Société

La Fête des mères : une fête quotidienne pour les musulmans

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Samedi 2 Juin 2012 à 17:00

Un jour pour les mamans. En France, la Fête des mères est fixée au dimanche 3 juin cette année. Cette fête est entrée dans les mœurs. Même si elle a pris l’allure d’une fête commerciale, les Français y restent attachés. Et les musulmans, sceptiques quant à l’idée d’une fête spécifique, approuvent l’idée qu’elle véhicule car, dans l'islam, la mère prend une place ô combien importante.



Tous les ans, les fils et filles plus ou moins jeunes célèbrent leur maman, celle qui les a mis au monde et élevés. La volonté de fêter les mères date de longtemps. A l’époque de la Grèce antique, on célébrait déjà les mères. Des cérémonies printanières en l’honneur de Rhéa, la Grande Mère des dieux et notamment mère de Zeus, étaient organisées. A Rome, au Ve siècle avant notre ère, on fêtait les Matronalia (les matrones).

Et le concept moderne de la Fête des mères nous vient des Etats-Unis avec le Mother’s Day, qui y est instauré en 1908. Quelques années plus tard, le Royaume-Uni reprend cette fête, puis c’est au tour de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie ou encore de la Turquie.

En France, on a d’abord fêté les mères de familles nombreuses dès 1920, puis le gouvernement a officialisé une Journée des mères en 1929. C’est en 1950, avec l’élaboration d’une loi que l’on va parler de Fête des mères. Cette loi en fixe la date : le dernier dimanche de mai, sauf si cette date coïncide avec celle de la Pentecôte, auquel cas elle est repoussée au premier dimanche de juin comme c’est le cas en cette année 2012.

Une fête pas vraiment ancrée dans les mœurs des musulmans

Depuis, la Fête des mères a fait du chemin. Dans le monde, de nombreux pays ont adopté cette célébration. Cette fête qui permet aux enfants de témoigner leur amour et leur gratitude à l’égard de leur mère est devenue une festivité annuelle bien ancrée dans les habitudes. 81 % des Français la souhaitent systématiquement, révèle un sondage Ipsos de l’an dernier. Heureusement, car les mamans sont 74 % à déclarer être très déçues si l’on ne leur souhaite pas leur fête. Notons que cette fête est plus respectée par les femmes. « Elles sont 87 % à ne pas déroger à la règle et à souhaiter la fête des mères tous les ans contre 74 % des hommes. »

Mais les musulmans se sentent moins concernés par cette fête. C'est le cas d'Aïcha, un cadeau de la fête des mères dans la main confectionné par son plus jeune enfant à l'école, qui explique que cela « fait plus plaisir aux enfants. Du coup, cela nous fait plaisir également. On joue le jeu ». Même son de cloche pour Fatima, qui indique qu'« une fois, qu’ils grandissent, ils ne nous fêtent plus ». L'école est donc une institution qui s'efforce de transmettre ce rituel, même si, au final, ce sont les enfants qui l’intégreront ou pas dans leurs habitudes.

Dans de nombreux autres pays à travers le monde, célébrer la Fête des mères est devenue un rituel comme aux Etats-Unis. Là-bas, l’idée est venue d’Ana Jarvis, une institutrice qui deux ans après la mort de sa mère, en 1907, lança une campagne pour créer une Fête des mères officielle. Grâce à son combat, depuis 1914, le deuxième dimanche du mois de mai est un jour férié où l’on fête les mamans. Une date reprise par de très nombreux pays comme la Suisse.

La fête des fleuristes

Cependant, Ana Jarvis ne serait pas heureuse de la tournure qu’a pris sa fête. En effet, à l’heure actuelle, le côté commercial de cette fête ressort beaucoup. A l’époque d’Ana Jarvis, les marchands avaient déjà décelé tout le potentiel économique de cette fête. L’institutrice avait alors protesté pour que sa fête ne devienne pas une publicité pour les fleuristes.

