifique : on part de notre territoire, de ses besoins et du besoin de nos concitoyens pour développer nos actions », déclare Nadia Hachami-Lemercier. Avant d'ajouter : « On souhaite bénéficier d'une représentation à l'échelle départementale pour se mettre d'accord sur des questions pratico-pratiques » comme l'organisation des fêtes religieuses ou l'abattage rituel.

Cette représentation à l'échelle locale était, selon la vice-présidente de Mosaïque, indispensable. « Il faut que les citoyens puissent s’adresser à des personnes connues, des personnes de proximité. Avoir une organisation départementale capable d’entendre la voix de ces citoyens et de la faire entendre auprès des institutions locales, de l’Etat mais aussi auprès des entreprises et des associations. S'il y a besoin de parler, on sait qu’on peut s’adresser à cette fédération », dit-elle.

Dépasser l'investissement cultuel et agir pour le plus grand nombre

Pour assurer un meilleur ancrage, la mosquée Mosaïque, ouverte en temps normal aux habitants quelle que soit leur confession pour « dissiper les fantasmes » autour de l'islam, mise aussi sur le dialogue interreligieux et échange fréquemment avec les représentants locaux des cultes, notamment ceux de la communauté chrétienne. L'association participe régulièrement aux rencontres entre musulmans et chrétiens organisées par l'association Amitié Interreligieuse en Mayenne (AIRM), fondée en 2015. Et Mosaïque compte bien, par ailleurs, encourager ces échanges en organisant, en partenariat avec ses voisins chrétiens, un évènement par an. « On a envie de créer des moments d'échanges qui nous permettront d'élaborer des actions communes récurrentes », espère Nadia Hachami-Lemercier.

La vice-présidente de Mosaïque tient néanmoins aussi à ce que l'activité de ses fidèles dépassent l'investissement cultuel. « C’est important que les Français de confession musulmane proposent des projets qui ne sont pas forcément liés à leur religion », dit-elle. Dans cette optique, en 2018, l'association a organisé une soirée caritative pour aider au financement de petites voiturettes électriques au profit de l'hôpital de Château-Gontier permettant aux enfants d'aller de la salle d'attente au bloc opératoire.

L'implication des bénévoles ne s'arrête pas là. Au plus fort de la crise sanitaire, certains ont participé à une collecte de sang organisée par la mairie de la ville tandis que d'autres ont apporté des petits déjeuners à l'hôpital. Une bénévole a même mis ses talents de couturière au service des personnels et des patients en fabriquant de masques et des calots chirurgicaux. Pour Nadia Hachami-Lemercier, ces actions démontrent que la solidarité est une force vive indispensable pour « faire front face à cette pandémie, tous ensemble ».

« Souvent, on se dit que c’est l'Etat qui doit changer les choses. Moi, je pense que ce qui compte, c’est ce qu’on fait sur un territoire et comment on s’y implique », affirme-elle avec conviction, déterminée à pousser ses coreligionnaires à entreprendre. « Chacun a sa pierre à apporter (dans la société) et nous d’autant plus. On est en mesure de le faire. Et l’un des objectifs de notre association, c’est de nous rendre acteurs de notre société, de nous dire que c‘est possible. »

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