Religions

L'expression du fait religieux au travail, un phénomène en hausse mais mieux géré

Rédigé par Lina Farelli | Vendredi 8 Novembre 2019 à 16:00

Parce que le fait religieux en entreprise est « source de nombreux fantasmes et idées préconçues », l’Institut Montaigne a réalisé une nouvelle étude dont les conclusions sont nettes : la grande majorité des faits religieux au travail ne pose pas problème et n’est « pas toujours une cause de tensions sur le lieu de travail ». Explications.



Avec le concours de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE), l’Institut Montaigne a publié, jeudi 7 novembre, un nouveau baromètre du fait religieux en entreprise. Sur la base d’une enquête d’opinion réalisée auprès de 1 100 managers et des entretiens qualitatifs au sein d’entreprises concernées par ces enjeux, l'étude « Religion au travail : croire au dialogue » aspire à apporter des « éléments factuels » dans le débat sur les faits religieux au travail et à proposer des recommandations sur les meilleures actions à adopter.

Un phénomène en hausse

La présence du fait religieux au travail n’est « toujours pas anodine » mais s’est aujourd'hui banalisée, selon l’Institut Montaigne. Si le fait religieux en entreprise est loin d’être un phénomène nouveau, les managers constatent, ces dernières années, une hausse des faits religieux en entreprise (demande d’aménagements des heures de travail pour des raisons religieuses, prières dans les locaux de l’entreprise, port visible d’un signe religieux, prosélytisme…).

Au lancement du baromètre en 2012, 44 % des encadrants disent avoir été confrontés, « occasionnellement ou régulièrement », à des manifestations de religiosité au travail. Ce chiffre atteint aujourd’hui 70 %. Une écrasante majorité proviennent de salariés de confession musulmane, selon Lionel Honoré, professeur à l’Institut d’administration des entreprises de Brest et directeur de l’OFRE.

Pour expliquer cette hausse, l’Institut Montaigne avance la logique du « Venez comme vous êtes », qui « s’est progressivement imposée » et est « prise au mot par les salariés croyants ». Aussi, la question du sens du travail qui est devenu « primordiale » et qui s’appuie parfois « sur un niveau de spiritualité et de religiosité plus importants ». « Et puis surtout, derrière, il y a la question de la place de la religion dans la société, c'est une évolution sociale et sociétale qui se retrouve en entreprise », indique-t-on.

Le fait religieux au travail, un phénomène bien vécu en France

Selon l’étude, 54 % des faits religieux constatés en entreprise ont nécessité une intervention managériale mais 81 % d’entre eux n’ont occasionné ni blocage ni conflit. « Le fait religieux, contrairement aux idées reçues, n’est donc pas toujours une cause de tensions sur le lieu de travail. Les demandes des salariés en lien avec leur religiosité sont majoritairement considérées comme raisonnables, et il n’y a que très peu “d’effets de groupe” : près de neuf sur 10 d’entre elles sont individuelles », signifie l’étude.

Néanmoins, la part des faits religieux qui créent conflits et blocages et qui nécessitent une intervention managériale est en constante augmentation depuis 2013. « Elle a ainsi triplé en six ans (de 6 à 19 %) et, aujourd’hui, près d’un manager sur 10 faisant face au fait religieux se considère débordé par ce dernier », surtout lorsque la requête est collective (12 %).

Mieux préciser les règlements intérieurs

L’Institut Montaigne, qui déclare « se saisir d’un phénomène de société avec pour objectif de renforcer la cohésion sociale de notre pays », fait dix propositions pour une meilleure gestion des faits religieux au travail.

Dans le champ des actions publiques, le think tank appelle à « maintenir le cadre légal selon lequel les entreprises ont la possibilité d’encadrer l’expression de la religiosité au travail, sans remettre en cause la liberté des salariés pratiquants », et appuie le suivi de la formation dispensée par l’Observatoire de la laïcité.

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L’Institut Montaigne invite les entreprises à « préciser et formaliser dans le règlement intérieur une ligne directrice qui doit être un choix politique de l’entreprise », tout en « (veillant) au respect de la liberté d’exprimer sa religiosité et (en prévenant) les stigmatisations et discriminations » et en agissant « avec fermeté en cas d’excès ou de transgression ».

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