Mais, aujourd’hui, on peut dire que c’est le cas. Cette fête est une aubaine pour les fleuristes qui ne se privent pas pour promouvoir leurs bouquets. C’est l’occasion pour eux d’augmenter considérablement leur chiffre d’affaires. « Les ventes de la période de la Fête des mères représentent au moins 3 % du chiffre d'affaires annuel des fleuristes, avec plus de 500 000 bouquets », révèle Les Echos. En 2010, le premier cadeau reçu par les mères était des fleurs (28 %).

Les autres commerçants, transporteurs et prestataires profitent également de ce jour spécial pour faire des bénéfices importants car, durant la Fête des mères, on n’offre pas que des fleurs. Après les fleurs, c’est le parfum qui est très prisé. Les ventes de coffrets explosent. En 2010, 13 % des mères ont reçu un parfum en cadeau et 11 % se sont vu offrir des bijoux ou des montres.

Pour bénéficier de cette manne financière, les marques usent de tous les moyens. D’autres secteurs investissent le terrain. Les publicités se multiplient. On propose des machines à cafés ultradesign, des gadgets technologiques comme des iPads ou encore des soins de bien-être. Tous les moyens sont bons pour attirer la clientèle et la faire dépenser.

En Suisse, le site Internet Lematin.ch a indiqué que les livreurs de fleurs se sont arraché les mots clés relatifs à l’expression « Fête des mères » quelques jours avant la fête qui a eu lieu le 13 mai cette année. Google avait d’ailleurs constaté une forte hausse de cette requête.

Afficher des liens publicitaires sur Google reste primordial pour les professionnels, même si 54 % des Français se rendent en priorité dans un centre commercial pour faire leurs achats de cadeaux. Viennent ensuite le petit commerce, qui concerne environ 20 % des acheteurs, puis Internet (10 %) et le supermarché (environ 6 %). La somme moyenne dépensée est de 40 €.

« C'est du marketing », déplore Dialla, jeune maman de quatre enfants. Pour riposter, elle a décidé d'offrir un cadeau à sa mère quand le jour de la Fête des mères sera passé : « Je vais laisser passer un peu de temps. »

Une fête annuelle chez les musulmans

Face à cette frénésie de dépenses, beaucoup de personnes notamment musulmanes comme Dialla, considèrent que la Fête des mères a perdu son essence. Dommage, car elle doit avant tout être le symbole de la gratitude de l’enfant envers sa mère. Face au marché, l’aspect symbolique semble s'être effacé alors qu’un simple mot doux et un gros bisou suffiraient amplement.

En outre, comme on l'a vu, cette fête n'est pas vraiment intégrée dans les mœurs des familles musulmanes car, dans la religion musulmane, les deux seules fêtes qui peuvent être célébrées sont l'Aïd el-Fitr (Fête de fin du Ramadan) et l'Aïd el-Kébir (Fête du sacrifice).

Pourtant, plusieurs pays musulmans ont intégré la Fête des mères à leur calendrier. L'Egypte a été le premier pays arabo-musulman à le faire. En 1956, deux frères Mustafa et Ali Amin, fondateurs du journal Akhbaar Al-Yawm, ont instauré une date pour fêter les mamans. Elle est fixée au 21 mars. D’autres pays arabes ont suivi l’Egypte et repris cette date comme l’Irak ou le Qatar. Ces pays musulmans partent du principe que la place de la mère est très importante et que lui réserver une date symbolique pour la fêter n’est donc pas « haram ».

Rappelons que, dans l’islam, la mère prend une place particulière. Dieu ordonne à l’homme de bien se comporter à l’égard de ses parents et tout particulièrement à l’égard de sa mère. « Et Nous avons enjoint à l’homme de la bonté envers ses père et mère : sa mère l’a péniblement porté et en a péniblement accouché ; et sa gestation et sevrage durant trente mois », peut-on lire dans le Saint Coran.

Ce comportement doit être constant car, dans la tradition islamique, la mère doit être choyée chaque jour. « Ça fait plaisir de recevoir des cadeaux mais c'est pas suffisant. Le respect vaut beaucoup plus que les cadeaux. Cette Fête devrait avoir lieu 365 jours par an, car il ne faut pas oublier que le paradis est sous les pieds des mères », conclut Dialla.