Religions

House of One : synagogue, église et mosquée sous un même toit

Rédigé par | Vendredi 18 Novembre 2016 à 08:00

Trois religions concentrées dans un même lieu, c’est l’ambition de la Maison de l’Unité (The House of One), dont la construction démarrera en 2019, à Berlin.



Situé en plein centre de Berlin, House of One, un projet architectural innovant, fait se rencontrer juifs, musulmans et chrétiens mais aussi les habitants du quartier quelles que soient leurs convictions.
Cette « maison de prière et d'enseignement pour tous », conçue par Kuehn Malvezzi, un trio d’architectes fondé en 2001 à Berlin et regroupant Simona Malvezzi, Johannes et Wilfried Kuehn, a pour nom The House of One (Maison de l’Unité). Elle rassemble sous un même toit une synagogue, une mosquée et une église au cœur de Berlin, à Petriplatz, sur l’emplacement d’une église gothique du début du XIIIe siècle.

Petriplatz est un site religieux en plein centre-ville datant du début du Moyen Âge, sur lequel ont successivement été bâties cinq églises. « La dernière église a été détruite dans les années 1960. Comme la paroisse locale n’avait plus besoin d’un tel espace, il a été décidé de construire un nouveau lieu autre qu’une église ou un musée », explique Johannes Kuehn, dont le cabinet d’architecture a remporté le concours international pour House of One en 2012.

(de g. à dr.) Les architectes Johannes Kuehn, Simona Malvezzi et Wilfried Kuehn sont les lauréats du concours international 2012 pour House of One.
Ainsi, dès 2009, les protestants de la ville sont parvenus à réunir autour d’eux les autres communautés religieuses autour d’un nouveau projet architectural. Plusieurs organisations sont dès lors porteuses du projet : l’Église évangélique de Saint-Pierre-et-Sainte-Marie et l’Église protestante de Berlin-Centre ; la Communauté juive de Berlin et l’Abraham Geiger College (établissement d’enseignement supérieur juif) ; le Forum pour le dialogue interculturel (pour les musulmans).

Rien à voir avec un lieu œcuménique. Les trois espaces religieux seront distincts mais sont reliés par un espace commun central, permettant ainsi de rendre possibles les rencontres et les événements interreligieux. « Tout en restant fidèles à leur foi, les croyants pourront pratiquer leur rites mais aussi entrer en conversation les uns avec les autres et être en lien avec la société urbaine et séculaire. Ce sera une maison de justice, de paix et de réconciliation », selon les déclarations du pasteur Gregor Hohberg, de l’Église évangélique de Saint-Pierre-et-Sainte-Marie.

Garder la mémoire historique et religieuse du site

« Nous avons fait le choix de partir de l’histoire du site et de construire sur les fondations de la dernière église, avec de la brique et des murs épais d’un mètre. House of One prend la forme de la dernière église s’agissant de ses fondations, puis s’élève en hauteur de façon différente », explique l’architecte.

Ainsi, au sous-sol se trouvent les excavations architecturales, où les fondations archéologiques seront visibles par le public. Au-dessus s’élève le nouveau bâtiment à la forme contemporaine.

Au 1er étage se trouve l’espace central : un grand atrium pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes, à partir duquel se fait la distribution des autres espaces, à savoir les trois espaces religieux de 100 m² chacun. Toutes orientées vers l’est mais ayant chacun une forme différente (carrée, rectangulaire, hexagonale), synagogue, église et mosquée se trouvent entre le 1er et le 2e étage, se succédant selon l’ordre chronologique des trois monothéismes.

Autour de l’atrium central tout en rondeur sont distribués les trois lieux de culte aux formes distinctes : carré (synagogue), rectangle (église), hexagone (mosquée).
« Chaque espace religieux a une capacité d’accueil d’une centaine de personnes, l’espace central a une hauteur de 11 m de haut et deux mezzanines peuvent aussi accueillir jusqu’à 200 personnes », détaille Johannes Kuehn. « On a focalisé sur l’espace central qui rassemble les trois religions monothéismes, les croyants quittent leur espace spécifique pour se réunir sur un pied d’égalité dans un espace neutre. »

Tout en haut, la terrasse semi-couverte, qui est le plus grand espace, est ouverte au grand public. Un rooftop qui devrait séduire les Berlinois, car il donne une vue imprenable sur la cité.

« Non loin d’Alexander Platz, House of One se trouve dans un quartier mixte sur le plan social et économique, avec, d’un côté, l’île aux Musées de Berlin (classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, ndlr) et, de l’autre, des logements sociaux. C’est une zone dense d’habitations, avec beaucoup de circulation », décrit Caroline Wuerthner, chargée de communication de Kuehn Malvezzi.

Un chantier estimé à 43,5 millions d'euros

Le budget est estimé à 43,5 millions d’euros. L’objectif est de pouvoir réunir 10 millions d’euros pour démarrer les travaux. « Le lieu pourra être ouvert dès lors que les fondations seront construites », explique l’architecte. « Puis le bâtiment grandira au fur et à mesure des fonds récoltés. » Fin 2015, un peu plus de 1 million d’euros a été réuni grâce au financement participatif, où le principe est de construire brique par brique le projet, chaque brique ayant une valeur de 10 €.

Jusqu’au 4 janvier 2017, House of One fait l’objet d’une double exposition : à la Solo Galerie (Paris 3e), où sont présentées des maquettes et des photos, et au CentQuatre (Paris 19e), où un marquage au sol à l’échelle réelle permet de se faire une idée de la circulation au sein du futur bâtiment interconvictionnel.
En juillet 2016, les pouvoirs publics ont contribué : 2,2 millions d’euros de la part du gouvernement fédéral et 1,1 million d’euros reçus du Land de Berlin. Une obole publique impensable en France, du fait de la loi de la séparation des Églises et de l’État. On se souvient du désengagement de la maire de Paris Anne Hidalgo à l’égard du deuxième bâtiment à construire de l’Institut des cultures d’islam.

Le cabinet Kuhn Malvezzi avait d’ailleurs concouru pour l’appel à projets urbains « Réinventer Paris », en proposant une Maison du vivre ensemble. Là, pour Paris, pas question de proposer en un même endroit des lieux de culte et un espace central laïc, à l’instar de House of One. Dans un bâtiment unique auraient été regroupés « un espace de rencontre autour des religions et des convictions, un musée de la Laïcité, une médiathèque » dans le but de « promouvoir des événements communs aux confessions et le dialogue interreligieux ».

« La religion est parfois prise en otage par des extrémistes, alors que la majorité des croyants suivent leur religion dans la paix », reconnait Johannes Kuhn. « House of One est le symbole d’un espoir », estime-t-il.

Le CentQuatre a décidé de mettre en avant ce projet architectural en présentant aux curieux un plan en grandeur réelle de la future House of One. Jusqu’au 4 janvier 2017, les visiteurs de l’établissement culturel parisien peuvent prendre connaissance d’une version dessinée au sol du projet à l’échelle 1/1 qui « encourage la circulation des personnes et des idées en mettant littéralement à plat les conventions de représentation ».



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur