Religions

Interreligieux : tour du monde de Coexister, Atef Boukra président

Rédigé par Benjamin Sèze | Vendredi 31 Mai 2013 à 07:25

À 24 ans, Atef Boukra est le futur président par intérim du mouvement Coexister. Depuis qu'il milite dans cette association qui promeut le dialogue interreligieux, ce jeune musulman s'est rendu compte d'une chose : « C’est dingue ce qu’on ne se connaît pas ! » 



« Mettre un musulman à la tête de Coexister, il fallait oser ! Que Samuel ait pensé à moi, malgré cela et malgré la différence de milieu social, ça m’a beaucoup touché », confie Atef Boukra.

À l’automne, le mouvement de jeunes pour le dialogue interreligieux aura un nouveau président : lui, Atef, 24 ans, fils d’un père algérien et d’une mère tunisienne.

La perspective le réjouit autant qu’elle le fait flipper. Sa première réaction : « Mais comment vont le prendre nos partenaires, quasi tous chrétiens ? » Réponse de Samuel Grzybowski, qui préside aujourd’hui l’association : « Ceux qui nous aiment vont adorer. Les autres vont détester. »

« Finalement, conclut Atef. On pousse notre logique jusqu’au bout. » Au bout d’un chemin qui était loin d’être tracé pour cet ado qui a grandi au milieu des tours HLM de Le Mée-sur-Seine (77). « À 16 ans, j’étais anti-chrétien, antisémite, limite anti-blanc. »

Avec le recul, le jeune homme plaide l’ignorance. « De la maternelle au lycée, vous ne quittez pas votre quartier, vous fréquentez toujours les mêmes personnes. C’est un monde cloisonné. » Un monde où faire des études vaut d’être cité en exemple dans le journal local, où « vivre-ensemble » sonne comme « bisounours », où « associatif » signifie « des gens qui veulent se donner bonne conscience en construisant des MJC pour qu’on puisse faire du rap ».

« Identité nationale et démocratie »

Ses études de droit, son engagement dans Coexister, son investissement dans le label Lucidream du rappeur Disiz… À l’écouter, Atef aurait un parcours fait d’une succession de hasards. On a du mal à le croire, tant on le sent passionné. Il l’avoue d’ailleurs lui-même, avec humour : « Quand j’ai quelque chose en tête, je m’emballe facilement. »

La question de l’intégration et du rapport à la France le travaille constamment. Ce n’est pour le coup pas un hasard s’il a choisi « Identité nationale et démocratie » comme sujet de mémoire de master 2 en droit constitutionnel à la Sorbonne. Thème qu’il a voulu illustrer par le débat autour de la loi sur le port du voile intégral.

Un sujet « casse-gueule », l’avait-on prévenu. Lui pensait justement, par le biais du droit, pouvoir évoquer la question sereinement. Mais la soutenance de son mémoire se passe mal. L’examinatrice se désintéresse totalement du caractère démocratique ou non du débat – sujet du mémoire – pour se focaliser sur la question du voile. « Elle n’avait plus en face d’elle un étudiant, mais un musulman », se souvient Atef.

L’épisode le blesse profondément. « J’ai eu l’impression que de Sarkozy à l’universitaire intellectuelle de gauche, on me percevait uniquement comme musulman, banlieusard et fils d’immigrés. Que la France avait un problème avec moi. »

Dans cette période de doute, la rencontre fortuite avec les membres de Coexister est un bol d’air : « Des juifs et des chrétiens convaincus qui me voyaient avec bienveillance ! » Il s’investit à fond. « C’est devenu mon combat. »

Parfois, lors d’interventions devant des auditoires majoritairement chrétiens, des questions le heurtent. L’image désastreuse des musulmans en France lui saute au visage. Mais il encaisse. L’expérience lui a fait prendre conscience d’une chose : « C’est dingue ce qu’on ne se connaît pas ! »