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Google : le bon, la brute ou le truand ?

Rédigé par Aymeric Bourdin | Vendredi 26 Avril 2013 à 00:14

Parmi les nombreux ouvrages qui pointent les risques d’une omnipotence de la firme de Mountain View, l’enquête de Pascal Perri se situe résolument du côté du consommateur et de l’intérêt public. Avec un ouvrage documenté et riche en exemples, cet essai, quoi que diabolisant par moments Google, montre avec clarté les enjeux que soulève sa croissance tous azimuts.



Essayant d’instruire le procès équitable du moteur de recherche préféré des Européens (97% d’internautes), Pascal Perri* liste les éléments à charge contre une entreprise de taille mondiale, fondée il y a seulement quinze ans.

Google omniscient ?

Une des questions clé de l’ouvrage est de savoir si la confidentialité existera encore dans le monde que prépare Google. Si nous n’en savons que très peu sur le fonctionnement de Google, la firme sait presque tout de nous : habitudes de consommation, centres d’intérêt et goûts. Ainsi, depuis le 1er mars 2012, Google s’autorise à croiser des informations sur ses visiteurs pour disposer de profils de comportement plus précis.

Partage du carnet d’adresses et enregistrement des habitudes de consommation seraient en fait le véritable prix à payer par l’utilisateur pour la gratuité du service. Pour l’économiste, le gratuit n’existe pas ; il est forcément payé à un moment ou à un autre.

La plus grande agence de publicité au monde

Ainsi, la source de valeur ajoutée pour Google, est le ciblage du consommateur, vendu à des annonceurs à prix d’or. Ces derniers achètent des bannières par lesquelles ils sont sûrs de toucher la bonne cible. La publicité, qui a longtemps été un bombardement intensif, procèdent sur Google par frappes chirurgicales.

Google est donc à la fois un moteur de recherche et une grande agence de publicité qui vend de l’espace et surtout détient une cartographie très précise des internautes-consommateurs.

Ainsi, la domination de Google sur le marché de la recherche d’information lui a permis de faire la conquête du marché publicitaire mondial. Notons simplement que 95 % des revenus de Google viendraient des recettes publicitaires.

Un acteur politique

Google défend âprement ses intérêts face aux autorités des pays où il est implanté.

Depuis 2012, on sait que Google est devenu experte en optimisation fiscale. Son chiffre d’affaires en France est ainsi estimé à 1,5 milliard, mais les transactions sont enregistrées à Dublin en Irlande où la TVA est plus basse qu’en France.

Par ailleurs, la nature de l’activité de Google pose des questions graves de confidentialité, qui obligent la firme de Mountain View à mener une intense activité juridique et politique et à défendre son image : Google est devenu un acteur politique. En témoignent notamment les « somptueux » locaux parisiens de l’entreprise, ainsi que l’équipe dite « commando » recrutée pour convaincre les pouvoirs publics des bonnes intentions de l’entreprise.

D’un point de vue démocratique, la puissance de Google sur Internet n’est pas sans poser problème. En effet, les capitaux de la firme en Bourse sont anonymes. Comment garantir qu’un jour ils ne tombent pas dans de mauvaises mains ? « Jusqu’à présent, assure Pascal Perri, le débat n’a pas été engagé, occulté qu’il est par le postulat que les algorithmes sont objectifs et sûrs… »

Google, une marque cannibale

Malgré sa belle promesse de diffusion des savoirs, le moteur de recherche évoluerait vers un monopole de l’accès à Internet. Selon l’auteur, le « gardien de la porte d’entrée au Web risquerait de devenir le maître du palais et, à terme, de choisir qui rentre et qui sort »

Comme environ 50 % du trafic des sites commerciaux serait fourni par Google, la menace d’invisibilité plane déjà sur les entreprises qui ne seraient pas « clientes » de la société. Ainsi, les entreprises de e-commerce sont de plus en plus dépendantes de l’algorithme du moteur de recherche. Cela se ressent déjà dans les secteurs du voyage et des guides touristiques, pour ne citer qu’eux.

La neutralité du moteur de recherche serait une illusion

Au-delà des liens commerciaux qui s’affichent lors des requêtes, l’auteur développe l’idée selon laquelle Google manipulent les résultats de la recherche. Les capteurs (spiders) du moteur ne peuvent pas explorer tout le Web en une fraction de seconde : un choix est donc fait dans l’information présentée.

Cette anomalie est peut-être liée aux nouvelles ambitions de Google. La société ambitionne en effet de muter : d’achemineur, elle veut devenir producteur d’information. La société a été condamnée plusieurs fois pour avoir préféré « ses » réponses à celles de ses concurrents. En proposant à l’internaute des résultats de recherche où figurent ses propres produits et services, Google devient en quelque sorte juge et partie.

Par ailleurs, la firme développe ses propres services de sélection sur les réservations de vols ou de chambres d’hôtel : il se fait distributeur et producteur de services. « Le nouveau modèle de Google, dans lequel le moteur est le médiateur entre les offres et le consommateur final pourrait être à l’origine d’un véritable conflit d’intérêts. On sait d’expérience ce qu’il advient quand une entreprise est tout à la fois distributeur et producteur, face à d’autres producteurs indépendants. »

Un appel à la vigilance

Avec des termes comme « l’ogre », la « pieuvre », le « pilleur de contenus », la firme américaine n’est pas traitée avec tendresse par l’auteur. De fait, Google est régulièrement en conflit ouvert avec les pouvoirs publics, ses concurrents, voire des secteurs économiques entiers.

Pourtant, l’opinion, les utilisateurs accordent encore leur confiance au moteur de recherche. L’objectif de Pascal Perri est de les éclairer. Son ouvrage est un appel à la vigilance quant au développement ultra rapide et tous azimuts de la firme.

Malgré la vitesse d’évolution du secteur et les différences de normes juridiques d’un pays à l’autre, l’auteur estime qu’un encadrement règlementaire s’impose. Sans forcément aller jusqu’au démantèlement, réalisé dans le cas similaire d’autres entreprises mastodontes de communication comme AT&T, Pascal Perri prône plutôt une juste application du principe de précaution et la tenue d’un débat public sur ces questions sensibles.


* Pascal Perri, Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien. Editions Anne Carrière, 2013, 175 pages, 17 €.